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Fossé anti-char ?



Fil ouvert par fandefortif ( 198 ) - Posté le 29/10/2020

Bonjour,
Devant le blockhaus Ab8 (secteur Faulquemont) passe une tranchée relativement large et profonde. Pourrais t-il s'agir d'un fossé anti-char ?




Réponse de aldom.perouffe ( 627 ) - Posté le 30/10/2020
Dernière modification par jolasjm le 30/10/2020.
Bonjour
Le bloc est en action frontale pour le canon. Vu la localisation et le terrain je doute que ce soit un fossé antichar.
Cordialement
Alain


Réponse de SCHOEN ( 1115 ) - Posté le 30/10/2020
Dernière modification par SCHOEN le 30/10/2020.
Bonjour
Je rejoins Alain.
Sur les photos aériennes on voit un chemin, ça doit être lui sur votre photo.
Antoine


Réponse de fandefortif ( 198 ) - Posté le 30/10/2020

Bonjour,
Merci pour l'info. Il y a effectivement un chemin mais il abouti dans un parc à bestiaux à côté. Je n'ai pas trouvé d'infos sur un fossé anti-char à cet endroit mais je voulais m'en assurer quand même.
Mathieu


Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 30/10/2020
Dernière modification par jolasjm le 30/10/2020.
Bonjour

Il y avait bien un important fossé antichar, mais assez éloigné en avant de Ab8. Ce fossé en cours de remblaiement/nivellement est bien visible sur les photos aériennes de 1948 (1e image). Ce fossé a été commencé lors de la mobilisation. Une carte de renseignement allemande, datée de 25 Novembre 1939, marque bien le début de réalisation du fossé en question (2e image). La carte identique précédente datée d'Aout 1939 ne montre rien. Visiblement, si on en croit la carte allemande, le fossé aurait donc été construit progressivement en partant du nord-est de Bambiderstroff vers le bois de Stocken, d'abord parallèle aux courbes de niveau, puis perpendiculairement.

Enfin, une carte US de 1944 (Signal Corps) montre aussi ce fossé, mais selon un tracé très approximatif, limite fantaisiste. Le tracé est OK plus ou moins si on le déplace de 400 m vers le nord-est !

Sur ces documents anciens, le chemin montant au pied d'Ab8 est bien visible.

A plus
Jean-Michel




Réponse de SFFA37 ( 11 ) - Posté le 06/11/2020

Bonjour,

Le fossé antichar situé à proximité du village de Bambiderstroff, visible sur la photographie aérienne de 1948, a été creusé sur décision allemande à partir de l'automne 1944 en prévision de l'arrivée de l'armée américaine.

Pour cela, de nombreux civils de la région ont été "réquisitionnés". Ceux de la région de Forbach affectés sur le chantier étaient par exemple logés à Bambiderstroff ou Longeville-lès-Saint-Avold. Au début des travaux, une excavatrice à vapeur était utilisée sur la tranche "Bois du Bambesch - Bois du Stocken" mais celle-ci fut rapidement détruite par l'US Air Force qui venait régulièrement perturber le chantier. En complément, des trous d'hommes furent creusés tous les 50/100 mètres le long de ce dernier (destinés, notamment, à abriter des équipes antichar armées de Panzerfaust). Fin novembre 1944, les Américains se heurtaient à un obstacle imposant d'une profondeur de 3 mètres et d'une largeur d'environ 4,50 mètres (variable selon les portions).

Un fossé similaire fut creusé en avant de la ville de Faulquemont ; entre le bois du Bambesch et celui du Kerfent (achevé partiellement); entre le bois du Stocken et celui de Laudrefang (ce dernier passait à quelques mètres de la ferme du Brandstuden en coupant la route Tritteling-Laudrefang) ; entre le bois de Pontpierre et le terrain à l'est du village de Téting-sur-Nied.

Cordialement,

Simon.


Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 06/11/2020

Bonjour Simon

Merci de ces informations intéressantes. Comme l'amorce de ce fossé au nord-est de Bambiderstroff apparait sur les cartes de renseignement allemandes de 1939, peut-on imaginer que ceux-ci aient en fait repris à leur compte les travaux initiés par les français ?

