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RIEUX RIOUX 1 - MAISON PENCHEE et 2 - CORPS DE GARDE



Fil ouvert par Zvon ( 117 ) - Posté le 07/02/2016

Bonjour

Est-il exact le nom Maison Penchée et Corps de garde du Rieux Rioux? Sur la carte IGN TOP 25 - 3535 OT est-il Ruisseau du Rieux Roux. A même nom Rieux Roux est à dessin original de l'année 1935.

Amicalement
Michal


Réponse de jolasjm ( 6943 ) - Posté le 08/02/2016

Bonjour Michal

Le nom de "Maison Penchée" lui a été donné après-guerre par les habitants de Modane, quand cela a commencé à devenir une attraction touristique. Ce nom est devenu depuis le nom quasi-officiel. c'est en tous cas le nom que tout le monde connaît dans la région.

J'ai rajouté sur le site une photo du panneaux explicatif mis par la municipalité.

Amicalement
Jean-Michel


Réponse de jolasjm ( 6943 ) - Posté le 08/02/2016

... j'oubliais. C'est bien "RIEUX ROUX" son nom de base.

Amicalement
Jean-Michel


Réponse de Frédéric Lisch ( 344 ) - Posté le 09/02/2016

Salut à tous,

Quelques précisions s'imposent sur ces deux curieuses constructions.

Tout d'abord, le blockhaus situé sur le pont enjambant la voie ferrée porte techniquement le nom de "corps de garde du Rieux Roux". Nous avons également relevé le nom de "poste militaire" sur un plan d'implantation.

Dès mars 1933, la chefferie de Chambéry prévoit la construction d'un petit corps de garde de 6,00 m de côté dont l'unique armement organique (en dehors de l'armement individuel des occupants) est une mitrailleuse de campagne tirant à travers le volet blindé d'une des deux fenêtres du bloc. Devant la menace grandissante d'une attaque brusquée italienne par le tunnel, on construit finalement un bloc aux dimensions à peine plus importantes dont l'épaisseur du mur de façade est porté à 1,00 m. L'armement théorique, un peu plus sérieux, est composé d'un canon AC de 47 mm Mle 1934 sous trémie 4 et d'une mitrailleuse de campagne sous trémie type "Tunisie" plus connue sous le nom de "trémie A2R". Nous ignorons si le jumelage de mitrailleuses utilisant la trémie 4 était prévu, les documents consultés n'en parlent pas. D'ailleurs pour utiliser le JM, il eut été impossible d'effacer le 47 dans la chambre de tir dont la profondeur n'est que de 2,70 m ; une profondeur d'un minimum de 3,50 m en théorie est nécessaire pour cette manoeuvre. La défense rapprochée est assurée par des créneaux FM et des goulottes à grenades. A ce jour, nous ignorons si le canon de 47 a bien été livré. Cependant, la présence en juin 1940 d'une pièce antichar enfilant le débouché du tunnel est confirmée.

Concernant la "maison penchée", il nous semble utile d'en dire un mot également. celle-ci, portant le nom de "casernement extérieur" est installée sur la dalle de l'ancien "blockhaus-magasin" datant des années 1888-90. Cet ouvrage, aujourd'hui disparu, servait au stockage des explosifs destinés à détruire la galerie d'exploitation du tunnel du Fréjus. De ce "blockhaus-magasin, partaient deux rameaux d'accès aux fourneaux de mines.

En novembre-décembre 1935, sont dessinés les plans d'agrandissement de cet ouvrage par la construction d'un "casernement extérieur" réalisé en béton sur un seul niveau. Celui-ci comporte principalement une grande salle réfectoire, une cuisine, deux chambres pour sous-officiers et des latrines. L'édifice est surmonté d'une "tour de guet" pour la surveillance des abords. D'après les plans consultés, aucune défense rapprochée n'est prévue...

En 1944, le blockhaus-magasin est pulvérisé par le souffle de l'explosion de la galerie d'exploitation. Le "casernement extérieur" ne subit aucun dommage sérieux autre que celui de s'enfoncer dans les décombres du blockhaus-magasin. Notons pour terminer que l'ouvrage subsistant, portant maintenant le nom de "maison penchée", se trouve à son emplacement d'origine et non "projeté à plusieurs dizaines de mètres" comme on l'entend un peu trop souvent.

