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Matière utilisée pour cloches et tourelles



Fil ouvert par Remielie128 ( 2 ) - Posté le 09/02/2021

Bonjour à tous.

C'est la première fois que je poste ici.
Je consulte assez souvent Wikimaginot pour actualiser mes visites.
Mais là, j'aurai besoin de vos lumières sur un sujet précis.

J'ai lu que la matière utilisée pour les cloches et tourelles était un alliage "acier - nickel - chrome", le même genre que pour certaines tourelles à éclipse du système Séré de Rivières.

J'aimerai savoir si l'information est exacte et si oui, dans quelle proportion sont répartis ces différentes matières au sein de l'alliage?

Y a t-il également des différences d'alliages entre cloches? Voir entre tourelles?

Merci d'avance pour vos réponses, si réponses vous avez.

Bien cordialement.

Rémi.


Réponse de jolasjm ( 7016 ) - Posté le 11/02/2021
Dernière modification par jolasjm le 11/02/2021.
Bonjour

Bienvenue sur notre forum.
Votre question est tout à fait excellente, bien que très pointue. L'absence de réponse en première lecture montre le degré de perplexité qu'elle génère.

Je n'ai pas personnellement le détail des compositions d'aciers utilisés, mais quelques éléments qui permettent je pense de débroussailler la question. Vous noterez que je parle bien d'aciers au pluriel, car il y a - dans la construction des cuirassements - plusieurs aciers différents utilisés.

En fait, chaque composante du cuirassement et de ses équipements avait sa nuance d'acier selon les besoins liés à l'utilisation ou à la mise en forme. Les aciers de la partie principale sont à base de chrome, nickel et manganèse, selon des pourcentages dépendant des deux modes principaux de production du cuirassement (coulée ou forgeage/matriçage). Les pièces plus techniques, comme les rotules d'embouchure, les pièces de montage de créneaux de cloches, etc sont en acier nickel-chrome ou chrome-molybdène selon le cas :

* le manganèse a un effet positif majeur puisqu'il permet l'augmentation de la dureté sans avoir d'effet négatif sur l'usinabilité et sa capacité à être forgé.
* Le chrome améliore la résistance à la corrosion et un peu les caractéristiques mécaniques
* Le nickel a un rôle d'amélioration de la structure cristallographique de l'acier donc joue sur sa résistance et favorise l'effet des post-traitements (trempe, cémentation...)

Il faut néanmoins garder à l'esprit que quand on parle d'acier nickel-chrome-manganèse, il ne s'agit là que des éléments d'alliage principaux... En réalité la composition des aciers est bien plus complexe que cela car ils contiennent un ensemble d'autres éléments d'additions mineurs (ou des impuretés) qui jouent eux aussi un rôle dans les caractéristiques et qui sont en principe spécifiées dans les documents. A ce chapitre, on va trouver le silicium, le molybdène...

A noter que les cuirassements subissent en général un traitement de parachèvement thermique ou chimique avant usinage qui permet de leur donner leur caractéristique finale (tout n'est pas dans la composition seule). Dans cette catégorie on va trouver la cémentation, la trempe, etc. On va donc trouver des :

- aciers à blindage forgé (par exemple muraille et calotte de tourelle), qui présentent la plus grande dureté compatible avec la soudabilité
- aciers à blindage moulé (typiquement des corps de cloche), qui ont une plus grande coulabilité que les premiers mais avec une composition qui permet d'atteindre des dureté suffisantes
- aciers inox ou semi-inox pour certaines pièces techniques du cuirassement
- acier non allié type A ou C (teneur en manganèse 5%)
le tout avec des nuances de cadmiage, de cémentation au zinc, etc

Les dossiers de fabrication des cuirassements, et les spécifications des métaux à employer sont écrits par la Direction du Matériel du Génie (DMG), et plus particulièrement son Service du Matériel des Fortifications (SMF), qui sera suivi du Service Electromécanique du Génie (SEMG) en 1935. Ils se basent sur le cahier des charges communes du 16 novembre 1928 relatif à la fourniture et au montage des engins cuirassés, qui est le document le plus récent spécifiant les cuirassements de façon générale.

Ces dossiers techniques font partie des documents de consultation auprès des fournisseurs de l'industrie métallurgique et mécanique qui vont produire les cuirassements (une bonne douzaine de grandes entreprises différentes). Chaque entreprise avait ses propres "tours de passe-passe" secrets de fabrication pour assurer un matériau de la meilleure qualité possible au moindre cout. Ces savoir-faire industriels pouvaient introduire de légères différences supplémentaires dans les compositions ou le mode de fabrication par rapport à ce qui était spécifié par l'armée.

A noter que toutes les productions de cuirassements étaient suivies par l'industriel et les contrôleurs militaires pour assurer la conformité du produit. Prises d'échantillons de métal à la coulée, carottes et éprouvettes mécaniques, tranches fines pour faire des examens microscopiques de structure, etc. Ces contrôles qualité physico-chimiques permettaient entre autre d'accepter ou rebuter le cuirassement produit *. Les spécifications du SMF incluent d'ailleurs non seulement des contraintes de composition, mais aussi de caractéristiques physiques mesurées sur les échantillons : dureté du métal, allongement à la rupture, module de Young, etc

Pour résumer :
- les cloches et les tourelles utilisent des aciers différents car le mode de fabrication métallurgique est différent (coulée versus forge)
- par contre toutes les cloches sont à priori faites dans la même nuance d'acier, tout comme les tourelles de leur côté, car ces nuances sont définies de façon centrale par le SMF/SEMG.
- mais... quand on y regarde de plus près ce n'est plus le cas car chaque métallurgiste fabricant a ses propres savoir-faire qui peuvent introduire des variations de second ordre.
- un cuirassement comporte - hors éléments structurels - des dizaines d'autres pièces qui utilisent elles-mêmes d'autres nuances d'acier dépendant de leur fonction et là encore du mode de production et d'usinage.

Ainsi l'acier de la cloche GFM A du bloc X, faite par le fournisseur Y pourra être considérée identique à la cloche GFM A du bloc Z faite par le même fournisseur, mais sera différent de la tourelle de 75 du bloc X, fait par un autre fournisseur W.

Pour donner les fourchettes de compositions spécifiées, il faudrait se reporter aux documents de cahier des charges du SMF que je n'ai pas encore eu l'occasion de voir.

Cordialement
Jean-Michel

* ce rebut n'était pas nécessairement définitif. Selon de degré de non conformité, certaines cloches en particulier ont été gardées de côté pour être réutilisées dans certaines constructions tardives (blockhaus STG par exemple, ou certains ouvrages d'altitude des Alpes) pour faire des économies sans trop prendre de risque de résistance. Dans ce cas, la cloche peut avoir une composition un peu différentes d'une cloche "normale".


Réponse de Remielie128 ( 2 ) - Posté le 11/02/2021

Bonjour.

Voilà une réponse on ne peut plus complète.
Je n'en espérais pas tant ! Merci beaucoup !

Concernant la composition exacte des blindages, je vais tenter de me renseigner avec les éléments que vous m'avez fourni.

Je laisse aussi d'autres contributeurs répondre si jamais ils avaient d'autres informations.

Cordialement.
Rémi.



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