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de SFFA37 ( 11 ) - Posté le 06/11/2020
Dernière modification par SFFA37 le 06/11/2020.
Bonjour Jean-Michel,

Je ne saurais dire officiellement s'il s'agit ou non de l'amorce du fossé antichar au nord-est de Bambiderstroff sur la carte allemande de renseignements de 1939.

J'ai retrouvé dans les Archives Nationales des États-Unis à College Park des rapports de renseignements américains (plutôt précis lorsqu'il s'agit de relevés effectués directement sur le terrain par les unités de reconnaissance en amont d'une offensive) datés de novembre 1944 et qui ne mentionnent rien à l'emplacement du supposé fossé de 1939, à part un "openfield" meurtrier. Par contre, le fossé antichar de 1944, lui, est bel et bien rapporté, et bien en dessous du tracé de celui de 1939 (les coordonnées précises sont livrées dans les rapports et ces dernières coïncident au mètre près avec le tracé encore visible en 1948).

Par ailleurs, les témoins de l'époque que j'ai pu interroger au cours de ces dernières années m'ont tous précisé que les travaux du fossé antichar n'avaient débutés qu'en septembre 1944.

Cordialement,

Simon.


Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 06/11/2020
Dernière modification par jolasjm le 06/11/2020.
Re:
Merci de ces éléments, Simon. Je pense qu'on avance dans la compréhension de la chose, et c'est le but.

Je me suis livré à une petite étude relative à ce fossé, basé sur les photos aériennes de 1948 (qu'on peut considérer comme la réalité du terrain) et les différentes cartes en ma possession (carte allemande de 11/1939 avec embryon de fossé attribué aux français, et carte américaine de 1944 extraite du NARA US.

La première vue est la retranscription sur GE par superposition de la photo de 1948. J'ai surligné en rouge le tracé du fossé.
La deuxième est la superposition de la carte allemande au 1;50.000e renseignée de 11/1939. Le tracé de l'embryon de fossé est relevé en jaune à partir de cette carte.
La troisième est la superposition des "deux fossés"
Et la 4e est celle faite selon la même méthode à partir des données US.

Je pense que le tracé jaune et rouge sont trés proches. On peut en effet accorder aux allemands une certaine imprécision de relevé de leur part. A cette précision près cela colle.
Le tracé US est bien dans les choux question précision et justesse, posant question quant à la qualité du travail d'évaluation. Cela peut expliquer que dans le rapport trouvé de votre côté ils ne mentionnent rien à l'endroit où il est avéré par votre recherche qu'il y avait bel et bien un fossé, relevé par ailleurs sur l'une de leurs propres cartes. Le fossé supposé de 1939 et celui de 1948 étant presque superposés dans leur zone de présence, à la précision près du travail de cartographie allemand, cela rend questionnable le fait que les américains n'aient pas vu le fossé de 1939.

Ceci entraine qu'on ne puisse pas exclure que le fossé allemand ait été une reprise et extension de l'amorce de fossé française. Avis purement personnel bien sur. Je regarderai à l'occasion ce que j'ai dans les relevés de travaux français du SFFA sur la période 1939-40. Ils sont parcellaires, mais avec un peu de chance...

bien cordialement
Jean-Michel




Réponse de Frédéric Lisch ( 340 ) - Posté le 06/11/2020

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais le terrain de moto-cross près des casemates de Bambiderstroff ressemble à un dinosaure avec des ailes !!!

C'est bon, j'ai compris ! Je sors...

Fred


Réponse de SFFA37 ( 11 ) - Posté le 06/11/2020

Jean-Michel,

Effectivement, les tracés jaunes et rouge sont situés dans la même zone.

Concernant le tracé du Signal Corps (bleu), sa très grande imprécision et le travail d'évaluation : plus d'une dizaine de rapports américains datés de fin novembre 1944 et provenant d'unités américaines différentes (infanterie, génie, artillerie) et d'échelons différents (régiment, division, corps d'armée), ont été examinés.

Tous répertorient les coordonnées du fossé antichar en question ; coordonnées relevées directement sur le terrain au cours de reconnaissances (et non sur la base de renseignements obtenus de civils réfugiés ou expulsés comme cela a été le cas au début du mois novembre 1944, ce qui pouvait laisser place à de l'imprécision).

Lorsque l'on reporte sur la carte les coordonnées indiquées dans ces rapports, le tracé du fossé antichar épouse - à chaque fois - celui de 1948 (rouge) ; que ce soit pour celui de Zimming, Bambiderstroff, Laudrefang ou Téting.

