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Aérorefroidisseur



Fil ouvert par dan06 ( 444 ) - Posté le 26/06/2019

Bonjour
L'aérorefroidisseur servait uniquement au refroidissement du moteur ou pouvait-il aussi réchauffer l'air entrant ? Dans l'usine il manque un appareil sur le circuit d'eau ,s'agit il d'un accélérateur ?

Cordialement
Dan06




Réponse de jolasjm ( 6927 ) - Posté le 26/06/2019
Dernière modification par jolasjm le 26/06/2019.
Bonjour

L'aérorefroidisseur sert avant tout au refroidissement de l'eau des moteurs. Dans l'essentiel des gros ouvrages il est placé hors circuit de ventilation et n'a en principe absolument aucun rôle de chauffage. Il a son circuit d'air propre, court et dédié.

La logique de ne pas utiliser cette chaleur sur la ventilation est la suivante :
- nombre de gros ouvrages sont reliés au réseau civil arrière et donc n'utilisent leur moteur qu'en cas de secours. Il serait peu malin de compter sur une source de chaleur pour chauffer l'air qui n'est que rarement disponible, d'autant plus que l'aérorefroidisseur ne s'enclenche qu'à une température d'eau haute donnée, qui n'arrive qu'au bout d'un moment important de marche (des essais au JANUS ont montré que son usine marchant à 50% pouvait fonctionner 2 jours sans aérorefroidisseur avant d'atteindre la température d'eau critique).
- l'échangeur eau-air introduirait une perte de charge permanente dans le réseau de ventilation qu'il faudrait compenser par une puissance de ventilateur supplémentaire et une consommation d'énergie permanente alors que si il a son circuit air propre, la perte de charge générée par l'échangeur n'est présente que quand on a besoin de refroidir l'eau et donc de mettre en marche l'aéro c'est à dire qu'en cas d'utilisation permanente des moteurs de l'usine.
- en général la quantité de chaleur disponible dans l'eau de refroidissement des groupes électrogènes est notoirement insuffisante pour chauffer des locaux importants et nécessiterait des installations d'échange de taille considérable.

L'aérorefroidisseur a d'ailleurs souvent été considéré comme un nuisance et a été progressivement supprimé à chaque fois que c'était possible.

Le chauffage des locaux étaient la plupart du temps réalisé par chauffage électrique ou par chaudière à vapeur au fuel ou charbon dont la densité d'énergie délivrée est plus grande que de l'eau chaude. Dans ce cas la vapeur réchauffe l'air de ventilation par une batterie de chauffe (aussi appelé aérocondenseur, à ne par confondre avec l'aérorefroidisseur !) de petite taille car le média chauffant (vapeur) est très concentré en énergie. Parfois, tel que c'est préconisé dans l'Additif n°3 de l' "Instruction relative aux aménagements à prévoir dans les ouvrages de la fortification permanente", il existait un branchement sur le circuit d'eau de refroidissement de l'usine en parallèle ou en dérivation de l'aérorefroidisseur pour chauffer une partie de la ventilation mais alors uniquement à titre d'appoint et cet échangeur n'avait pas de rôle d'aérorefroidisseur à proprement parler mais de simple "batterie de chauffe". Cette batterie de chauffe avait en principe une capacité d'échange très inférieure à ce qu'on attend d'un aérorefroidisseur et n'aurait jamais pu remplir ce rôle. Par contre, le rôle des électromécaniciens était de jouer entre le débit envoyé à ces deux "sources froides" pour équilibrer la thermique de l'ensemble.

Pour les petits ouvrages, les abris ou casemates notamment type nord-est, le chauffage était assuré par une chaudière spécifique ou simplement électrique car la chaleur de l'eau de la centrale aurait dans ce cas été insuffisante.

Pour plus d'infos générales, voir la page suivante :
https://wikimaginot.eu/V70_glossaire_detail.php?id=1000483&su=Principe_du_chauffage_dans_les_ouvrages_CORF_-_

Tout cela c'est la règle, mais comme pour toute règle chez nous il y a les exceptions ! Les situations non standards étant relativement fréquentes, il y avait bien sur des décisions ou configurations au cas par cas.

Certains aérorefroidisseurs prennent leur air côté frais dans la galerie (cas de HAUT SAINT OURS par exemple) et renvoie l'air réchauffé à l'extérieur en régime normal. En régime air gazé, les portes étanches avec l'extérieur étant fermées, l'aéro renvoie son air chaud dans la galerie principale pour fonctionner en circuit fermé et pour ne pas mettre l'ouvrage en dépression. Il participe donc indirectement au chauffage dans ce cas...

Dans de rares cas il y a pu y avoir utilisation de l'aérorefroidisseur à des fins exclusives de chauffage, mais je n'ai pas beaucoup de cas en tête. Dans le cas de Chatelard et Cave à Canon à Bourg St Maurice cela a pu être le cas il me semble (pas d'alimentation électrique par le civil, petite inertie thermique du refroidissement en eau des moteurs…)
Peut-être que Pic de Garuche est un autre contrexemple. Pour le vérifier, il faudrait confirmer si il n'y a pas un 2e échangeur servant d'aerorefroidisseur sur le circuit d'eau de l'usine.

