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Batterie de Zuydcoote



Fil ouvert par gregfuchs ( 760 ) - Posté le 27/05/2022
Dernière modification par gregfuchs le 27/05/2022.
Bonjour

Je reviens d'un petit séjour dans "l'chnord" à Dunkerque pour le boulot. J'ai eu l'occasion de faire quelques pérégrinations fortif très intéressantes, notamment le Fort des Dunes et la Batterie annexe de Zuydcoote.
Il est dit que la batterie à été intégré à la ligne Maginot. le poste de direction de tir aurait été bétonné en 1934 (effectivement visible sur les photos IGN de 1937). Je n'ai pas trouvé plus d'infos et ces fortifications ne sont pas encore traitées sur l'excellent site fortifserré.
Avez vous des infos ? Je m'étonne de voir une batterie de côte (supposée) intégrée à la ligne Maginot.
Je joint une photo du site, parce que quand même c'est très beau et histoire que vous puissiez humer les embruns et le bon air du large :-) et des photos IGN : 1920 avec la batterie dans son état d'origine et 1937 avec le poste tir bétonné.

Amicalement

Greg




Réponse de jolasjm ( 7016 ) - Posté le 27/05/2022
Dernière modification par jolasjm le 27/05/2022.
Bonjour Greg

Cette batterie a été modernisée par la Marine en 1935-36, sur budget propre au ministère de la Marine. Donc rien à voir avec la ligne Maginot et l’armée de terre.

La Marine a développé sa propre « ligne Maginot des côtes » dès le début des années 20, donc avant la « vraie » ligne Maginot. Cette défense côtière aurait sans doute pu s’appeler ligne ou programme Leygues ou Raiberti du nom des ministres de la Marine impliqués, un peu comme Painlevé et Maginot ! L’équivalent du projet de budget Maginot pour la défense des côtes date de 1923, sur base de projets datés de 1920 puis 1922, donc 7 a 8 ans avant la LM. Il sera mis en œuvre par vote annuel spécifique jusqu’en 1940, à raison de 20 à 120 millions par an.

Cela s’est traduit par la modernisation de nombreuses batteries de côte antérieures (fin 19e - début 20e siècle) avec des pièces de calibre divers - et propres à la Marine : 138 mm, 164,7 mm, 194 mm… - récupérées de navires déclassés, et des batteries neuves dont les plus emblématiques sont celle de 2 tourelles doubles de 340mm du Cap Cepet à Toulon, suivie de sa sœur à Metline (Tunisie) en Tunisie et une 3e tardive et inachevée à Cherbourg (Tourville). Ce programme de modernisation se passe dans un contexte politique Marine-Guerre tendu car jusqu’à 1917 les défenses côtières dépendaient de l’armée de terre, qui s’était évertuée à vider les batteries lourdes de leurs canons pour se monter une ALVF moderne et pléthorique. La Marine avait donc pour l’essentiel récupéré une coquille vide ou armée de pièces vieillottes…

Dès les années 30 il y a eu néanmoins une importante collaboration entre la Marine et la Guerre, cette dernière ayant besoin de la Marine pour organiser le fonctionnement des équipages d’ouvrages… voir la page du Dico dédiée à cette question:

https://wikimaginot.eu/V70_glossaire_detail.php?id=1000638

Il y a eu aussi des discussions au plus haut niveau initiées par l’Armée de terre pour s’assurer le soutien d’artillerie des batteries de Marine sur buts terrestres situées à portée de la LPR, donc spécifiquement à Dunkerque, Nice et en Corse du Sud. Pétain, lors de l’une de ses tournées d’inspection sur les fortifications du Nord a même fait le détour par Dunkerque pour discuter de cela en personne avec l’Amiral commandant le secteur maritime. En réalité, ce qui était attendu de la Marine - et cela entrait parfaitement dans ses missions - était d’interdire tout débarquement à l’arrière des défenses de l’armée de Terre (donc sur les plages de Bray-Dunes à Calais d’un côté, et sur les plages de la Plaine du Var de l’autre côté !). A noter que les pièces lourdes de Marine n’étaient pas adéquates pour du bombardement de saturation sur buts terrestres car lentes et s’usant très rapidement.

La Marine est restée relativement prudente, voir résistante avec ce type de demande, considérant que ses propres missions étaient prioritaires et que si coup de main il y avait à donner, cela se ferait « après tout le reste… ». Il est certain que le passif généré par le « pillage » par la Guerre des batteries de côte durant 1914-18 a joué un role dans cette réticence de principe : chat échaudé…

On ne peut donc pas considérer au sens propre du terme que la batterie de Zuydcoote a fait partie de la ligne Maginot ou y a été rattachée. C’est une galéjade.

