Ligne Maginot - GORDOLON (GN) (Ouvrage d'artillerie)



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GORDOLON (GN)

( Ouvrage d'artillerie )









Secteur Fortifié
SFAM - SF Alpes-Maritimes

Sous Secteur
Tinée-vesubie ( 65 DI )

Quartier
Tournairet-Vésubie

Maître d'ouvrage
MIL - CORF

Constructeur
Entreprises civiles

Année
1935

Commune
ROQUEBILLIERE (06450)

Lieu-dit / Parcelle

Coordonnées
43.998661 - 7.311066

Validité information
Verifié

Niveau de réalisation en 1940
Construit

Etat actuel
Incomplet





Plan sommaire








Notes et informations



CONSTRUCTION, Cout

Le coût de construction de l'ouvrage à fin 1936 s'établit à 21,37 millions de Fr de l'époque (17,4 M€ de nos jours).

Cette dépense se répartit comme suit :
- achat terrain : 0,17 MFr
- Gros-oeuvre : 14,71 MFr, dont 1,33 pour la route d'accès à l'ouvrage.
- aménagements et réseaux intérieurs : 0,65 MFr
- Centrale électrogène : 0,78 MFr
- Cuirassements, monte-charges, portes... : 2,49 MFr
- Armements et optiques : 1,16 MFr
- Transmissions : 0,08 MFr
- Munitions : 1,33 MFr

Ces dépenses n'incluent pas celles postérieures à fin 1936 et jusqu'en 1940, qui seront importantes car la construction de l'ouvrage accuse un retard important.

A ce titre des états à mi 1939 précisent le cout de gros-oeuvre à 20,2 millions, avec encore 3,2 millions à décaisser. Le cout total final - équipements et munitions compris - s'approche donc des 30 millions de francs.
Source(s) :
SHD - 4V1514 - chiffres compilés par JM Jolas



CONSTRUCTION, Description

L'ouvrage de Gordolon est un ouvrage d'artillerie CORF comportant 3 blocs

Le bloc 1 (entrée mixte) :
- 1 cloche GFM (fusil mitrailleur Mle 24/29 et mortier de 50)
- 1 créneau pour fusil mitrailleur Mle 24/29
Le bloc en chiffres : terrassements à ciel ouvert : 4500 m3, béton armé spécial : 2.000 m3

Le bloc 2 :
- 1 créneau pour jumelage de mitrailleuse Reibel MAC 31 et canon AC de 47 mm
- 2 créneaux pour mortier de 81 mle 32
- 1 créneau FM de défense vers le vallon en arrière de l'ouvrage
- 1 cloche GFM (fusil mitrailleur 24/29 et mortier de 50)
- 1 cloche pour jumelage de mitrailleuse Reibel MAC 31
- 1 cloche LG
Ce bloc dispose d'une issue de secours en fond de fossé.
Le bloc en chiffres : puits de 15,0 m avec l'étage intermédiaire, terrassements à ciel ouvert : 4000 m3, béton armé spécial : 2.000 m3

Le bloc 3 :
- 2 créneaux pour mortier de 75 Mle 1931
- 2 créneaux pour mortier de 81 mle 1932
- 3 créneaux FM de défense de façade ou de flanquement.
- 1 cloche OBS VDP (Vison Directe et Periscopique)
- 1 cloche GFM (fusil mitrailleur Mle 24/29 et mortier de 50)
- 2 cloches pour jumelage de mitrailleuse Reibel MAC 31
Le bloc possède une issue de secours dans le fossé diamant du créneau FM de flanquement droit.
Le bloc en chiffres : puits de 31.9 m avec l'étage intermédiaire, terrassements à ciel ouvert : 4000 m3, béton armé spécial : 3.000 m3

Comme l'ouvrage de CASTILLON, compte tenu du fort dénivelé entre l'entrée et les blocs de combat, l'ouvrage est établi sur deux niveaux souterrains séparés de 25 m environ, le premier comportant la caserne et l'usine est situé au niveau du bloc d'entrée, le second est un niveau intermédiaire reliant les blocs 2 et 3 et qui comporte le PC de l'ouvrage et les magasins à munitions.

L'ouvrage comporte une issue de secours principale de plein pied débouchant en avant des blocs de combat, et un bloc cheminée destiné à l'évacuation des fumées de l'usine et de l'air vicié.

Le total de la construction a nécessité 12.500 m3 de terrassements extérieurs, 13.300 m3 de terrassements souterrains, 7.000 m3 de béton armé spécial et 7.100 m3 de maçonneries intérieures. Le développement des galeries est de 584 m linéaires, dont 304 m de communications principales et 280 m linéaires de locaux, alvéoles et magasins.

Le bloc 4 (bloc de surveillance pour FM) a été ajourné en 2ème Cycle.

La plateforme devant l'entrée de l'ouvrage est construite sur l'emplacement d'un torrent qui a été canalisé et passe par trois buses de fort diamètre noyées dans un massif béton passant devant le bloc.
Source(s) :
SHD - 4V1514



CONSTRUCTION, Mission, ou Fonction de l'objet

L'ouvrage de Gordolon avait pour mission d'interdire la vallée de la Vésubie et de contrôler le débouché du vallon de la Gordolasque avec son voisin Flaut


DENOMINATION, Indicatifs et n° d'abonné

La cloche VDP du B3 porte l'indicatif O84. Un 2e observatoire est rattaché à l'ouvrage: il s'agit de O85 au pas d'Albéras.


EFFECTIF, Commandement et/ou unité

L'équipage théorique de l'ouvrage de Flaut etait composé de 246 hommes et de 5 officiers principalement issus des 61° DBAF et de la 12° Bie du 167° RAP.

