la construction des casemates sur le Rhin après guerre
Fil ouvert par soetrich
(
25
) - Posté le 29/01/2023
Bonjour tout le monde,
Quelqu’un a publié sur un forum que, âpres guerre, l’armée a envisagé de construire des casemates le long le Rhin avec des cloches allemandes. quelle est la réalité?
merci pour la réponse.
Hans
Réponse de jolasjm (
7015
) - Posté le 30/01/2023
Dernière modification par jolasjm le 30/01/2023.
Bonjour Hans
Je n'ai jamais rien lu de tel dans la littérature et cela me parait peu probable. Après guerre, il n'était pas prévu de "constructions neuves" sauf à de rares exceptions, comme le bloc d'entrée de Granges Communes. Les moyens affectés l'ont été essentiellement sur la remise en état de l'existant. Par ailleurs, la rive du Rhin ne faisait pas partie des secteurs prioritaires de remise en service du fait des larges destructions faites sur les fortifications. Les secteur prioritaires étaient limités à Bréhain-Molvange, le secteur de Bitche, Hochwald-Schoenenbourg, et la remise en état du système d'inondation de la Sarre (Source : La ligne Maginot de 1945 à nos jours - M Seramour).
Autre point surprenant dans cette affirmation : les cloches, qu'elles soient françaises ou allemandes, avaient montré leurs faiblesses durant 1939-45, au point qu'après guerre l'état-major envisageait de toutes les condamner (descente de la cloche dans le béton, remblaiement...) pour ne laisser que la partie supérieure émerger pour un périscope, et peut-être ici ou là conserver un seul créneau important. De là à réinstaller des cloches allemandes dont les équipements de créneaux étaient en plus incompatibles avec l'armement français...
Bref, je peux aussi avoir tort et le mieux serait de demander à la personne ayant affirmer cela quelles sont ses sources, et d'où elle tire ses informations.
Amicalement
Jean-Michel
Réponse de soetrich
(
25
) - Posté le 30/01/2023
Meric Jean-Michel pour ta réponse.
Hans
Réponse de SCHOEN (
1123
) - Posté le 31/01/2023
Bonjour,
Alors là, j'en apprendrais une bonne.
A l'état de projet, pourquoi pas. Mais un peu plus quand même...
Alain Hohnadel (ou Jean-Yves Marie) a eu connaissance de documents prouvant la remise en état de certaines casemate des villages dans l'immédiat après-guerre. Ils ont été suffisamment sûr de leur source pour l'avoir publié. Mais j'aurais bien du mal à retrouver la mention... :-/
Amicalement
Antoine
Réponse de jolasjm (
7015
) - Posté le 01/02/2023
Salut Antoine
Qu'il y ait eu de la remise en état partielle de casemates existantes pas trop détruites, en réutilisant du matériel d'origine (donc français) est probable. Cela a été le cas sur l'essentiel de la LM entre 1947 et 1956, y compris dans les Alpes. Je ne conteste pas cela.
Mais là Hans parle de casemates neuves à construire avec des cloches allemandes... On peut rester quelque peu dubitatif de cela.
Amicalement
Jean-Michel
Réponse de fortiff
(
39
) - Posté le 15/02/2023
Bonjour à toutes et à tous,
Grâce à un ami, j'ai pu mettre la main sur la source du message auquel notre ami Hans Vermeulen fait référence dans son message.
Il s'agit d'un article de dix pages de Pierre Rhode et Roman Fixemer dans le magazine allemand « Interfest », volume 2011, numéro 77, intitulé « Über den Verbleib und die Wiederverwendung von Panzerteilen ». En français: ‘À propos de la localisation et de la réutilisation des pièces d’armure’.
En raison des droits d'auteur, il ne m'est pas possible de joindre ce document, mais je fournirai un résumé.
Au début de l'article, il est précisé qu'après la libération, plusieurs dépôts ont été trouvés en France où l'occupant allemand avait collecté du matériel de blindage destiné à être installé dans le mur de l'Atlantique et une extension du Westwall. Il s'agit de matériel récupéré en provenance des Pays-Bas, de Belgique, d'Allemagne, de Tchécoslovaquie, mais aussi de matériel français qui avait été destiné à l'extension de la ligne Maginot avant la guerre. Ces dépôts se trouvaient à Blanc-Misseron (59), Watten-Eperleques (62), Saujon-Dompierre (17) et Neubourg (67).
L'article mentionne des exemples de structures rencontrées sur la base de plusieurs pages de croquis. Les constructions initialement destinées à être installées dans la ligne Maginot auraient consisté en cloches pour des armes mixtes et des cloches de guet.