Aucun des rapports que j'ai pu consulter ne place le fossé antichar à l'emplacement du tracé présent sur la carte du Signal Corps (bleu). Connaissez-vous la date précise de sa production ? Est-il clairement précisé sur la carte que ce tracé correspond à un fossé antichar ?

En admettant que le fossé français de 1939 ait bien existé à l'emplacement indiqué par les renseignements allemands (en omettant une imprécision de leur part), et que les Américains ne l'aient pas relevé en 1944 en raison de sa proximité avec celui de 1944, comment ce fait-il qu'aucune trace de remblaiement/nivellement n'apparaisse sur la photographie aérienne de 1948 ? (le remblaiement du fossé antichar dans son ensemble n'a toujours pas débuté en octobre 1945).

Cordialement,

Simon.


Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 06/11/2020
Dernière modification par jolasjm le 06/11/2020.
Bonsoir Simon

quelques éléments de réponse :
- la carte est datée du 1 Novembre 1944, mise à jour à cette date par le P.I. team 22. Les informations de cette date précise sont mentionnées en pourpre sur la carte.
- les informations en rouge (dont le fameux fossé) sont datées de deux mises à jour précédentes, du 10 septembre et du 10 Octobre 1944. Les indications réputées fausses dans celles mentionnées en rouge étaient barrées par une surcharge faite d'un treillis de traits entrecroisés (cross-hatched areas). Il y a un exemple de cela sur un tronçon de fossé du côté de Créhange, qui a été barré d'une surcharge quadrillée pourpre.

- en effet sur cette carte de l'ordnance survey, tirée de fonds de cartes IGN de 39 et initialement créé par le 652nd Engineer Batallion en 1944, semble avoir été déduite de reconnaissances aériennes et non de relevés au sol. Celles qui relèvent d'études au sol sont clairement marquées "ground reconnaissance". Là il est indiqué "reconnaissance et survey photographs".

- je vous confirme que ce signe à dents représente bien le signe conventionnel US pour un fossé antichar. Voir la légende ci-dessous, tirée d'autres cartes en ma possession. Celle-ci n'est pas légendée.
A noter que le fossé tel que tracé sur la carte US va bien de Zimming jusqu'à Tritteling en gros. Le tracé ne va pas jusqu'à Téting. Un 2e fossé assez important est représenté de Créhange jusqu'au delà de Grostenquin. sans doute le fossé de la ligne CEZF.

- concernant le fossé tel que relevé par les allemands : pour moi il correspond à la tranche A-B ci-dessous du fossé de 48 (fossé rouge des superpositions). La correspondance n'est pas exacte, mais comme indiqué, cela représente pour moi les imprécisions du relevé allemand. L'esprit y est néanmoins.
D'où ma question de départ : est-ce que ce tronçon tracé en jaune par les allemands en 1939 de façon plus ou moins approximative ne correspond il pas à la section AB du fossé de 48, et qui serait donc une reprise durant l'occupation de cette amorce française. Cette reprise n'est pas surprenante en soi dans la mesure où dés 1941 les allemands avaient des plans très détaillés de retournement de la ligne Maginot à leur profit. J'ai des études casemate par casemate sur des secteurs fortifiés complets et pour certains ouvrages.

Bien cordialement
Jean-Michel

@ Fred en PS : et en plus tu as raison pour le dinosaure !!




Réponse de SFFA37 ( 11 ) - Posté le 06/11/2020
Dernière modification par SFFA37 le 06/11/2020.
Bonsoir Jean-Michel,

Merci pour ces précisions fort intéressantes.

L'imprécision de la carte du Signal Corps prend alors tout son sens comparativement aux rapports consultés : les Américains, étant arrivés dans le secteur de Bambiderstroff le 22 novembre 1944, disposaient alors d’informations réactualisées et fiables car effectuées directement sur le terrain (la météo s'étant dégradée très fortement au début du mois, les reconnaissances aériennes étaient rendues extrêmement difficiles - ce point est mentionné très souvent dans les rapports).

Il est tout de même frappant qu'au 10 octobre 1944 et 1er novembre 1944, le tracé du fossé ne soit pas clairement perceptible des observateurs américains : à cette date, les travaux d'excavation étaient déjà bien entamés ! De plus, la partie du tracé passant au nord du village de Bambidersoff n'a jamais fait l'objet de travaux. Surprenant donc.