Cdt d'ouvrage : Cne CARDI Joseph (94° BAF)

Cdt l'Infanterie : Lt DUVERNAY, Lt CARLON à partir du 18 nov 39, Lt ALLARY
Cdt l'artillerie : Lt OUSTIN, Lt BOCCADORO à partir du 30 oct 39, Lt ARNOUX à partir du 21 mai 1940 (vient du Mont Agel)

Major d'ouvrage : Slt LEVEY-LATTES jusqu'au 23 mai 1940

PC des mortiers de 81 : Lt DEREMAUX
75 - 31 du bloc 3 : S-Lt GOUT

Blocs : Lt ALLARY et GASTAUX


EQUIPEMENT, Electrique

L'ouvrage est alimenté depuis le réseau civil par un transformateur installé dans les locaux souterrains. L'alimentation par l'arrière, initialement assurée par une ligne électrique aérienne de 5 kV entre la centrale de St Jean la Rivière et l'ouvrage, a été modernisée après guerre fin des années 40 par installation d'une ligne souterraine de 10 kV donnant sur un transfo de 63 kVA.

En cas de disparition du réseau civil, la production électrique est assurée par une usine électrique dotée de trois groupes électrogènes à moteur SMIM type 4 SR 19 à 4 cylindres développant 92 CV effectifs à 600 tr/mn, équipés d'alternateurs BREGUET AE-681 de 55 kW en 210V triphasé (N° 60.556, 60.557 et 60.559).

Le groupe auxiliaire de l'usine était un CLM 1PJ65 (n° L H 5) de 8 CV à 1000 tr/mn entrainant une dynamo Ateliers d'Orléans DD-2-SP (n° 190.361) de 3 kW en 115V continu.

Ces moteurs étaient alimentés par 4 réservoirs à gasoil de 9.750 litres et refroidis par 3 réservoirs de 21.000 litres d'eau. La température de l'eau était contrôlée par un aéro-refroidisseur F. Fouché situé dans les sous-sol de l'entrée. La lubrification était faite au travers de deux citernes d'huile dans l'usine.

L'ouvrage dispose d'un chauffage électrique partiel, qui a été pillé durant l'occupation et partiellement réinstallé après guerre.

Monte-charges :
- un Roux-Combaluzier de 2,5 tonnes à 2 vitesses (n° B258) entre étage inférieur et étage intermédiaire, mu par moteur AlsThom NP589 et 17,5/4 CV. La grande vitesse n'était utilisée qu'en cas de combat.
- Un Simplex de 100 kg type 6706 entre étage intermédiaire et B2, desservant 4 paliers et mû par un moteur Ateliers d'Orléans E3 de 6 CV.
- un Roux-Combaluzier identique à celui entre les étages bas et intermédiare (n° D261) pour aller de l'étage intérmédiaire au B3, desservant 3 paliers.
Source(s) :
SHD - Carnet d'ouvrage de Gordolon


Les moteurs d'origine de l'usine électrique portaient les numéros de série suivant :
1 - 557
2 - 558
3 - 559
Ces moteurs sont restés en place sans modification après guerre.
Source(s) :
Liste des moteurs mai 1940 - Association Edelweiss



EQUIPEMENT, Hydraulique

A quelque chose, malheur est bon... Les infiltrations d'eau massives qui faillirent tuer la construction de l'ouvrage permirent en contrepartie de l'alimenter en eau de façon amplement suffisante par captage de ces sources internes.

Une grand galerie de captage est construite en bout de galerie principale souterraine et une électro-pompe et deux moto-pompes permettent de distribuer l'eau dans l'ouvrage en débitant dans deux réservoirs de 16.000 litres, un réservoir journalier de 500 litres, un réservoir de service réduit de 2.000 litres, un de 2.800 litres à la cuisine et enfin un de 190 litres aux lavabos et 100 litres à l'infirmerie.

Le refroidissement des armes était permis par deux réservoirs de 700 litres à l'étage supérieur du B2, et deux réservoirs de 1.700 litres, deux de 600 litres et un de 880 litres à l'étage supérieur du B3.

Dans le cas fort improbable d'asséchement de la source interne, l'ouvrage pouvait être alimenté en secours par camions (poste de dépotage dans l'entrée).
Source(s) :
SHD - Carnet d'ouvrage de Gordolon



EQUIPEMENT, Mobilier et second œuvre

La cuisine était équipée d'une cuisinière au mazout.

Le chauffage de l'ouvrage était primitivement assuré par réchauffage de l'air pulsé dans celui-ci au moyen d'une batterie chauffante sur la gaine principale de ventilation. A ceci s'ajoutait un piquage d'eau chaude sur le circuit des moteurs qui permettait d'alimenter 5 radiateurs de chauffage central (3 à l'infirmerie et 2 dans les latrines).

Des radiateurs électriques ont ensuite été ajoutés avec le raccordement arrière au réseau électrique civil. Ils ont été pillés durant l'occupation.


EQUIPEMENT, Transmissions

Le central principal de l'ouvrage de Gordolon était un central à 64 directions composé de deux panneaux muraux TM32 pour 32 abonnés et d'une table d'exploitation à 14 circuits.

Le central Tir installé au PC de l'ouvrage était un central à 16(?) directions sous carter étanche composé de deux centraux TM32 à 8 directions


EQUIPEMENT, Ventilation

L'ouvrage est équipé d'une centrale de filtration air gazé de deux batteries de 4 filtres chaque.

Cette installation a été vidée de ses ventilateurs durant l'occupation, qui ont été remplacés après guerre par des ventilateurs SW de 1,4 CV (air pur) et Unelec de 2 CV (air gazé). Les blocs 2 et 3 ont eux aussi été rééquipés sur leurs propres circuits d'air pur et gazé (resp. 3 et 7 filtres).
Source(s) :
SHD - Carnet d'ouvrage de Gordolon (1955)



ETAT ACTUEL , Etat - utilisation actuelle

Années 2000: L'ouvrage de Gordolon est ouvert à tous vents et livré au pillage.
2011: l'ouvrage est acquis par une association MVCG Sud Est Côte d'Azur qui en entreprend la sauvegarde
2018: L'Association MVCG Sud et Côte d'Azur et son responsable J.M. Grinda ont effectué un travail remarquable, déboisement des superstructures, nettoyage complet de l'ouvrage, malgré les attaques incessantes de vandales et pilleurs en tout genre.
2021: L'ouvrage a été repris depuis un an par l'association "Les amis du fort de Gordolon" qui continue la restauration du fort.