L'élément qui manque sur le circuit d'eau de l'usine est certainement une pompe de circulation.

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de Pascal ( 5327 ) - Posté le 26/06/2019
Dernière modification par Pascal le 26/06/2019.
Bonjour

Jean-Michel à bien résumé la situation. Les aérorefroidisseurs étaient utilisés en circuit fermé avec de l'air extérieur. Dans de rares cas comme celui cité par Jean-michel, des adaptations ont été faites pour récupérer cette énergie pour chauffer l'intérieur, essentiellement des ouvrages non raccordés au réseau civil ou l'utilisation du groupe elctrogéne était nécessaire et régulière.
Un autre cas concerne l'ouvrage du Galgenberg ou le remplacement avant guerre des moteurs diesel deux temps par des moteurs diesel quatre temps moins gourmands en air a entrainé la déconnexion de l'aerorefroidisseur installé à l'entrée hommes devenu inutile. De manière à permettre tout de même de baisser la température des bâches d'eau de refroidissement des moteurs en cas de long fonctionnement, un aérorefroidisseur de petite taille a été rajouté sur le circuit d'air du casernement afin d'évacuer les calories excédentaires et par contrecoup, de réchauffer l'air neuf du casernement, dont le réchauffage était déjà prévu par une batterie de résistances électriques.
Il y a fort à parier que les autres ouvrages concernés par cette opération de replacement (Kobenbusch, Soetrich...) aient été équipés de la même manière.

Et effectivement, la circulation d'eau du circuit de refroidissement des moteurs était assuré par des pompes electriques ou une pompe entraînée par le moteur lui même dans le cas des petits moteurs (CLM, Bauduin, Renault...). C'est exactement ce qui manque au vu de votre deuxième photo .

Cordialement, Pascal


Réponse de jolasjm ( 6927 ) - Posté le 26/06/2019
Dernière modification par jolasjm le 26/06/2019.
Bonsoir Pascal

Il me semble que dans certains des autres cas que tu cites (Soetrich peut être…) un refroidissement en circuit ouvert classique a pu remplacer l'aérorefroidisseur - j'ai vaguement souvenir d'avoir lu cela quelque part, mais il faudrait que je retrouve. La baisse en besoin de refroidissement avec la conversion en moteur quatre temps a pu rendre le refroidissement compatible avec le débit de source disponible. En tous cas à Koben, il y avait bien une batterie de chauffe sur l'eau permettant le chauffage en débit réduit (mode hiver ou gazé). Je ne sais pas pourquoi cela n'a pas été le cas au Galgenberg : peut-être que la source d'eau disponible était vraiment insuffisante.

Dans le cas du Mottenberg par exemple, la suppression de l'aérorefroidisseur avait été envisagée en 1938 pour y installer les locaux pour gazés s'est fait là au profit d'un refroidissement ouvert car la source de l'ouvrage s'est avérée d'un débit plus important qu'initialement escompté. La STG a finalement refusé cette option car le débit d'eau était peut-être suffisant en moyenne mais n'était pas assez stable !.

Amicalement
Jean-Michel


Réponse de Pascal ( 5327 ) - Posté le 26/06/2019

Bonsoir Jean-Michel

C'est exact, sur le principe les pertes par convention des bâches d'eau de refroidissement couplées à la ventilation des locaux permettaient d'évacuer la quasi-totalité des calories produites par la motorisation.

Il faut toutefois garder à l'esprit que le rendement des motorisations de cette époque ne dépassait guère les 40 %, ce qui revient à dire que 60% de l'energie absorbée était restituée sous forme de chaleur .

Rapide approximation :
Sur une base de consommation horaire de 27 L pour 125 KW d'énergie électrique en sortie d'alternateur, un groupe de l'ouvrage du Galgenberg absorbe une énergie proche de 200 KW par heure.
Les pertes purement thermiques avoisineraient les 75 KW/h à dissiper entre l'eau de refroidissement, la dissipation par convection du bloc moteur et de l'alternateur et les gaz d'échappement (env. 300°C). En une journée de fonctionnement de l'usine, la température ambiante n'augmente que de 3 ° seulement et celle de l'eau de refroidissement reste stable à env. 45 °C à régime établi avec un delta T de 3-4° entrée sortie.
Nul doute que l'échappement contribue en grande partie à l'évacuation des calories produites, l'eau de refroidissement venant en seconde position, et la convection des bâtis moteur et de l'alternateur bien loin derrière.
N'étant plus à une approximation prés ;-) , on peut estimer l'énergie dissipée par le circuit de refroidissement à quelque chose de l'ordre de 25/30 KW/h.

Tenant compte de la surface des citernes et de la ventilation de ces locaux , l'aérorefroidisseur rajouté sur le conduit d'air neuf du casernement devait largement sidère à maintenir l'eau à la température idéale pour le fonctionnement des moiteurs, sachant qu'il restait la faculté de remplacer l'eau des bâches à partir du puit de l'ouvrage (eau à 12/13°C).

