L'armée a décrit un grand nombre de concepts, d'éléments et de façons de faire dans le domaine de la fortification au travers de Notices, de Notes et d'Instructions. Ces documents de référence ont permis de cadrer, d'orienter et de faciliter le travail de conception et d'utilisation des éléments de la ligne Maginot.
Cette bonne pratique d'ingénierie ne remonte d'ailleurs pas à la période d'entre deux-guerres, mais a existé dés le 19° siècle. Néanmoins la création d'un nouveau système de fortification, alliant constituants et équipements inédits, et façons de faire nouvelles, a entrainé un intense travail de normalisation, de spécification et de création de modes opératoires et organisationnels.
La production de cette somme de documents et de spécifications relève de la responsabilité de Directions fonctionnelles, de commissions techniques permanentes ou ad-hoc ou de bureaux d'étude techniques spécialisés. Au nombre de ces derniers on trouve en particulier la Section Technique du Génie (STG) qui a été déterminante dans ce travail.
Ces documents centraux visent à une standardisation pour l'ensemble des secteurs concernés, ils sont complétés par des écrits et plans-types établis par les chefferies du Génie locales, les Régions Fortifiées (la RFM est particulièrement féconde) ou par le Génie d'armée.
Le travail d'écriture relié à la ligne Maginot commence en 1928-29, tout en se basant ou reprenant par défaut des documents écrits préalablement (grande guerre et juste après). On distingue alors trois grands types de documents :
- Les Instructions : document à caractère prescriptif et qui sont applicables aux troupes de forteresse, qu'elles soient selon le cas d'Infanterie, d'Artillerie ou du Génie. Les instructions couvrent souvent des notions en rapport avec l'organisation, le mode de gestion, les grands principes structurants, mais aussi des modes opératoire d'utilisation sans nécessité d'interprétation.
- Les Notices : documents techniques visant à spécifier des éléments constitutifs de la fortification, ou leur utilisation. Quand ils ont trait à des activités de construction, ces documents ne sont pas prescriptifs au sens ou ils précisent qu'ils doivent en général être adaptés par les décideurs locaux aux réalités du terrain. Ce sont alors plus des guides et des spécifications générales que des obligations formelles. Un exemple classique est la "Notice provisoire relative à l'établissement d'un casernement souterrain dans un ouvrage puissant", qui contient un plan-type de casernement souterrain qui ne sera pas appliqué tel-quel dans la réalité.
- Les Notes : document de synthèse, souvent basé sur l'expérience, et visant à décrire les bonnes pratiques à appliquer pour avoir le meilleur résultat. Là encore, ces documents ne sont pas prescriptifs, mais constituent des aides à la décision à l'usage du lecteur.
Cette segmentation n'a pas toujours été appliquée de façon parfaitement rigoureuse. On trouve ainsi quelques instructions qui relèvent davantage de la notion de notice, comme par exemple les premiers documents de 1929-1930 décrivant les casemates CORF type Anciens Fronts. Les versions ultérieures (casemate type "Nord", casemate type "Rhin", casemate à créneaux décalés, etc) seront d'ailleurs décrites dans des Notices et non plus des Instructions. On trouve aussi en sens inverse des notices contenant un ou plusieurs chapitres prescriptifs, alors nommés instructions.
De nombreuses Notices ou Instructions sont dites "provisoires", laissant entrevoir que ce document a une durée de validité limitée et qu'il sera remplacé par une version définitive. Certaines sont aussi restées à l'état de "Projet", sans validation officielle par une Décision Ministérielle (DM).
On peut par ailleurs constater qu'un nombre important de documents n'a pas été écrit à priori pour cadrer les choses en amont, mais sert à capturer "après coup" ce que les rédacteurs considèrent comme le meilleur état de l'art basé sur l'expérience. Un exemple typique de cela est la "Notice relative à l'organisation des casemates à flanquement simple à créneaux décalés", qui décrit une forme de casemate CORF type Nouveaux Fronts, mais qui a été validée par DM en Décembre 1936, donc bien après la réalisation du gros œuvre des casemates de ce type.
Un document écrit et validé par DM n'est pas pour autant figé et immuable. Nombre d'entre eux ont eu une destinée complexe, voire ont fini par être annulés et remplacés par d'autres. Chaque modification de la Notice/Note/Instruction d'origine donne lieu à un nouvel écrit.
On trouve quatre types d'amendements de documents:
- les Additifs : document qui vient compléter, dans le texte et après coup, le document d'origine quand celui-ci nécessite précision ou prise en compte de nouvelles informations ou éléments après coup.
- les Rectificatifs : document de correction d'erreurs éventuelles existant dans la rédaction d'origine. Souvent limités aux quelques lignes en cause, le rectificatif doit être découpé et les nouvelles formulations sont collées par dessus la partie erronée correspondantes dans le document d'origine.
- Les Modificatifs : reformulation du document d'origine sur une partie qui n'était pas nécessairement erronée. Ceci peut arriver quand la doctrine d'emploi évolue ou que des éléments nouveaux viennent remettre en cause le contenu sans pour autant conditionner tout le document.
- les Annexes : ces parties sont des ajouts en fin de document d'origine, la plupart du temps sous forme de schémas, points de détail ou plans. Certains documents peuvent se voir ajouter des annexes plusieurs années après leur émission originale.
Cette logique rigoureuse a dans certains cas abouti à la génération de rectificatifs d'additifs, de rectificatifs de rectificatifs, d'annexes ajoutées à des modificatifs, etc... rendant le suivi de modification et de validité parfois ardu et augmentant le risque d'incohérence. Dans le but de simplifier, le choix a été parfois fait d'annuler purement et simplement une notice ou une instruction pour en créer une nouvelle prenant lieu et place de la précédente. Dans ce cas, le nouveau document précise clairement en préambule quels anciens documents du même type sont annulés.
Dans les faits, très peu des documents dits "provisoires" au départ ont été effectivement remplacés, et aucun de ces 79 documents provisoires n'a connu d'additif ou de rectificatif (6 ont cependant connu un modificatif). Ceci laisse penser que les rédacteurs préféraient attendre un document définitif pour prendre en compte toutes les modifications plutôt que de perdre du temps à modifier un document officiellement inabouti au départ.
La somme de travail réalisée entre 1928 et 1940 est absolument considérable. Un recensement large effectué par P. Truttmann, complété ultérieurement par diverses sources complémentaires, aboutit à un total de plus de 300 documents de base, sans compter les additifs et autres correctifs.
Ce recensement, incluant l'essentiel des documents structurants, est probablement encore incomplet dans la mesure où il ne prend que partiellement en compte la masse de documentation issue des autorités locales (chefferies, Génie d'armée, Régions Militaires avant guerre, ou Régions Fortifiées, etc). Certains de ceux-ci ne sont d'ailleurs qu'une adaptation locale d'un document central.
A titre d'exemple, voici quelle a été l'évolution du dossier documentaire concernant les liaisons téléphoniques dans la ligne Maginot :
Les trois premières instructions et notices de 1930-31 ont vécu leur vies indépendamment jusqu'en Avril 1934, où elles sont toutes les trois remplacées par un document unique, qui subit un premier rectificatif le jour même de son émission, puis un additif et un second rectificatif.
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Jean-Michel Jolas, le 08/10/2017
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