AVERTISSEMENT SECURITE :
L'historique de la construction, tel que l'a minutieusement rappelé Jean-Michel Jolas, doit attirer l'attention du visiteur sur les questions de sécurité du lieu. Certes, en plein été et grâce à la canicule, le site est paisible et particulièrement accueillant. C'est en période d'orage qu'il faut être au contraire très prudent. La Grande Faille de la Vésubie (dont les giclées diapiriques de gypse se voient tout le long de la route d'accès) est séismogène et connue historiquement pour très active. La faille transverse qui accidente l'esplanade du bloc d'entrée n'arrange rien. Sur la carte géologique de 1967 est figurée, juste au sud, une zone de glissement en masse de tout le versant de grès et schistes, qui est fossilisée aujourd'hui par la végétation d'apparence rassurante, mais qui est de même type que le Mouvement de Terrain de la Clapière, à St-Etienne de Tinée. La galerie de l'égout découverte tout en bas de l'ouvrage a un aspect très peu engageant, avec ses deux parois parallèles penchées comme si les terrains (grès, schistes intercalés) poussaient le versant et voulaient le faire basculer par appel au vide. Conclusion : par gros orage et après une longue saison de pluies, prudence ! Mon père (22e BCA) m'a raconté comment, en 1933, le camp de toiles de sa compagnie s'est retrouvé, une nuit d'orage (sur l'autre versant de la Vésubie), presque enseveli sous la boue. Ils se sont extirpés de leurs tentes avec leurs baïonnettes. C'est un phénomène rare : la terre devient liquide.

Jean


HISTORIQUE, Chronologie

L'ouvrage de Gordolon a joué avec son voisin Flaut un rôle déterminant pour stopper l'offensive italienne de juin 1940 dans la vallée de la Vésubie.


HISTORIQUE, Construction

L’ouvrage de GORDOLON est fait partie du programme restreint de défense de Nice approuvé en Juillet 1929. Il doit, en première urgence, compléter de barrage de la Vésubie en complément du maillon principal de défense constitué par l’ouvrage de FLAUT, situé sur l’autre rive de la Vésubie, en contrehaut.

La mission principale de l’ouvrage est définie de la façon suivante :
- Interdire frontalement la vallée de la Gordolasque qui descend de la frontière italienne (plus proche de Roquebillière à cette époque), et qui est mal vue de FLAUT.
- Compléter l’interdiction frontale de la Vésubie assurée par FLAUT
- Battre par armes d’infanterie le confluent des deux vallées
Sa mission secondaire se résume à la couverture en flanquement de l’ouvrage de FLAUT et de ses accès par l’arrière.

1929 :

La Direction des Travaux de Fortification (DTF) de Nice émet sur ces bases un premier avant-projet sommaire de l’ouvrage en Novembre 1929 (dossier 6868/S). Pour remplir les missions définies, l’ouvrage comporte à ce stade quatre blocs :

- Un important bloc frontal de barrage prenant à son compte l’essentiel des missions d’interdiction à l’aide d’un mortier de 75mm vers la Gordolasque, deux canons obusiers vers la Vésubie, et trois jumelages couvrant les approches par le Nord de l’ouvrage, le confluent Gordolasque/Vésubie, et la route montant à FLAUT. Ce bloc est par ailleurs équipé d’un observatoire sous béton.
- Un bloc pour tourelle à éclipse de mortiers de 81mm, assurant le flanquement et la couverture de FLAUT, ainsi que le bombardement des approches Nord de GORDOLON.
- Un bloc avec cloche GFM couvrant les dessus de l’ouvrage et assurant un rôle d’observation secondaire
- Une entrée arrière, à une altitude la situant au niveau de la galerie intermédiaire actuelle. Cette entrée comporte sur sa droite une plateforme pouvant accueillir un mortier de 81mm à l’air libre

Tel que conçu, cet avant-projet se rapproche beaucoup (à la tourelle de 81mm près) de celui de l’ouvrage de barrage de St ROCH et comporte de nombreux points communs avec les autres avant-projets des Alpes, en particulier ces blocs massifs bardés d’armes et les plateformes pour 81mm (dont les seules construites le seront à RIMPLAS). Le prix de revient estimé alors de 7,15 MF pour un budget alloué de 7 MF au titre du programme restreint. La DTF, prudente, fait réaliser simultanément à ce projet une étude géologique de l’emplacement futur. Cette étude, qui tient sur moins d’une page, est plutôt optimiste : le mamelon où se situera l’ouvrage est fait de grès entrecoupé de couches de schiste, l’ensemble étant sain et propre à la construction.

Ce rapport géologique, pour le moins superficiel, sera à l’origine deux ans plus tard de l’un des plus gros ratages financiers de la fortification des Alpes. Au point que l’ouvrage de GORDOLON a failli ne jamais exister dans sa forme actuelle.

La CORF et l’ITTF évaluent ce projet en Décembre et font valoir que – bien que seuls de mortiers de 81mm sont susceptibles de couvrir FLAUT du fait de la différence d’altitude - la tourelle de 81mm leur semble luxueuse pour une simple mission de flanquement. D’autres demandes de modifications de détail amènent la DTF à resoumettre un avant-projet amendé en Février 1930. Ce deuxième avant-projet est affiné par rapport au premier, et bien que la tourelle à éclipse ait été remplacée par une simple tourelle tournante pour 81mm (à concevoir…), le prix de revient se voit augmenté à 7,4 MF. Anticipant la levée de bouclier du Ministère, la DTF suggère optionnellement d’envisager un remplacement de la tourelle par des 81mm sous casemate… Cette proposition de changement est actée immédiatement… exit la tourelle.