À un moment indéterminé après la guerre, le commandement de l'armée française aurait envisagé d'utiliser certaines des structures allemandes dans la construction prévue de nouvelles casemates. Non pas le long du Rhin, mais sur la rive ouest du grand canal d'Alsace, qui servirait de deuxième ligne en cas d'une éventuelle attaque de l'Union Soviétique par l'est. Dans ces casemates de tir de flanc il était prévu l’implantation des cloches allemandes de type Panzerturm 424P01 (nom français d'usage 'cloche allemande type C’), modifiées pour mitrailleuses. Selon les auteurs, ces plans n'ont jamais été réalisés.
Comme source des données ci-dessus, les auteurs citent des documents que Philippe Truttmann a déposés à l'Arrondissement des Travaux du Génie à Thionville dans les années 1970 et dont le co-auteur Pierre Rhode a reçu une copie à l'époque. Les auteurs ne savent pas où ces documents ont été archivés après la dissolution de l'ATG Thionville.
Cordialement,
Joseph Peeters
Réponse de jolasjm (
7015
) - Posté le 16/02/2023
Dernière modification par jolasjm le 16/02/2023.
Bonjour Joseph, et merci de ces précisions complémentaires.
Concernant Interfest, c'est bien la publication "Am Wall" n°77 ? Cet article de P. Rhode et R. Fixemer n'est pas mentionné sur le site d'Interfest. Si c'est cela, je vais essayer de la commander, car le contenu précis et détaillé de l'article et la façon dont c'est introduit m'intéressent.
Reste qu'on a affaire à une référence sérieuse, et si ces papiers sont passés par P. Truttmann, cela en rajoute au sérieux. La question porte à mes yeux davantage sur l'alignement - donc la probabilité de concrétisation - et l'importance perçue d'un tel projet qui s'inscrit en totale opposition dans le principe avec ce qu'on sait de nos jours de la pensée en matière de fortification de l'époque :
- simple remise en état de l'existant,
- en ne considérant que des constructions neuves de réparation ou finalisation de constructions inachevées ou détruites en 1940,
- uniquement sur des môles jugés prioritaires (ce que n'était pas la berge du Rhin - ou du canal d'Alsace),
- et au moindre cout.
le tout dans un contexte où après le création de l'OTAN en 1949 il était clair que la ligne principale de résistance du bloc de l'ouest était la frontière du pacte de Varsovie et certainement pas la frontière française.
Sur le sujet lui-même :
Les armoires des ATG étaient pleines de projets qui n'ont jamais été réalisés. Et pas que les ATG, puisque même le Génie allemand avait étudié en 1941 un projet complet de retournement de la ligne Maginot à leur profit, avec création de nouvelles entrées d'ouvrages et de casemates, ajout de tourelles de type allemand, descellement et retournement des cloches GFM, remblaiement de façades exposées, etc, sans le moindre commencement d'un début de réalisation sur le terrain.
Si ces documents mentionnés par Interfest ont été déposés à l'ATG de Thionville, soit ils ont été brulés - si considérés comme sans valeur - lors de la fermeture du bureau, soit ils ont été récupérés par des passionnés ou collectionneurs lors de cette même fermeture, soit ils ont été transférés au SHD à Vincennes si ils étaient considérés comme historiquement pertinents ou ayant de la valeur.
Donc dans le pire des cas ils ont disparu ou pourrissent dans une cave de collectionneur (ce qui revient au même) et dans le meilleur des cas ils sont dans les piles de papier stockés au SHD, issus des ATG. Ces archives là ne sont pas encore cataloguées, ou en tous cas leur catalogue n'est pas accessible publiquement, donc essayer de les retrouver ressemble à la recherche de l'aiguille dans la botte de foin. Mais je poserai à tout hasard la question à mon correspondant aux archives du Génie de Vincennes.
On a néanmoins d'autres façons de vérifier la validité et le degré de probabilité réel qu'aurait eu un tel projet de construction de casemates neuves avec des cuirassements divers (dont Allemand) le long du canal d'Alsace. Il est mentionné que "le commandement de l'armée française aurait envisagé...". Si le commandement est derrière cela, il doit donc y avoir des traces dans les écrits et les archives à ce niveau là (et pas seulement dans celle de l'ATG).
En particulier, si ce projet avait une réalité concrète il est certain que son contenu aurait été évoqué en tous cas dans les instances techniques centrales du Génie. En effet, le cout d'une telle opération importante aurait dû passer par un accord au plus haut niveau dans le contexte des budgets militaires contraints de l'après-guerre. Les organes de proposition et de préparation des décisions à ce niveau après-guerre était le CTF (Comité Technique des Fortifications, un peu l'équivalent de la CORF d'avant guerre), créé en 1950. Avant 1950, il y avait tellement peu de moyens disponibles qu'aucun programme formel n'existait hors simple entretien, nettoyage et sécurisation des ouvrages existants.