Votre explication quant à la tranche A-B du fossé est plausible si effectivement le relevé allemand comportait des imprécisions. Par conséquent, pour répondre à votre question sur une éventuelle poursuite par les Allemands des travaux initiés par les Français en 1939, cela pourrait-être envisageable.
Cependant, si cette reprise des travaux a eu lieu, elle n’a pu débuter qu’en septembre 1944 d’après les déclarations faites par les civils aux troupes américaines en 1944 et les déclarations des témoins de l’époque interrogés.

Toutefois, une question me vient : pourquoi les témoins de l'époque ne précisent-ils jamais l'existence d'un fossé antichar en 1940 à cet emplacement ? Il y a quelques années était passée sur le site d'enchère Ebay une photographie aérienne du secteur de Bambiderstroff-Laudrefang réalisée depuis un avion de reconnaissance allemand. La date de prise n'y est pas mentionnée, mais une tranchée pour hommes assez importante (les chicanes sont perceptibles - l'une des branches part d'ailleurs en direction de la casemate Nord de Bambiderstroff) à l'emplacement de la tranche A-B aurait-elle pu influencer les observateurs allemands qui auraient alors rapporté la présence d'un fossé antichar ? Simple questionnement.

Sur le Portail IGN, une photographie aérienne de 1948 laisse apparaître le fossé antichar à Téting.

Avez-vous plus de précisions quant au fossé de la ligne CEZF ? Les rapports américains attribuent le fossé en avant de Faulquemont aux Allemands. À tord ?

Cordialement,

Simon.


Réponse de Frédéric Lisch ( 340 ) - Posté le 06/11/2020
Dernière modification par Frédéric Lisch le 06/11/2020.
Pour mettre un peu de couleurs à ce sujet, j'amène mon grain de sel avec cette planche illustrant différents types de fossés et les tentatives de franchissement par un Mark V* (char utilisé par les français lors des évaluations d'obstacles antichars) et PzKpfw 38 (t) que l'on a assez vu dans les rangs des divisions blindées allemandes.

Encore une fois, faites preuve d'indulgence, ça date aussi de 2003.

Mais si ça peut illustrer tel ou tel propos, ces coupes feront bien l'affaire...

Fred




Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 06/11/2020
Dernière modification par jolasjm le 06/11/2020.
Salut Fred

Oui, cela pourrait aussi illustrer la page sur les obstacles antichar passifs qu'on a écrite il y a quelques temps. Je le mets de côté. Merci de ton aide ;-)

@ Simon

Honnêtement, je suis bien d'accord avec vous. Ce qui me choque le plus c'est le caractère complètement "approximatif" de ce tracé américains vu du ciel. Les conditions météo devaient être particulièrement pourries pour qu'ils fassent quelque chose d'aussi "au jugé" et sans points de référence permettant de caler leur tracé.

Concernant l'origine française d'une amorce du fossé allemand, ce n'est à mes yeux rien d'autre qu'une hypothèse basé sur un faisceau de présomptions qui n'ont pour elles que la logique et une forme de coïncidence entre des documents allemands de 1939 et la réalité de l'existence de ce fossé. Les choses seraient bien sur totalement avérées si on trouvait soit un document de travaux français du SFFA ou des unités de renforcement de fin 1939 ou début 1940 disant "on a commencé un fossé au nord est de Bambiderstroff" ou un document du Génie allemand disant "on a repris une amorce de fossé français". A défaut on reste dans le domaine de l'hypothèse. Une photo aérienne du lieu de début 40 donnerait aussi une indication claire. En ce sens, l'absence de date de la photo que vous évoquez est un handicap : d'ailleurs la version de ces cartes de renseignements allemandes de Juin-Juillet 1939 ne montre pas cette amorce de fossé. C'est donc bien que cette amorce relevée par les allemands a été construite entre Juillet et Novembre 1939 comme indiqué plus haut. J'achète par contre tout à fait votre point sur "une grosse tranchée" : vu du ciel ou vu d'espionnage allemand, une grosse tranchée peut être confondue avec un fossé. Il faut juste qu'elle soit suffisamment grosse pour prêter à confusion.