1930 :

Les choses vont en rester à peu près là pour l’ouvrage pendant un an, le temps pour la DTF de concevoir et lancer la construction de la route menant à l’ouvrage. Celui-ci est en effet isolé en rive droite de la Vésubie, et uniquement accessible de façon défilée par le Sud. Le projet d’une route de 2,3 km en fond de vallée sur la rive Ouest est approuvé en Juin 1930 pour un montant de 830.000 F. Les artilleurs de la 15° Région Militaire profitent de l’automne pour définir plus précisément les plans de feux des deux ouvrages de GORDOLON et FLAUT, aboutissant à une définition précise de ceux-ci en Février 1931.

1931 :

Le premier avant-projet détaillé est daté 1er aout 1931 (dossier 464/F), et préfigure l’ouvrage final. Tout en conservant ses missions initialement définies, il se compose désormais des quatre blocs suivants :
- Un bloc de barrage réduit par rapport aux versions précédentes et composé de 2 créneaux pour mortiers de 75mm (un vers chaque vallée à interdire), 2 créneaux pour mortiers de 81mm « frontaux » vers Roquebillière sous les mortiers de 75mm et deux cloches pour jumelages orientées l’une vers Roquebillière et l’autre vers le confluent des vallées.
- Un bloc de flanquement composé de deux créneaux pour 81mm orientés vers FLAUT et les versants nord-ouest y montant. Le bloc comporte aussi deux jumelages : l’un placé sous cloche vers FLAUT et l’autre sous créneau – avec canon antichar de 47mm – orienté vers la route nationale, la Bollène et Camp de Millo.
- Un bloc de surveillance, en avant et plus haut que le bloc de barrage, couvrant l’ouvrage avec une cloche GFM
- Une entrée, déplacée en fond de vallée par rapport aux avant-projets initiaux pour économiser sur le tracé de la route.
Chacun des blocs est relié aux galeries profondes du casernement par un puits séparé de grande hauteur puisque ces blocs sont maintenant situés 55 à 60 mètres au-dessus de l’entrée… Cette configuration entraine l’obligation de construire les magasins M2 de ces deux blocs à mi-hauteur du puits pour optimiser les temps de cycle de monte-charge.
Le tout revient à… 10,9 MF pour un budget réactualisé en Février 1931 de 9 MF. Pour compenser ce dépassement important, la DTF propose de reporter le bloc de surveillance en 2° cycle, avec les locaux souterrains qui y sont liés. Elle demande tout de même une prise de décision rapide pour pouvoir lancer l’adjudication, en même temps que celle pour l’ouvrage voisin de FLAUT.

Le marché de construction du gros-œuvre de l'ouvrage est passé à l'entreprise BORIE de Paris le 28 Septembre 1931, pour 6,36 millions de F.

Malgré ce report du bloc de surveillance, le projet sort tout de même à 9,4 MF ce qui entraine son rejet en Octobre 1931 et une demande de prise en compte des changements suivants :
- Conformément à des décisions similaires prises précédemment pour CAP MARTIN ou au LAVOIR, il est demandé de ne pas placer les mortiers de 81mm sous les mortiers de 75mm avec cuirassements frontaux lourds type RIMPLAS qui nécessitent une assise importante. Il est suggéré de déplacer ces deux 81mm vers le bloc de flanquement, ce qui a le mérite annexe de rationnaliser le stockage de munitions en plaçant tous les mortiers identiques ensemble dans un même bloc.
- Les puits de 60 mètres sont à supprimer. Il est suggéré de créer un étage intermédiaire complet intégrant tous les magasins M2 et le PC d’ouvrage comme à CASTILLON, relié par monte-charge de grande capacité à l’étage inférieur du casernement et par deux monte-charges aux blocs actifs.
- Ajourner le bloc de surveillance en 2e cycle tel que proposé, la couverture de l’ouvrage étant à assurer par l’ouvrage de FLAUT (deux mortiers de 81mm - dans un bloc qui sera lui-même reporté en 2e cycle ultérieurement ! - et un jumelage dans le bloc D)
- Réduire le casernement et passer à une configuration en arête de poisson plutôt que la configuration parallèle initialement envisagée.

1932 :

Ces nouvelles directives nécessitant des changements importants, le travail de remise au point prend plusieurs mois. Le projet technique de plan de masse rectifié de l’ouvrage (dossier 225/F), conforme aux désidératas de la CORF et de l’ITTF, est présenté en Mars 1932 :
- Le bloc de Barrage ne comporte plus que les deux mortiers de 75mm frontaux et les deux jumelages sous cloches alors que le bloc de flanquement comporte maintenant quatre mortiers de 81mm œuvrant dans deux directions différentes, une cloche jumelage et un jumelage/canon de 47mm sous béton.
- Un étage intermédiaire complet du casernement remplace maintenant les puits de 60 mètres.
- Le bloc de surveillance ayant été jugé nécessaire, il est conservé dans le projet mais sous la forme d’une simple casemate avec deux créneaux FM plongeants protégeant les pentes Nord de l’ouvrage, toujours en 2e cycle. Les deux blocs actifs sont équipés chacun d’un créneau additionnel pour FM vers l’arrière permettant d’assurer une forme de flanquement des dessus.
Le projet n’est pas exempt de mauvaises nouvelles… La nouvelle position de l’entrée en bas de pente proche du torrent de Sommelongue nécessite la canalisation de celui-ci et son passage sous la plateforme d’entrée via un aqueduc souterrain, qui avait été « omis » dans le projet précédent. Cet aqueduc pourra cependant fournir une sortie naturelle pour les égouts de l’ouvrage. Le projet se voit par ailleurs ajouté un bloc cheminée en option au cas ou l’évacuation des gaz sous l’entrée par ce même aqueduc ne serait pas possible (ce que l’ITTF va rapidement confirmer…).