Pour avoir personnellement lu une bonne partie des rapports de séance plénière du CTF après 1955 (période de mise en oeuvre des gros travaux de remise en état de ligne Maginot), aucun de ces comptes-rendus de réunions - notamment ceux qui font des bilans généraux de la question - ne mentionne quoi que ce soit sur la construction de casemates neuves dans la plaine du Rhin. N'ayant pas vu la totalité des travaux du CTF, notamment ceux entre 1950 et 1955, il est bien possible que cette question ait été traitée à un autre moment avant, ou de façon marginale : à mon sens c'est bien dans cette direction là qu'il faut chercher les écrits d'un tel projet qui n'a laissé aucune trace connue sur le terrain.
Par ailleurs, ce projet de casemates neuves n'a pas pu exister après 1960, suite à la chute des budgets fortifications après 1956, au désintérêt affirmé de l'OTAN relatif aux fortifications Maginot et à l'accès de la France à court terme au statut de puissance nucléaire. Par décision ministérielle du 19 Aout 1960 (DM 3794/EMGA/12-EF.173-2), il fut décidé l'arrêt total de tout programme de poursuite de remise en état des fortifications existantes (donc à fortiori de constructions nouvelles...) hors finalisation de ce qui était en cours, le gel des d'études relatives à la défense des frontières françaises et la limitation des dépenses aux stricts besoins d'entretien minimal. A partir de ce moment là on ne parlera plus que de déclassement, cession éventuelle aux armées de l'OTAN pour servir de dépôt ou PC, conversion de certains ouvrages en PC ou transfert à la défense passive. Bref, il n'est plus question de défense du territoire, mais de simple mise à l'abri d'organes vitaux.
Cela laisse donc un périmètre de recherche de précisions sur cette question de casemates du Rhin à une période temporelle assez courte (disons 1950- fin 1955) et à des organismes centraux décisionnels pertinents peu nombreux (Etat-Major Général de l'Armée et/ou CTF par exemple).
Sur la question des cloches : en effet, des dépôts de ce type de matériel ont été récupérés en 1945. C'est un fait bien documenté. Concernant le matériel français, plusieurs cloches GFM A (6, pour le sud-est), GFM B (une quarantaine), GFM C et cloches AM (marché de 9 unités dont une pour les Alpes) étaient en commande en 1939-40 ou réalisées soit pour l'équipement des grands blockhaus STG en construction en 1939-40 dans le nord-est, pour les compléments des Alpes, ou les blocs de la ligne CEZF, 20 kilomètres en arrière de la ligne Maginot d'origine. Ceci sans compter les cloches commandées depuis longtemps et stockées en attente d'installation à Restefond. Certaines de ces cloches stockées en parc - notamment des GFM B - ont d'ailleurs été réutilisées après guerre pour réparer les blocs d'ouvrages existants qui avaient été endommagés (B6 du FAC, EH de Schoenenbourg, etc). Il existait donc bien un stock disponible. Maintenant, une ligne continue de casemate le long du canal d'Alsace - on parle quand même là de 140 kilomètres à équiper !, donc entre 60 et 100 casemates - aurait nécessité un grand nombre de ces cloches... qui comme je le disais plus haut, n'étaient plus du tout à la mode après-guerre compte tenu de leur fragilité démontrée durant 1939-45.
Si des documents existent sur ce projet, ou même simplement évoquent ce projet, ils finiront par sortir un jour, j'en ai aucun doute. Pour ce qui me concerne, j'essaierai de récupérer les archives du CTF de 1950 à 1955 car c'est un sujet qui m'intéresse plus largement.
A suivre, donc.
Bien cordialement
Jean-Michel
Réponse de ammagsdr
(
78
) - Posté le 17/02/2023
Hello Jean Michel,
Je viens d'envoyer sur ton adresse mail à Wiki le scan de l'article de P. Rhodes en question.
A+
Marc
Réponse de jolasjm (
7015
) - Posté le 17/02/2023
Dernière modification par jolasjm le 17/02/2023.
Merci Marc
J'ai traduit et lu le texte en question. Voici mon analyse - qui n'engage que moi ! - de celui-ci :
L'article est en deux partie : la première fait état des dépôts allemands de cuirassements recensés sur le sol français après guerre et montre des plans et coupes des cuirassements de toutes origines, apparemment faits par un dessinateur français (ils disent de l'ATG de Metz, mais cela reste à étayer - voir commentaire suivant). Cette partie n'appelle pas de commentaire particulier, sauf peut-être un : ces plans sont sans doute à prendre avec précaution et paraissent étonnants pour des professionnels du Génie. Celui de la cloche AM Maginot m'a interloqué tellement il est fantaisiste. Le dessinateur qui a fait ce plan n'a visiblement pas pris la peine de prendre des cotes précises et on peut même se poser la question s'il n'a jamais vu une cloche AM réelle... Cela pose question pour les autres croquis.