Elle n'a même pas pu apporter un support durant La défense de la poche de Dunkerque début Juin 1940 car évacuée le 3 juin 1940 à 22h sans avoir tiré semble-t-il. Elle aurait pu le faire car ses 194 mm de la modernisation des années 30 en étaient capables. Durant toute la drôle de guerre elle est restée sous contrôle et aux ordres exclusifs de la Royale.

Il faut d'ailleurs garder à l'esprit que la bande côtière jusqu'à la frontière ne dépendait pas en réalité du SD des Flandres, qui s'arrêtait avant d'atteindre la Manche, mais bel et bien des autorités maritimes (Secteur de défense côtière de Dunkerque, rattaché à l'amiral "Nord", l'amiral Abrial), avec des troupes de Marine et des éléments de la 68° DI, rattachés à la Marine pour renforcer cette défense pendant que le reste de cette division allait se perdre en Zeeland dans le cadre de la manœuvre Dyle-Breda.

Pour la petite histoire, le projet d’amélioration des défenses côtières de Nice incluait une batterie lourde avec une tourelle double de 340mm (batterie du Sueil) extensible à deux, avec cofinancement Guerre potentiel. Avec sa portée, elle aurait pu couvrir jusqu’à l’Authion !. La Marine a finalement refusé le volet « terrestre » de ses missions au motif que c’était un marteau pilon pour écraser une mouche et que l’usure des tubes aurait été inacceptable. L’Armée se rabattit sur l’ALVF de calibre équivalent, et dont elle avait le contrôle total. De tout façon la batterie du Sueil ne vit jamais le jour.

Amicalement
Jean-Michel

PS : voir l'intéressant article de Julien Depret sur cette batterie dans 39/45 Magazine d'Avril 2002 (20 ans déjà...)


Réponse de gregfuchs ( 760 ) - Posté le 28/05/2022

Bonjour Jean-Michel

Elle dépendait donc de la Marine, rien à voir avec du Maginot. Merci pour tes renseignements. Je ne savais pas que les batteries de côte ont été dépouillées de leur armement en 1914-1918. Je pensais que le "pillage" se limitait aux pièces de forteresse, ils ont fait feu de tout bois ! Je comprend mieux les réticences de la Marine à coopérer avec l'Armée de terre.

Amicalement

Greg


Réponse de gregfuchs ( 760 ) - Posté le 28/05/2022
Dernière modification par gregfuchs le 28/05/2022.
Re

Juste une dernière question : quel type de pièces étaient installées à l'origine et en 1935-36 ?
- photo 1920 : canons de côte de 190 mle 1870 ?
- photo 1937 : canons de 194 sous casemate ? s'agit il de tourelles provenant de navires déclassés ?
Désolé d'insister sur un "hors-sujet" mais je suis très intéressé par cette fortif', puis c'est pas tout les jours qu'on visite un site aussi riche sur un littoral aussi beau, franchement le sud c'est surfait :-)

Amicalement

Greg


Réponse de jolasjm ( 7016 ) - Posté le 28/05/2022
Dernière modification par jolasjm le 28/05/2022.
Salut Greg

Les 19 cm d’origine étaient des Mle 1878 et ont d’ailleurs été remplacés avant guerre de 14 par des 24 cm sur affût Mle 1901. Les pièces de la batterie moderne sont des 194 mm Mle 1902 sur affût de côte spécial Mle 1934. Ces pièces étaient en effet sous bouclier. Au passage, petit aparté sur les unités de calibre avant les années 20 : la Marine exprimait les calibres en mm, alors que la Guerre exprimait les calibres en centimètres, source de confusion car un 16 cm de côte de la Guerre est en fait calibré à 164,7 mm… Un 19 cm Guerre à le même calibre qu’un 194 mm Marine !

Les cuves d’origine pour les 19 puis 24 cm étaient trop exiguës, trop proches et mal protégées. L’installation des 194 Mle 1902 a donc nécessité la construction de nouvelles cuves en béton, plus grandes et plus écartées. Une de ces cuves est d’ailleurs reliée par monte-charge au magasin à munitions bétonné d’avant 1914. Ces modification assez radicale et en profondeur de l’ensemble de la batterie n’est pas propre à Zuydcoote, mais a été le cas de toutes les batteries modernisées.

Ceci explique que la « lecture » de ces sites de nos jours est parfois compliquée, surtout si en prime se rajoute une couche Atlantik Wall là-dessus !!

C’est vrai que ce type de fortifications est intéressant aussi. Je m’y suis pas mal intéressé dans un lointain passé.

Amicalement
Jean-Michel


Réponse de gregfuchs ( 760 ) - Posté le 28/05/2022

Rere

Merci beaucoup J-M. Effectivement la lecture de ce site n'est pas aisé, mais c'est ce qui le rend si intéressant. J'ai toujours bien aimé la superposition de plusieurs phases de construction. Et comme le site était déjà fortifié au 17° siècle, je peux légitimement dire : du bastion au béton !

Amicalement

Greg



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