Bien à vous.
Frédéric Lisch.


Réponse de jolasjm ( 6943 ) - Posté le 10/02/2016

Bonjour,

Le corps de garde dit "Maison Penchée" ne semble pas s'être simplement enfoncé dans les décombres du magasin, mais s'est bel et bien déplacé d'environ 25 mètres dans un plan horizontal fuyant l'épicentre de l'explosion des deux wagons dans le tunnel. Le plan joint, basé sur:
- le schéma cadastral de la construction du corps de garde,
- ce qu'on sait des travaux postérieurs à la guerre, et
- les photos satellites actuelles,
le montre assez logiquement.

On sait que le 13 septembre 1944, les allemands font exploser dans l'entrée française du tunnel (qui date de 1881, et qui est déjà la 3e entrée dans l'histoire du côté français du tunnel) deux wagons farcis de 7 tonnes d'explosif. Les sondages de 1945 montrent que galerie est détruite sur 50 mètres, ajouté au fait que la tranchée/trémie d'entrée a été rendue inutilisable sur 20 mètres. Pour la petite histoire, ces mêmes sondages de 1945 se sont intéressés à l'ancienne entrée effondrée de 1871, et montrent que la galerie est détruite là sur 80m et qu'il vaut alors mieux réparer l'accès de 1881.

La galerie de 1881 est reconstruite sur 51 mètres, et une nouvelle entrée est construite 20 mètres en avant de l'accès de 1881 pour permettre la réparation de la tranchée d'accès. Le tunnel voit donc sa longueur totale augmenter de 20 m... et l'entrée qu'on voit aujourd'hui n'est pas celle qui existant en 1939-1944. Le schema joint montre donc la position précise du magasin et du blockhaus avant explosion, sa position actuelle après explosion, ainsi que la zone détruite du tunnel de l'époque, la position probable des 2 wagons, la zone détruite et les entrées passées et présentes.

On voit ainsi que la construction a ripé de ces 25 m évoqués plus haut, selon une direction logique par rapport à l'explosion, et qui l'a incliné selon un angle double lui-même logique par rapport à l'explosion (l'angle le plus "haut" en altitude du corps de garde est en même temps celui qui est le plus proche de l'explosion).

Ceci étant, je pense en effet que le blockhaus n'a pas été "projeté" au sens littéral du terme (genre "pirouette dans les air" qui transparait dans la croyance populaire), mais a beaucoup plus probablement été poussé par l'explosion et qu'il a glissé dans la pente des décombres du magasin et du talus, générant se déplacement horizontal.

Bien cordialement
Jean-Michel




Réponse de SCHOEN ( 1117 ) - Posté le 11/02/2016
Dernière modification par Pascal le 02/03/2018.
Bonjour,

Il y a rarement des sujets aussi abordés que la question de la maison penchée...

La seule manière pour qu'il ait pu être déplacé, sous réserve qu'il ait été déplacé, est un sous cavage qui l'aurait fait glisser dans la pente. Mais il est plus vraissemblable que le casernement ait été construit au bord de la route que juché au dessus du débouché du tunnel, plus haut que la route.

Attention au superposition du cadastre aux vues aériennes, cela ne correspond pas toujours.

Je rejoins donc l'appréciation de Frédéric. La maison serait penché en raison des mouvements de terrain engendré par l'explosion du magasin conséquente de l'explosion du train.

Sur la photo que je joins, bien que le corps de garde n'y apparaisse pas, on imagine facilement l'emplacement où il a été construit.

Antoine




Réponse de SCHOEN ( 1117 ) - Posté le 11/02/2016
Dernière modification par Pascal le 02/03/2018.
Une intéressante photo des travaux d'après guerre (source : http://www.railsavoie.fr/liberation12.html) :




Réponse de SCHOEN ( 1117 ) - Posté le 11/02/2016

Autant pour moi, je comprend mieux là où voulait en venir Fred...