La deuxième partie porte sur ce qui pourrait être un exemple possible d'utilisation de ces cuirassements stockés, comme éléments d'une ligne à établir le long du canal d'Alsace. C'est l'objet du débat de ce fil.
En fait les auteurs de l'article sont extrêmement prudents (on n'en attend pas moins d'auteurs sérieux) avec cette histoire de blocs le long du canal d'Alsace. A aucun moment ils n'affirment que c'est un projet qui a été demandé par le "commandement de l'armée française". Ils précisent même ne pas connaitre le contexte de ces plans, ni même leur période. Le schémas montrés de ces blocs sont tout sauf des plans d'exécution ou d'implantation. Ce ne sont que des schémas de concept plus ou moins précis, sans mention des localisations possibles pour ces blocs, ni même de quelle longueur effective du canal devait en être équipé.
On est donc bien dans le domaine de la réflexion théorique en amont et pas dans le projet abouti. Cela me confirme dans mon idée exprimée plus haut qu'on a affaire là à une des nombreuses études sans suites faite par telle ou telle ATG ou DTG, voire même peut-être sous-traitée à un bureau civil au vu de la qualité des plans (*).
L'article est néanmoins intéressant sous plusieurs aspects :
- les auteurs mentionnent - c'est leur avis d'expert - que ces blocs sont très mal conçus. Pas du travail de pro... C'est un avis que je partage : on met là des cloches en Baustärke A ou B dans des massifs de béton de faible épaisseur, et avec des galeries d'accès à faible profondeur en éléments préfabriqués légers. Les portes décrites sont en tôle mince... Bref, hétérogène et bricolé. Les auteurs posent même la question (de fond) sur la pertinence d'une telle fortification nouvelle dans le contexte tactique et des moyens de l'époque (hélicoptères, chars lourds rapides,...) eux mêmes équipés de missile et qui ont pour eux leur mobilité.
- L'article parle de l'équipement dans certains blocs d'une chambre de tir pour missiles sol-sol filoguidés "SS10 et SS11"(sic). En fait, ils extrapolent un peu, car le document français montré dans l'article ne parle que de "SS" (missile sol-sol), sans préciser si c'est le 10 ou 11 ou autre. Cependant, il est avéré dans les documents du CTF de 1955 que l'étude était en cours pour adapter des créneaux de certains blocs d'artillerie Maginot pour le lancement de ce genre d'engins SS10 et 11, qui seront pour le premier mis au point en 1953 et le second en 1956-57. L'absence de précision sur le type de SS dans le document français produit dans cet article peut laisser penser qu'il a été dessiné avant la mise au point finale de ces missiles, donc bien plutôt en première moitié des années 50.
Au passage les auteurs mentionnent que cette chambre de tir pour missile présente une ouverture immense pour un tout petit bloc...
- ces blocs prévus le long du canal étaient de nature très légère. On est très loin de la "casemate"... Il est intéressant de constater que la cloche prévue sur ces construction est systématiquement la 424P01, qui est une cloche lance-grenade allemande sans émergence au-dessus de la dalle (44 semblaient être disponible à Neubourg). C'est assez malin, car le trou supérieur peut indifféremment servir pour un instrument d'observation ou de guidage de missile, voir pour un LG à définir, et la muraille latérale sans ouverture permet d'adapter par usinage des ouvertures à façon selon le besoin et peut-être d'y adapter plus facilement des rotules d'armes automatiques françaises tout en forçant à noyer la cloche dans le béton (cf. mes commentaires sur l'absolu rejet de la cloche Maginot par l'état major français suite aux graves défauts mis en évidence en 1940.
Bref... Article intéressant dans l'absolu, mais rien de bien concret sur cette question du canal d'Alsace à part ces croquis conceptuels, sans contexte, sans origine, sans référence ni date, et sans idée claire de qui a commandité cette étude. Cela laisse la porte ouverte à des investigations complémentaires ! Notons simplement que l'absence à date de découverte de traces de ce genre de travaux sur le terrain plaide là aussi pour le projet abandonné.
Bonne journée à tous.
Jean-Michel
(*) rappelons à ce titre que les ATG et DTG de l'époque souffraient d'un vrai problème de manque de personnel car tout le personnel qualifié devait gérer les études et travaux en plein boom de remise en état des ouvrages existants, et les marchés de réparation de cuirassements et tourelles, etc, etc. Ce problème de ressources humaines à fait l'objet d'échanges avec l'EMGA à l'époque et a été discuté au sein du CTF car il était épineux.
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