Le budget alloué pour le projet avait été prudemment augmenté à 11,1 MF un mois plus tôt par l’état-major sur proposition de la CORF. Las, le nouveau projet voit son prix de revient de 1er cycle passer à 11,5 MF malgré le maintien de la casemate de protection en 2e cycle ! Et encore ce dépassement est considéré par le Ministère comme largement sous-évalué : le réseau de fil de fer barbelé est mal chiffré, il manque des munitions dans le budget et surtout il ne prend aucune enveloppe d’imprévus en compte contrairement aux règles d’établissement de coût. L’accueil de ce nouveau projet est donc particulièrement tiède… Enfin, la CORF mentionne la venue du nouveau canon raccourci de 75/05 (futur 75R32, avec meilleure portée que le Mortier de 75mm) et demande que l’installation de telles pièces à la place des mortiers de 75mm soit étudiée. Les études sont donc à poursuivre, mais la DTF demande tout de même une autorisation de principe pour pouvoir commencer les travaux de percement de galerie et des puits de blocs à partir d’Avril 1932 sur la base de ce projet. Le tracé des galeries n’étant remis en cause que sur des aspects de détail, cette approbation est accordée fin Mai par la 4° Direction. Dans l’intervalle, l’option 75/05 est rejetée car les cuirassements frontaux spéciaux ne sont pas compatibles avec cette arme et nécessiteraient un nouveau développement. On en restera donc aux mortiers de 75mm.

Les travaux, adjugés à la société BORIE, débutent à l’été 1932 par trois attaques parallèles : la galerie d’entrée, le puits du bloc de Flanquement, puis un mois plus tard le puits du bloc de Barrage et la galerie de service de l'étage intermédiaire (future issue de secours). La DTF met à profit cette période pour concevoir la centrale électrogène de l’ouvrage ainsi que le réseau électrique (éclairage et force).

Les ennuis de type géologique débutent dés Aout 1932… Le percement du puits du bloc de barrage fait apparaitre un substrat fait de couches de grès intercalées de schiste mélangé à de la glaise. Ces couches ont tendance à glisser l’une sur l’autre vers la pente de la colline. Or la forme du terrain a été mal évaluée lors des levers et le bloc de barrage se situe tel que conçu juste au bord du vide, avec un risque de basculement. La DTF informe en conséquence le ministère qu’après évaluation avec le Lt-Col GAGLIO de l’ITTF, il faut se résoudre à reculer le bloc. Comme il n’est pas question de perdre le puits déjà creusé, cela implique une redéfinition complète de l’agencement interne du bloc pour permettre son recul tout en conservant le puits dans l’empreinte de celui-ci. Ceci aboutit à un nouveau plan du bloc de barrage, émis début Novembre, et qui présente une partie droite reculée (chambre de tir 75mm droite non plus en avant mais à côté du puits). A cette date, une petite partie de la galerie d'entrée est roctée et revêtue et la galerie de service supérieure est juste percée.

Cette émission du nouveau plan du bloc de barrage permet au Col ANDRE, directeur des travaux de fortification de Nice, de notifier le Ministère que la situation géologique de la zone de chantier est encore plus défavorable qu’anticipée :

- La zone de percement de la galerie basse, futur emplacement du bloc d’Entrée, est constituée d’un éboulis alluvionnaire particulièrement instable et risquant de glisser à la première sollicitation malencontreuse. Outre le risque d’un ensevelissement de l’entrée lors d’un bombardement éventuel, le simple percement de la fouille du bloc risque d’entrainer le même résultat. La galerie déjà amorcée a du être étayée massivement pour tenir le terrain et il est envisagé de réaliser immédiatement ses maçonneries pour stabiliser le tout.
- Le puits du bloc de flanquement présente des infiltrations massives d’eau en provenance des couches de schiste intercalé entre le grès. Le puits est inondé en permanence malgré le pompage et les ouvriers travaillent dans des conditions pénibles, voire dangereuses.
- Enfin, le plus grave, les pétardements effectués pour faire les fouilles ont créé une grande fissure qui fracture toute la colline entre les deux blocs actifs, prouvant s’il le fallait encore la mauvaise qualité du terrain. Ces mouvements se traduisent par un déplacement des boisages de galeries et des puits de blocs.

En attendant les avis techniques autorisés, la DTF ordonne l’arrêt des travaux et consulte l’entrepreneur pour qu’il amène ses propres idées. Le géologue auteur de la première étude en 1929 est requis sur site pour s’expliquer et apporter sa propre analyse de la situation. Le chantier reçoit la visite fin Novembre du Gal FROSSARD, Inspecteur Technique des Travaux de Fortifications, qui approuve les mesure conservatoires prises par la DTF de Nice et confirme le risque de glissement complet du mamelon de l’ouvrage. Il confirme par ailleurs l’intérêt de construire - tel que proposé par la Ste BORIE - trois massifs de consolidation des éboulis en arrière de l’entrée par le biais de puits dont l’un pourrait servir de cheminée à l’ouvrage.