Ligne CEZF : les américains se trompent totalement sur l'origine allemande, preuve là encore des limites de leur connaissance du système défensif français. Le système de fossé antichar fait partie intégrante du concept de la ligne CEZF et souvent construit avant même la construction des gros blocs STG la constituant (voir le schéma conceptuel ci-dessous, fait par le Gal Philippe (pièce n°1 attachée). Ce croquis est attaché à la note 58/CEZF d'octobre 1939 du Gal Belhague, président de la CEZF, qui définit les formes techniques de cette ligne.

Le fossé du tronçon CEZF Créhange-Guessling-Grostenquin-Francaltroff-Kappelkinger a bel et bien été construit fin 1939 et apparait en clair de façon quasi parfaite sur la carte de renseignement allemande datée du 4 Juin 1940 en notre possession (pièce n°2 et sa légende attestant de la nature "fossé antichar" de ce type de tracé). Ce fossé enfin est tout aussi visible sur les photos aériennes d'après guerre de la ligne CEZF (photos suivantes).

Bien cordialement
Jean-Michel




Réponse de Frédéric Lisch ( 340 ) - Posté le 07/11/2020

Salut Jean-Michel, salut à tous,

Si tu veux utiliser mes petits profils de fossés antichars, prends plutôt ce nouveau fichier.
Je trouvais que mes Mark V* faisaient un peu "gay pride".
J'ai refait leur camouflage avec une teinte nettement plus appropriée à un usage guerrier...

Fred




Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 07/11/2020
Dernière modification par jolasjm le 07/11/2020.
J'imagine les gars danser YMCA sur le toit du Mark V... Ce qui est aussi impressionnant c'est la différence de taille entre le Mark V et le char tchèque.


Réponse de Frédéric Lisch ( 340 ) - Posté le 07/11/2020

Oui c'est vrai, le Mark V* est énorme. Ce char peut aussi se nommer : Mark V "Star". Les anglais ont également produit une variante légèrement plus longue baptisée Mark V** ou "Two Stars". On notera bien sûr que l'armement de bord, en dehors des canons des sabords, sont des mitrailleuses Hotchkiss que les équipages anglais ont préféré à leur Vickers et autres Lewis dont l'emploi paraissait plus compliqué à bord de ces gros blockhaus sur chenilles.

Aux côtés de nos chars FT, B1 et autres D1, ce lourd engin a également été utilisé par les Français pour tester les obstacles de Cointet ainsi que les différentes versions de réseaux de rails antichars. Les photos réalisées lors des phases d'évaluation sont tout bonnement édifiantes. Le Mark V* grimpe sur le Cointet et le poids de l'engin écrase littéralement le pauvre obstacle.

Tous ces reportages et comptes-rendus sont disponibles aux archives de la DGA.

Frédéric Lisch.


Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 07/11/2020

Je dois avoir aussi il me semble quelques photos d'un Mark V planté sur un réseau de rails antichars lors des tests du concept ici ou là.

A+
Jean-Michel


Réponse de SFFA37 ( 11 ) - Posté le 07/11/2020
Dernière modification par SFFA37 le 07/11/2020.
Bonjour Jean-Michel, bonjour à tous,

C’est limpide. Merci pour ces précisions.

J’ai repris la lecture de quelques rapports américains traitant de manière succincte du fossé antichar situé au sud de Faulquemont – donc a priori celui de la ligne CEZF.
Sa profondeur, à savoir « 1,20 mètre » selon les informations obtenues par les services de renseignements américains « de civils ayant été affectés sur les fossés antichar » du secteur, leur faisait dire que celui-ci était « inachevé » à la date du 19 novembre 1944. À voir si l’information sur la profondeur peut être crédible ou non, et si oui, l’étendue réelle du fossé qu’elle concerne.
Cependant, une chose est certaine : à la différence des fossés de Bambiderstroff ou de Laudrefang, le franchissement du fossé CEZF n’a visiblement posé aucun problème aux Américains.

Le fossé antichar au nord de Faulquemont – donc celui creusé à partir de septembre 1944 entre le bois du Stocken et celui de Laudrefang – était d’une profondeur qualifiée de « normale » par les services de renseignements américains, soit : 4,50 mètres de largeur au sommet, 1 mètre de largeur à la base, et 3,50 mètres de profondeur. Ces dimensions seront directement vérifiées sur le terrain par le personnel américain et s’avéreront exactes.
Ce fossé et celui de Bambiderstroff ont constitué un obstacle infranchissable pour les blindés et véhicules US fin novembre 1944.