Source lignemaginot.com




Réponse de jolasjm ( 6943 ) - Posté le 11/02/2016

Bonsoir à tous,

Du débat nait la connaissance :-)

Merci à Frédéric Lisch d'avoir remis en cause un credo qui se perpétue de livres en sites internet, de bouche à oreille en passant par les panneaux d'information locaux, et cela depuis des décennies.

Merci aussi pour les deux cartes anciennes, qui permettent d'affiner le diagnostic car elles sont prises quasiment sous le même angle et le boisement en arrière a peu changé. Changements notables : la disparition de certains bâtiments (dont le magasin !) et l'avancée du portail d'entrée de 20 mètres.

Je pense qu'en réalité on dit tous à peu près la même chose : le poste de garde n'a pas été "projeté", au sens décollage-atterrissage, mais a sans doute glissé horizontalement vers le bas, soit par l'effet de pente généré par l'effondrement du magasin sur lequel il était posé, combiné à un effet de souffle ou de séisme/onde de choc lié à l'explosion.

Il est vrai que les superpositions photos-cartes peuvent être trompeuses, mais le cadastre lui-même est une source moins discutable. Ce qui est intéressant c'est qu'on retrouve sur le cadastre actuel des éléments identiques au cadastre d'époque de la construction du poste de garde tel que montré sur lignemaginot.com. Ces similitudes permettent un positionnement quasi parfait, et montrent (sur celui de nos jours) très clairement la trace cadastrale du magasin. La photo jointe, tirée de géoportail, montre donc clairement que le blockhaus est aujourd'hui en dehors de la trace cadastrale du magasin sur lequel il était au départ. Le déplacement horizontal apparaît de façon visible, et montre que le blockhaus a fait plus que simplement s'enfoncer verticalement dans la ruine du magasin: il a glissé (ou été aidé à riper) latéralement.

Une autre élément qui a pu contribuer (?) à ce déplacement apparaît sur les cartes anciennes: on voit très bien qu'entre avant et après l'explosion tout un pan de la montagne, avec les renforcements en génie civil qui devaient protéger l'ancien portail, a purement et simplement disparu. Il y a possiblement eu glissement de terrain au dessus du tunnel qui a peut-être aidé à pousser latéralement le blockhaus.

Bien cordialement
Jean-Michel




Réponse de SCHOEN ( 1117 ) - Posté le 11/02/2016

J'approuve la conclusion. Vos derniers assemblages photos me convaincs.


Réponse de Frédéric Lisch ( 344 ) - Posté le 12/02/2016

Bonjour à tous,

Jean-Michel, Antoine, très bonne analyse de votre part de ce fait historique assez peu connu dans le détail. Mais, en effet les cartes postales publiées par Antoine parlent d'elles-mêmes et établissent avec précision la position de notre "maison penchée" avant et après les faits.

De plus, nous avons connaissance d'une rare photo (si ce n'est la seule photo connue à ce jour) du blockhaus-magasin surmonté du casernement extérieur avant 1940 faite, semble-t-il, depuis le fort du Replaton. Cette photo d'un grand intérêt confirme également la position de l'édifice.

Ce beau document sera publiée dans le nouveau livre de Dominique Vialard sur les fortifications des Alpes du Nord dont la sortie est prévue pour cet été.

Frédéric Lisch.


Réponse de SCHOEN ( 1117 ) - Posté le 12/02/2016

J'espère que l'été sera aussi précoce que ce printemps ;-)


Réponse de jolasjm ( 6943 ) - Posté le 12/02/2016

aah ! Même impatience... et en plus c'est mon coin :-)


Réponse de TARTARIN ( 1 ) - Posté le 09/02/2018

Bonjour à tous,

Comment faire pour se procurer des copies fidèles des plans d'origine de l'ouvrage "La maison penchée" ?

Merci.
JLD


Réponse de jolasjm ( 6943 ) - Posté le 09/02/2018
Dernière modification par jolasjm le 09/02/2018.
Bonjour,

Il existe un plan très bien fait dans le tome 2 du livre de D. Vialard sur les fortifications des Alpes du Nord (voir section biblio du site). Sinon, le plan original de 1935 de la Maison Penchée peut se trouver dans les archives de la Chefferie du Génie de Chambéry, stockées au Service Historique de la Défense à Vincennes.

Cordialement
Jean-Michel



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