Un mois plus tard en Décembre un nouveau rapport de la DTF ne peut que constater l’aggravation de la situation malgré les mesures conservatoires. Les fissures constatées dans les galeries déjà maçonnées en urgence continuent de s’élargir, et d’importantes arrivées d’eau sont constatées dans la galerie basse à côté de la future usine ainsi que dans le puits en cours de fouille entre la galerie intermédiaire et la galerie basse. L’examen plus approfondi de l’éboulis au-dessus de l’entrée conclut à l’irréalisme de la proposition faite par la Sté BORIE ou en tous cas de son cout prévisionnel prohibitif. Les nouvelles mesures suivantes sont proposées et approuvées :
- Revêtement des galeries de l’étage inférieur et d’une partie de l’étage intermédiaire en béton – probablement armé – plutôt qu’en maçonnerie.
- Percement à partir de la galerie inférieure d’un puits préliminaire à petite section vers la fouille du puits de liaison entrepris à partir de l’étage intermédiaire, pour favoriser l’évacuation de l’eau par la galerie inférieure. Ce conduit sera ensuite élargi à la cote nécessaire du puits de liaison final.
- Consultation de la société PLM qui a rencontré des difficultés similaires sur la construction du tunnel de Grazian près de sospel et celui de la Ricamarie dans le Loire. PLM avait alors travaillé avec BORIE pour trouver une solution moins couteuse pour stabiliser les galeries.
- Déplacement de la position du bloc d’entrée d’une dizaine de mètres vers le Sud, pour le dégager complètement de la pente d’éboulis, et le raccorder au mamelon après construction par un massif en béton cyclopéen.

Après discussion avec BORIE, il est proposé en outre d’injecter du ciment dans le terrain naturel là où il est le plus fracturé et là où les galeries sont les plus sujettes aux infiltrations (côté Ouest des galeries intermédiaire et inférieure).

… suite en dessous.

Mise à jour de l'historique détaillé : Jean-Michel Jolas - © wikimaginot.eu - Avril 2019
Source(s) :
SHD - carton 4V1647 à 1651, carton 6V11326bis


1933 :

Les nouvelles inquiétantes sur la viabilité du chantier et sur les surcouts à attendre de toutes ces mesures palliatives entrainent une réaction immédiate des instances centrales. La CORF, soutenue en cela par la 4° Direction du Ministère (Génie), demande le 4 Janvier que le chantier soit stoppé à l’exception de ce qui est strictement nécessaire pour la simple mise en sécurité. Elle demande par ailleurs que la DTF étudie séance tenante un plan de remplacement consistant dans :
- la construction en 1er cycle d’un petit ouvrage bas au confluent des vallées de Vésubie et Gordolasque, en avant du chantier actuel,
- et d’un ouvrage d’artillerie sommital sur la Sommelongue en 2e urgence.
La DTF doit par ailleurs proposer une utilisation à minima de l’amorce d’ouvrage déjà construite dont l’état des lieux est le suivant à cette date :
- la galerie basse sert de galerie de service et une partie de l’usine et de la galerie principale du casernement est fouillée et revêtue. L’embranchement vers le puits menant à l’étage intermédiaire est fouillé lui aussi mais non revêtu.
- A l’étage intermédiaire : une galerie de service de plain-pied (future IS), les locaux du PC et du central, ainsi qu’une partie de la galerie menant aux deux puits de blocs sont faits. Le puits vers la galerie basse est percé à moitié de hauteur.

Les dépenses consenties à date sont d’environ 2 MF, auxquels il faudra ajouter 1 MF de renforcements de galerie et de mise en sécurité au moyen d’anneaux de béton armée.

Nice obtempère et dépose le 19 Janvier (dossier 54/F) le projet d’une « ouvrage bas de Gordolon » composé de deux casemates d’infanterie, non reliées et disposées de part et d’autre de la Vésubie 300 mètre au nord de l’ouvrage initial au niveau du nouveau pont sur la Vésubie. La casemate de gauche (Ouest) couvrira l’embouchure de la Gordolasque et la casemate voisine, celle de droite (Est) couvrira les approches par Roquebillière et la casemate Ouest. Le tout revient à 2,8 MF auxquels il faudra rajouter en 2e cycle le cout de « l’ouvrage haut » d’artillerie, et surtout de sa longue route d’accès… Concernant l’ouvrage en chantier, il est simplement proposé de le convertir en abri – possiblement actif avec cloche GFM sommitale pour utiliser les puits de blocs déjà réalisés. La galerie basse serait prolongée pour offrir un débouché Nord permettant d’accéder de façon défilée à la casemate Ouest de l’ouvrage Bas. Optionnellement, la DTF propose de conserver les mortiers de 81mm du bloc de flanquement pour couvrir le futur « Ouvrage Bas » et surtout FLAUT qui se retrouve sans protection. Il y aurait donc lieu de continuer à dépenser quelques millions sur l’ouvrage initial pour achever ces travaux.

En conclusion du document de projet, le Col ANDRE plaide vigoureusement pour qu’on évite de prendre une décision hâtive tant que les dernières mesures prises pour la stabilisation de l’ouvrage actuel n’ont pas montré leurs effets… Les généraux BELHAGUE (CORF) et FROSSARD (ITTF) décident de se rendre sur place et de visiter le chantier le 2 Février avec les responsables locaux pour juger de la situation. Attentifs aux arguments du Col ANDRE et sensibilisés sur le cout et l’imperfection de la solution alternative, ils reviennent à Paris avec la conviction que continuer les travaux de l’ouvrage initial est finalement la moins mauvaise des solutions. On oublie donc l’ « ouvrage Bas » et le chantier reprend comme si rien ne s’était passé. La visite a tout de même un effet sur la structure de l’ouvrage. Le Gal FROSSARD, impressionné par les infiltrations et la mauvaise qualité du terrain côté Sud-ouest de l’étage intermédiaire sous le bloc de Flanquement (futur B2), demande de limiter au strict nécessaire l’important magasin M2 pour mortiers de 81mm prévu là en reportant deux de ces pièces dans le bloc de Barrage (bloc B3) avec les magasins correspondants. Retour donc sur la planche à dessin pour modifier à nouveau les deux blocs actifs !