Je continuerai la lecture des rapports américains car les quelques 11000 documents que j’ai pu photographier doivent renfermer d’autres informations sur les "installations Maginot" du secteur et sur leur réutilisation ou non par les Allemands en 1944.

J’ai également replongé dans les documents que j'ai pu consulter il y a quelques temps au SHD à Vincennes (laissés en plan depuis), en vue de trouver une éventuelle mention d’un fossé antichar à Bambiderstroff.
J’ai pour l’heure relevé dans un compte rendu de travaux du 201e bataillon du Génie en date du 16 novembre 1939, qu’une compagnie du 326e R.I. (la 10e) en stationnement à Longeville-lès-Saint-Avold a été employée au piquetage général et à l’amorçage des travaux du fossé antichar en avant du Castelberg (sous la supervision de la compagnie 201/2).
Un autre rapport du même bataillon en date du 21 novembre 1939 précise la modification du tracé du fossé antichar au nord-est de Laudrefang et l’aménagement d’un fossé antichar de forme triangulaire et d’une longueur de 15 mètres au sud-est de Laudrefang. D'autres documents mentionnent l'existence d'un fossé antichar entre le bois de Furst et celui de Laudrefang.
Au regard de ces informations, l’aménagement d’un dispositif similaire à Bambiderstroff reste plausible.

Pour revenir au fossé de 1944, vous trouverez ci-dessous trois photographies réalisées par mes soins en décembre 2016 sur la lisière nord et sud du bois du Bambesch.
Les Allemands avaient prolongé le fossé dans le bois sur plusieurs dizaines de mètres afin d’éviter son contournement, ce qui a parfaitement fonctionné. Après-guerre, ces quelques mètres n’ont pas été comblés.

Sur la première photographie, je me trouve au fond du fossé, l’objectif de l’appareil tourné en direction de Zimming. Sur la seconde, je me trouve à l’extrémité du fossé, l’objectif de l’appareil tourné en direction de Bambiderstroff. Sur la troisième photographie, on peut noter la proximité du fossé avec un blockhaus MOM (Bambesch Sud 2).

Une partie de ce fossé subsiste également dans la lisière nord du bois du Stocken ; les derniers vestiges – ou presque – de cet obstacle antichar.

Cordialement,

Simon.




Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 10/11/2020
Dernière modification par jolasjm le 10/11/2020.
Bonjour Simon,

Excusez mon retard de réaction. Je reprends ce fil là où vous l'avez laissé.

Les fossés de la ligne CEZF étaient pour certains inachevés le 25 Juin 1940, puisque cet important chantier qui s'étalait par tronçons sur plusieurs centaines de kilomètres sur tout le front, de Maubeuge jusque dans la Jura, n'était en cours que depuis fin 1939, et avec des difficultés logistiques et organisationnelles considérables. A ce titre je vous suggère la lecture de notre page sur la CEZF pour plus d'éléments généraux :

https://wikimaginot.eu/V70_glossaire_detail.php?id=100001&su=Commission_d%27Etude_des_Zones_Fortifi%C3%A9es_-_CEZF

Il était même prévu au départ deux lignes parallèles de blockhaus lourds STG à 1000-2000m de distance, avec chacune son fossé. On ne trouve un début de cela que sur le tronçon Beauclair-Brandeville. Ces fossés étaient au standard de l'armée française, trapézoïdal en terre coulante d'un côté et avec mur vertical tenu de l'autre par des dalles béton tenues par IPN. Profondeur : 2,5m - Largeur au sommet : 5,5 m - largeur au fond : 1,5 m. Le "Denkschrift" allemand de 1941 montre une photo page 337 d'un tel fossé dans son état d'achèvement final (voir + bas) et une autre dans un état probablement intermédiaire avec clayonnage temporaire.

La chose importante à savoir est que ce fossé était interrompu au niveau de chaque bloc pour être remplacé par un champ de rails antichar, ceci pour interdire à l'ennemi de se cacher au fond avant attaque de l'un de ces blocs.

