Bonjour Alain et Fred,
@ Alain : "casemates Pétain" : je me souvenais en effet d'avoir lu cela quelque part et c'est ce qui m'a fait penser à Raismes-Mormal quand tu as écrit cela.
Mais je n'ai pas trouvé la référence en question dans les livres de Julien Depret. J'ai regardé rapidement dans "le Nord, frontière militaire" et dans son livre sur le SF de Maubeuge mais sans trouver ce verbatim là.
Le terme de "casemates Pétain" les concernant me parait néanmoins un peu exagéré.
Si on se reporte à l'époque CDT/CDF, il est certain que la position initiale de Pétain était claire et loin de Raismes/Mormal. Pour lui la défense de la frontière du Nord se faisait en Belgique... C'est d'ailleurs ce principe qui sera admis par la CDF dans son rapport au ministre, tout en préconisant :
1 - la création de parcs mobiles de fortification (les fameuses "fortifications à roulettes"(sic) chères au ministre Maginot) pour aller équiper une ligne de défense principale en Belgique lors du grand bond en avant imaginé.
2 - le tracé d'une position "de champ de bataille", ou de sureté, pour défendre l'intérieur du pays, position éloignée de la frontière car celle-ci n'est - depuis les rectifications de 1815 - plus favorable à la défense. Ceci confirme l'abandon de Lille, Maubeuge, ... trop en saillant et proche de la frontière. D'ailleurs le déclassement complet de Maubeuge est préconisé au vu de la destruction quasi totale de ses forts en 1914.
La conclusion de ce rapport est de toute façon qu'au vu des dépenses faites en pure perte par Séré de Rivières précédemment dans le Nord, des incertitudes politiques et stratégiques, il était urgent... de n'en faire que le strict minimum (et ce minimum au moindre coût) !
Là où Pétain s'est investi personnellement, et qui peut justifier éventuellement le vocable de "casemates de Pétain" aux casemates de Raismes et Mormal, c'est la reconnaissance de 6 jours qu'il a fait avec le Gal Culmann et le Lt-Col Grenet entre Dunkerque et Hirson du 26 au 31 août 1927, pour s'approprier les conclusions de la CDF et faire ses commentaires sur le tracé préconisé fin 1926.
Le rapport du secrétariat de la CDF de cette reconnaissance est intéressant à plusieurs titres :
- elle débute par des discussions avec l'amirauté de Dunkerque sur la défense de la côte et la liaison forte à prévoir entre Marine et Armée de terre à cette jonction entre les deux mondes. Discussions similaires à celles qui se tiendront côté Alpes-Maritimes...Pétain est frappé par le retard pris sur le programme de défense des côtes de 1922 et la faiblesse des moyens humains de défense de la place de Dunkerque. C'est probablement l'une des raisons de l'affectation ultérieure d'une division d'infanterie de l'armée de terre à la Marine pour renforcer cette défense du littoral (tout comme dans le sud-est d'ailleurs).
- le maréchal, insatisfait du tracé entre la côte et Lille et en particulier de l'abandon des Monts (Cassel, Noir...) demande à ce que le tracé final les réintègre. Cela sera suivi des faits entre 1937 et 1940.
- Opposé à priori au tracé par la forêt de Raismes, beaucoup trop en saillie à ses yeux, et ayant demandé à la CDF de regarder une variante passant droit en arrière de cette forêt par Denain et le Quesnoy, il change complètement d'avis. Le tracé par la lisière de la forêt de Raismes lui parait le compromis le plus favorable.
- Enfin, il passe la matinée complète du 30 aout à arpenter la forêt de Mormal pour rectifier dans le détail le tracé prévu à cet endroit là. C'est à lui qu'on doit le report de cette ligne à la lisière nord-est de la forêt...
Il semble que le maréchal ait remis le couvert en 1930 car une rectification du tracé de détail de la forêt de Raismes est discuté lors de la 45° réunion CORF (octobre 1930).
Pétain a donc eu un rôle certain sur la définition du tracé précis de ces deux positions de Raismes et Mormal mais je n'ai pas d'évidence qu'il ait décidé, ou participé personnellement à la prise de décision sur la construction de ces casemates en 1931 pour calmer les pressions politiques locales inquiètes du déclassement des places anciennes et de l'absence de projet concret clair.
Pour la petite histoire : en 1932, quand la création des môles du Nord, dont Maubeuge, est discutée au CSG suite à la reconnaissance de Belhague, Pétain ira jusqu'à écrire une note rejetant formellement la création d'une position moderne autour de la ville au motif qu'il fallait s'en tenir aux reconnaissances et décisions de 1927 et réserver cet argent au renforcement de la chasse et de l'aviation de bombardement...
@ Fred : aaaaaahh... Petit-Branleux ! Dans le fond je me suis souvent dit qu'il y avait une part de charité chrétienne dans l'ajournement de cette casemate. T'imagines la discussion à la popotte des officiers du 84° RIF : ".... et toi, t'es où maintenant ? ... ben, j'ai pris le commandement de la casemate de Petit-Branleux...". De quoi perdre toute crédibilité.
Plus sérieusement : cette casemate fait partie de celles qui étaient prévues dans l'est du SF de Maubeuge entre Ostergnies et l'ouvrage de Quatre-Bras. Ce tronçon a été ajourné en 2° tranche de la 1ere urgence de construction (à engager un an plus tard... selon moyens...) pour que le reste puisse rentrer dans le budget alloué aux Nouveaux-Fronts à Maubeuge. Outre l'ouvrage de Quatre-Bras, ont ainsi été placé en 2° tranche dans cette zone sud-est du SF les casemates de Tous Vents, Petit-Branleux et celle de la ferme Coulmié (pour mémoire, la 2e urgence prévoyait là 3 casemates de plus à cette extrémité : Colleret, Aibes et Bout-d'en-Haut).
Coup de chance, on a pu mettre la main sur le dossier technique de cette casemate qui est finalement assez unique. C'est une casemate nouveaux-fronts cuirassée (ce qui est peu fréquent déjà puisqu'il n'y en a que deux autres à Marpent et Ecouviez) dont l'armement principal est constitué de deux cloches pour AM en flanquement double : côté gauche, une cloche AM à deux créneaux, côté droit une cloche AM à un seul créneau vers Quatre-Bras et au milieu une GFM B pour la défense rapprochée et enfin deux créneaux FM B sous béton pour protéger l'entrée.
Le créneau annexe de la cloche AM de gauche est pratiquement frontal.
Cette configuration particulière lui donne un plan avec une jolie forme de ... trèfle à trois feuilles.
La GFM a une particularité notable : elle est a 4 créneaux, mais seulement 3 (vers l'avant) sont contigus comme habituellement. Le 4eme - vers l'arrière - est décalé de 20 grades vers la droite : il existe donc un angle mort entre le 3e et le 4e créneau.
Deux étages : en haut, vestibule, accès aux cloches, stock vivres et munitions, CT, latrine et PC/chambre du commandant. En bas : ventilation/filtres, usine, latrines et chambre troupe.
Bonne fin de w-end à tous
Jean-Michel