Le 14 Mars 1933, un nouveau projet de bloc de Barrage (B3) contenant les deux mortiers de 81mm rapatriés du bloc de Flanquement est proposé. Ces mortiers ne pouvant être replacés sous les mortiers de 75mm frontaux, ils sont placés à gauche du bloc, sous les deux cloches pour jumelages, qui sont écartées pour l’occasion. Pour minimiser le surcroit de terrassement nécessité par l’allongement du bloc vers la gauche, les deux cloches JM sont interverties : celles tirant le plus à gauche vers Roquebillière est déplacée à droite et réciproquement. Ces deux cloches croisent maintenant leurs feux... Ce projet s’attire quelques commentaires sur le manque de défilement de ce bloc qui devient important et sur le risque de basculement vers la façade de l’important mur de contrescarpe du fossé des mortiers de 81mm. Il est suggéré de rabaisser la hauteur de la chambre de tir d’un bon mètre tout en minimisant l’impact sur le champ de tir de cloches JM. Le projet est cependant validé dans le principe par DM 2061 2/4-S du 3 Mai 1933, tout en demandant qu’un nouveau plan intégrant les commentaires soit produit. Ce sera chose faite le 15 Mai : la DTF propose un bloc plus ramassé en hauteur, et incluant un fort arc boutant de blocage du mur de contrescarpe des 81mm. L’ouverture de l’arc boutant en partie basse permet le tir du FM de l’orillon central dans le fossé diamant des 81mm. Cette particularité spécifique fait l’une des originalités de cet ouvrage.

Le 17 Mars, c’est au tour du projet technique du bloc d’Entrée, déplacé de 11 mètres vers le sud-est à l’extérieur du massif, d’être envoyé pour commentaire. Comme anticipé, ce bloc sera construit à l’air libre, puis couvert d’un massif de béton cyclopéen pour faire la liaison avec la colline. Ce faisant, il perd une grande partie de son défilement aux vues et aux tirs ennemis et la liaison avec la galerie sera faible, ce qui entraine une demande de renforcement, et surtout de mise au point de solutions permettant d’éviter son déplacement ou son basculement lors de tirs à gros calibre. L’ouvrage de canalisation du torrent sous la place d’arme de l’entrée est lui aussi examiné et commenté. Sous ces réserves, le projet est approuvé le 29 Avril 1933. Le 23 Mai, la DTF propose en réponse un système de trois tenons-mortaises de 2,5m d’ancrage sur la dalle supérieure et les deux piédroits latéraux pour verrouiller le bloc en translation et rotation par rapport au béton de la galerie qui émerge de la colline. Ce dispositif - là encore original et unique à GORDOLON - est approuvé en Septembre, avec les plans finaux du bloc.

Au 1er Avril, avec tous ces ennuis seulement 25% des fouilles ont été réalisées, alors que celles de l’ouvrage voisin de FLAUT, commencées en même temps, sont pratiquement achevées.

Une expertise technique réalisée en Avril par un officier de réserve spécialiste des ponts et chaussées conforte la DTF dans les mesures conservatoires qu’elle a prise et étaye la décision de construire toutes les galeries exposées aux mouvements de terrain (en gros l’essentiel ce qui est au sud du B3 de l’ouvrage) en béton armé. On va même plus loin en réalisant le bétonnage de parois de ces galeries sous forme de tube oblong en un seul tenant, avec contre-voute bétonnée en partie basse pour résister aux éventuels gonflements de terrain, un peu dans l’esprit des galeries ovoïdes des Festen allemandes de Metz. Les soucis géologiques ne touchent d’ailleurs pas que l’ouvrage proprement dit, puisque la route d’accès connait depuis sa mise en service de nombreux éboulements de terrain à proximité de l’ouvrage – au grand dam des entreprises du chantier -, entrainant la nécessité de construire un mur de soutènement à l’été 1933 dans les zones les plus fragiles.

Enfin le dossier technique et les plans du bloc de flanquement allégé de deux de ses mortiers de 81mm est établi en Juillet-Aout 1933 et validé à son tour fin Septembre. En Novembre, le projet technique relatif à la ventilation et au chauffage de l'ouvrage est présenté et approuvé.

1934 :

L’année voit la coulée des blocs et le début de l’équipement de l’ouvrage, en particulier avec le projet relatif à la centrale électrogène, dont le concours de fourniture commun pour GORDOLON et FLAUT a été émis aux fournisseurs potentiels à l’été 1933, en même temps que celui pour la ventilation des deux ouvrages. Concernant GORDOLON, il prévoit la fourniture de 3 groupes moteur-alternateur permettant de délivrer 50 kW chacun, avec tout le matériel d’approvisionnement et de stockage d’eau de refroidissement – incluant l’aéro-refroidisseur - et de combustible. Le marché de ventilation intègre 12 moto-ventilateurs installés sur sept circuits, le tout pour un budget de 425.000 F.

Le marché de l'usine est remporté par la Sté SMIM, et l’installation est sous-traitée à la société FARAUT de Nice. Celui de la ventilation est attribué courant Aout à la société NEU pour un montant de 681.475 F au total pour les deux ouvrages de GORDOLON et FLAUT.

L’année connait aussi le lancement des travaux d’adduction d’eau de l’ouvrage. A quelque chose, malheur est bon : les infiltrations massives connues par l’ouvrage montrent à l’évidence qu’il n’y aura pas à chercher l’eau bien loin, à l’inverse des nombres d’autres ouvrages des Alpes. Une étude générale de l’adduction et plus généralement de l’assainissement de l’ouvrage est menée durant 1934. La solution d’adduction retenue consiste simplement à prolonger la galerie du casernement par une petite galerie de collecte d’eau coudée vers l’intérieur de la montagne. Les parois poreuses de cette galerie alimentent par simple ruissellement un bassin de collecte en bout de casernement.

En fin d’année, l’ouvrage est estimé achevé à 60% au total, et peut être partiellement occupé.