Ceci était la théorie. Les rapports sur les travaux CEZF montrent qu'en pratique l'approvisionnement des éléments de soutènement de la face verticale du talus était plus qu'aléatoire 1) par difficulté logistique et 2) par pénurie de matériaux pour béton, réservés à la 1e ligne et quand ils arrivaient sur la ligne CEZF, réservés à la réalisation des blockhaus. Par ailleurs, certaines sections de fossé, notamment aux extrémités, n'avaient pas encore la profondeur standard. Les fossés principaux étaient donc pour l'essentiel en terre coulante ou partiellement clayonnés. Le rapport du Col Tuczkiewicz de 1942 sur sa tranche de travaux CEZF sur le ban de la 2e Armée évoque les nombreux effondrements constatés durant l'hiver 1939-1940 du fait des intempéries et la nécessité de les reprendre au printemps...

Il est donc clair que 5 ans plus tard, quand les américains sont arrivés, une bonne partie de ces fossés s'étaient déjà érodés, effondrés, avaient donc perdu du fait du temps, des intempéries, etc, une partie de leur profondeur. Il apparaissait en outre "interrompu" au niveau des emplacements de blocs, lesquels n'avaient parfois pas dépassé le stade de projet ou de fouilles, laissant penser à des brèches rendant l'obstacle absolument facile à traverser pour eux. Les commentaires américains ne me surprennent donc pas particulièrement.

Le fait que le fossé de Stocken apparaisse avec de plus grandes dimensions apparentes dans les écrits américains est sans doute le résultat de la facture différente de celui CEZF (en l'occurrence allemande) et de sa jeunesse, lui ayant évité les érosions, glissements de terrains et effondrements. Cette plus grande taille du fossé type allemand peut d'ailleurs expliquer au passage qu'une reprise de travaux français antérieurs sur le même tracé ait fait disparaitre toute trace de celui-ci. Il a été approfondi au standard allemand.

Merci d'avance des éléments US que vous trouverez sur les fortifications de l'époque Maginot. Cela sera pour sur un complément précieux à la vision franco-française (ou allemande) de ces constructions.

Je regarderai aussi dans mes documents relatifs au SF Faulquemont datés de la drôle de guerre. Je dois avoir des rapports de travaux qui pourront peut-être permettre d'identifier des travaux français à cet endroit.

Merci en tous cas de nous avoir partagé ces photos du fossé allemand de 1944. Savez vous si ce profil "triangulaire" est d'origine ou le résultat de l'érosion du temps ?

Cordialement
Jean-Michel




Réponse de jolasjm ( 6896 ) - Posté le 10/11/2020
Dernière modification par jolasjm le 10/11/2020.
... pour illustrer mon propos sur les chantiers CEZF, voici une photo aérienne prise le 2 Mars 1940 aux alentours de Beauclair. On y voit bien le tracé du fossé et les fouilles de deux blockhaus STG qui ne seront jamais achevés. Ces traces ont disparu du paysage aujourd'hui. Dés 1960, elles n'étaient déjà pratiquement plus discernables.

cordialement
Jean-Michel




Réponse de SFFA37 ( 11 ) - Posté le 10/11/2020

Bonjour Jean-Michel,

Merci pour ces explications. Effectivement les interruptions dans le fossé CEZF au niveau des fouilles ou des futurs emplacements des blocs sont bien visibles sur les photographies aériennes IGN de 1948.

Le profil « triangulaire » du fossé de 1944 est bien celui d’origine. Des rapports américains à ce sujet mentionnent la forme en V (« V shape ») des fossés de Bambiderstroff et de Laudrefang (d’ailleurs l’adjectif « tremendous » pour « énorme » y est quelquefois associé).
Ce point m’a également été confirmé par un vétéran américain qui a participé aux combats dans le secteur de Bambiderstroff en novembre 1944, dont j’ai pu recueillir le témoignage en Virginie en 2016.
Enfin, une photographie prise dans le secteur en décembre 1944 atteste également de cette forme, sans équivoque.

Depuis, l’action du temps – et de l’Homme – a modifié quelque peu son apparence (notamment en terme de profondeur : ces portions ont servi comme décharge sauvage après-guerre).

Concernant le fossé antichar de Bambiderstroff, le tracé de certaines portions est encore perceptible sur les photographie aériennes actuelles, notamment à l’approche des moissons.

Cordialement,

Simon.



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