Amicalement, Pascal


Réponse de dan06 ( 444 ) - Posté le 27/06/2019

Bonjour
Merci à vous deux pour toutes ces explications .
Cordialement
Daniel


Réponse de jolasjm ( 6927 ) - Posté le 27/06/2019
Dernière modification par jolasjm le 01/07/2019.
Bonjour Pascal

Il me semblait que les groupes du Galgenberg étaient des 125 CV (donc environ 80 kW électrique) ?. C'est la puissance mécanique effective à l'arbre, cela implique une puissance totale de moteur de 315 CV et donc une chaleur disponible de 190 CV (soit 140 kW). Probablement d'ailleurs un peu moins car le manque à 100 du rendement n'est pas uniquement sous forme thermique. Une partie - faible certes - est perdue aussi dans les accessoires annexes intégrés à la machine (pompes d'injection, distribution, etc).

Maintenant, sur le fond tu as raison et comme je l'indiquais ci-dessus, l'insertion d'une batterie chauffante sur le circuit d'eau était une option bien prévue par la STG (voir schéma tiré de la notice STG). Par ailleurs les pertes thermiques par les gaz et la convection naturelle des moteurs et des circuits d'eau sont probablement l'essentiel. C'est pour cela qu'ils n'ont jamais eu besoin de mettre de chauffage dans les usines :-)

Sur les différents points :

Rendement :La STG avait un chiffre magique : elle comptait 1000 calories par heures de chaleur à évacuer par l'eau de refroidissement par kW de puissance mécanique. 1000 calories, c'est 1,16 kWh. Cela donne un rendement moteur de 1/2,16 soit 46%. Il est vrai que ces grosses machines diesel à rotation lente avaient un rendement pas mal du tout comparativement à un moteur conventionnel.

Les chiffres relativement précis de l'essai du Janus de marche sans aérorefroidisseur (avec courbes et tout) évoqué plus haut permettent de se donner une idée de ce qu'il reste pour alimenter une batterie chauffante. Ils ont montré que la température d'eau dans les réservoirs de l'usine montait de 30° à pleine charge d'usine (deux moteurs soit 150 CV mécaniques = 110 kW méca et donc 130 kW de chaleur) en 10h en partant de 10° et de 22° en 10h en partant de 30°, le tout avec une seule cuve de refroidissement en service. L'essai n°2, à tiers de charge (50 CV = 37 kW et donc 43 kW de chaleur perdue), à entrainé une montée de 22° (T° initiale 20°) en 24 h mais avec 2 cuves en service. Si un réservoir d'eau du Janus fait 11000 l (réservoirs de 3x1,6x2,2 m) et qu'on néglige le volume d'eau circulant, on a le bilan suivant :

-pleine charge
11000 l à 3°/h soit un transfert de puissance thermique à l'eau de 9 kW à 20° moyen
11000 l à 2,2°/h soit 6.7 kW à 41° moyen (moins élevée au bilan car à 40° les pertes du circuit d'eau sont plus fortes qu'à 20°)

- charge réduite
22000 l à 0,9 °/h soit une puissance thermique extraite de 5,5 kW à 31° moyen (surface d'échange du réseau d'eau double donc pertes supérieures).

On a donc selon le cas à peine 6 à 12% de la chaleur qui est transférée en bilan net à l'eau des citernes. Au niveau du moteur c'est plus mais il faut en déduire les pertes du circuit d'eau, pertes qui chauffent là encore uniquement les locaux de l'usine !

Avec environ 7 kW quelle quantité d'air peut-on chauffer de disons 10° (air ambiant pris à 15 et soufflé à 25) ? Il faut 0,004 kWh pour chauffer 1 m3 d'air de 10°. Donc si l'échangeur a une efficacité thermique de 80%, 7 kW permettent de chauffer 7/0.004*0.8 m3/h, soit 1400 m3/h de 10°. Faible comparé aux 5 à 7000 m3/h brassés dans un ouvrage type Janus. Ce n'est vraiment que de l'appoint comme tu disais - ou du chauffage très local. Et seulement disponible quand la centrale tourne.

Amicalement
Jean-Michel




Réponse de Zvon ( 117 ) - Posté le 27/06/2019

Bonjour,
ici est-il le petit plan du refroidissement du moteur.

Cordialement
Michal



Réponse de dan06 ( 444 ) - Posté le 28/06/2019

Bonjour
Dans le document du génie sur l'ouvrage il est écrit :
-chauffage par eau chaude .
Par retour d'eau du moteur en passant par la batterie chauffante (pages 14).
Cordialement
Dan06


Réponse de jolasjm ( 6927 ) - Posté le 28/06/2019

Bonjour

Merci à Michal pour le croquis de principe du circuit. C’est clair, il n’y avait juste qu’une batterie chauffante et pas d’aero. Spécificités des Alpes :-) et adaptation des standards aux conditions locales. Chose intéressante, ils avaient prévu un by-pass, certes utile en cas de dépose de la batterie chauffante, mais qui devait aussi permettre de limiter la perte de charge du circuit de ventilation en marche sans chauffage.

Cordialement
Jean-Michel



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