1935 :

Les groupes électrogènes sont livrés à l’ouvrage au printemps 1935 et l’installation se poursuit jusqu’en Juin. La réception partielle de cette centrale est réalisée le 11 Juillet, sans que l’installation de l’aérorefroidisseur soit faite. Cette même année voit la conception du projet de réseau de fil de fer barbelé et le début de sa réalisation par la MOM.

La finalisation du gros-œuvre de l'ouvrage de Gordolon s'étale jusqu’en juin 1935. Dans le cadre du programme général d'équipement des ouvrages des Alpes en armes mixtes, la CORF approuve (note 755/ORF du 9 Juin 1935) l'équipement de deux cloches JM du bloc de barrage avec cet armement à la place des jumelages conventionnels. Les cloches ne seront jamais converties du fait des retards d'approvisionnement. A cette occasion, la DTF de Nice pose la question de la conversion éventuelle d’un créneau FM de l’entrée en créneau pour arme mixte. La CORF repousse cette idée devant les difficultés techniques à en attendre et suggère à la DTF d’améliorer la défense antichar de l’entrée par des moyens ad-hoc, comme par exemple l’installation d’un canon de 25mm de campagne dans l’entrée en pratiquant un créneau de circonstance dans le tablier relevé du pont-levis…

La lutte contre les infiltrations reprend avec un projet spécifique d’assainissement de l’ouvrage, qui s’étalera sur plusieurs années du fait des restrictions budgétaires. Il est partiellement basé sur l’étude de 1934.

1936 :

Les équipements de téléphonie seront posés en 1936 par le Génie.

1937 :

L'ouvrage est classé le 14 Janvier 1937 dans la liste des places de guerre par décret, bien qu'il soit loin d'être achevé.

En Avril 1937, l’ouvrage à déjà coûté 15,1 MF, hors munitions à y stocker. L’estimatif du moment prévoit - de façon très optimiste - encore 0,4 MF de dépenses à engager. Fin 1937 l’ouvrage est considéré utilisable, hors réseau de barbelés.

La zone la plus critique des infiltrations, proche de l’usine électrogène, justifie une attention particulière du fait de la présence présumée d’une source dans les parages. Un plan initial réalisé en 1933 lors de la conception du système d’égout proposait déjà d’ajouter une prise d’eau en bout de la salle des citernes à eau pour assurer une forme de drainage. C’est finalement une deuxième galerie de captage de source qui est décidée en 1937, similaire dans sa conception à celle du bout du casernement, et qui sera construite entre l’usine et les réserves de la cuisine. Cette galerie capte directement la source incriminée par un puits de 12 mètres de haut au-dessus des locaux concernés, l’amène vers la galerie principale et l’envoie sans autre forme de procès par un égout spécifique vers l’entrée de l’ouvrage et l’aqueduc sous la plateforme. Le coût du projet rajoute 150.000 F à l'addition.

1938 :

Quand ce n’est pas la géologie qui perturbe le fonctionnement de l’ouvrage, ce sont les éléments… Un très fort orage le 22 Novembre 1938 sature puis bouche les trois buses de l’aqueduc sous la plateforme de l’entrée. L’eau déchainée passe par-dessus la plateforme, remplit le fossé diamant de l’entrée et finit par noyer sous 80 cm d’eau l’étage inférieur du casernement avant que les portes étanches ne soient fermées et n’épargnent l’usine. Les dégâts sont malgré tout considérables : le sous-sol de l’entrée est noyé, entrainant la destruction du matériel TSF et l’avarie de l’aérorefroidisseur de la centrale, et surtout toute la plateforme d’entrée est emportée, avec déchaussage partiel du bloc… On ne peut plus accéder à l’ouvrage autrement qu’à pied à travers les éboulis du vallon !

Il faut donc reconstruire l’accès et la plateforme d’entrée. Le Génie en profite pour améliorer le concept d’aqueduc en surdimensionnant les buses et le bassin de décantation récepteur en amont de celles-ci. Il prévoit par ailleurs un canal de fuite en trop-plein du bassin amont, sur le côté du vallon opposé à l’entrée, pour détourner l’eau en cas de crue. Ce projet est présenté à l’été 1939. L’agrandissement de l’ouvrage de réception amont de l’aqueduc sera réalisé, mais pas le canal de fuite, considéré comme dangereux pour la défense de l’entrée car pourvoyant à l'ennemi un chemin d’approche défilé de celle-ci.

Mi 1939, l'ouvrage - hors équipements fournis par les services centraux tels que les cuirassements, l'usine... a couté 20.172.000 Fr et 3.179.000 Fr restent à décaisser, car l'aménagement des dessus est à peine entamé. La dépense totale s'approche donc de 30 millions de francs. La partie haute de l'ouvrage (blocs et étage intermédiaire) est opérationnelles, mais de gros travaux d'étanchéification de l'étage inférieur restent à finaliser. Le casernement est à peine utilisable.

En avril 1940 une extension du casernement souterrain est envisagée mais ne sera pas réalisée du fait des hostilités.

L’histoire de la construction de l’ouvrage de GORDOLON a donc été complexe et pleine de surprises désagréables. Elle montre de façon quasi-caricaturale les effets d’un des gros défauts communs à toute la ligne Maginot des Alpes : l’absence d’étude sérieuse des sols en amont même du choix de la localisation de tel ou tel ouvrage. Nulle surprise donc de constater qu’au bilan un ouvrage qui était sensé couter 9 MF dans sa configuration actuelle en coutera plus du triple en fin de compte et faillit être abandonné en cours de route.


Mise à jour de l'historique détaillé en cours : Jean-Michel Jolas - © wikimaginot.eu - Avril-Juin 2019
Source(s) :
SHD - cartons 4V1647 à 1651 et carton 6V11326bis



DIVERS (Sans critère)

Les anciens de l'ouvrage le surnommaient 'le sous-marin' en raison des diverses infiltrations d'eau dues à de nombreuses sources provenant de la montagne et rendant l'ouvrage très humide


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