La notion de "servitudes militaires" remonte au règne de Louis XIV. Le roi, insatisfait de la présence de constructions et d'utilisations de terrain gênantes à proximité des remparts des places édifiées par Vauban, édicte une ordonnance le 9 décembre 1713 interdisant la construction de bâtiments dans une zone de 250 toises (environ 500 mètres) autour des places fortes. Cette ordonnance, peu précise dans ses détails, s'expose à de nombreux contournements pour lesquels l'autorité militaire n'a pas de moyens législatifs de contrôle ou de rétorsion. Avec la fin de l'ancien régime et une situation de guerre quasi-permanente avec les monarchies voisines, la France se dote d'une nouvelle législation bien plus précise (loi du 10 Juillet 1791) qui contient la plupart des éléments qui structurent la notion moderne de "servitudes militaires" :
Création de plusieurs zones géographiques concentriques autour des places fortes, l'une à 100 toises (195 m) dans laquelle toute construction ou aménagement est strictement interdit, et une seconde jusqu'à 250 toises (500 m) ou les constructions doivent pouvoir être détruites - sans indemnité… - selon besoins de la défense.
Création de la notion de classe de place de guerre, avec trois catégories d'importance. La qualité de "place de guerre" et sa classe devait être défini par un acte législatif (loi ou décret) au cas par cas.
Définition de l'arsenal législatif permettant la garantie du respect des règles, variable selon que l'infraction est constatée en temps de paix, de guerre ou de siège.
Cette loi est amendée ensuite en 1811 puis en 1819 (élargissement de la première zone à 250 mètres, bornage obligatoire sur le terrain, précision des règles de création des servitudes par décrets de classement ou suppression des places de guerre, et création des polygones exceptionnels dans lesquels les constructions sont tolérées, comme par exemple lors de créations de fortifications à proximité d'un bâti préexistant).
Mais le régime en vigueur au moment des réflexions autour de la défense des frontières postérieures à la grande guerre remonte en réalité à la loi du 10 Juillet 1851, les décrets de septembre 1853 et amendements ultérieurs concernant les servitudes.
Comme précisé ci-dessus, ce régime remonte aux lois de 1851 et 1853.
Les servitudes sont groupées en deux types distincts, le second étant nouveau :
Les servitudes défensives couvrant les besoins tactiques de défense autour des fortifications. Elles définissent les droits de construction et de destruction foncières au voisinages des ouvrages défensifs en vue de permettre une défense rapprochée. La notion de servitude défensive est confirmée comme indissociable de la notion de "Place de guerre" et sa classe.
Les servitudes imposées aux travaux publics (réglementation des travaux mixtes). Celles-ci sont à visée stratégique et s'appliquent à tous travaux publics (ou privés dans certains cas) dans de larges zones définies par les plans d'opération du pays (dites "zones frontières"). Ceci concerne principalement les travaux sur voies de communication de tous types et sur la configuration du terrain (carrières, forêts, nivellements...). Tous travaux de ces types doivent faire l'objet d'une évaluation par une commission mixte - d'où le nom - incluant tous les ministères pouvant être concernés, dont bien sur le ministère de la guerre. Celui-ci peut donc imposer des règles de construction visant à la prise en compte de besoins militaires (par exemple, les ouvrages d'art doivent pouvoir supporter des charges de type engins blindés, etc...). La "zone frontière" est prise au sens large des besoins stratégiques, et peut intégrer des places de deuxième ligne (Dijon, Lyon…). Elle comporte des "zones réservées" ou "territoires spéciaux" où cette réglementation est renforcée.
De son côté le décret de 1853 définit trois zones de servitudes défensives autour des places et postes défensifs, zones rigoureusement bornées sur le terrain :
Zone 1 des 250 mètres : interdiction totale de construction nouvelle, y compris haies, plantations… pour les places de 1ère et 2ème classe. Les constructions préalables au classement sont maintenues mais peuvent être démolies sans indemnité.
Zone 2 entre 250 et 487 mètres : construction possible, mais en matériaux non durables permettant une destruction aisée en cas de besoin. Toute construction ou modification du terrain - tranchée, etc - doit avoir l'aval de l'armée et l'entretien à l'identique est toléré. Les constructions en dur sont autorisées pour les places de 3ème classe, mais aux risques et périls du propriétaire.
Zone 3 entre 487 et 974 mètres (584 m pour les postes) : la construction - y compris en dur - est autorisée, comme la réalisation de modifications du terrain (levées, tranchées, carrières, routes, etc) mais le projet doit passer par examen et avoir l'aval de l'autorité militaire.
Il est à noter que ces servitudes - pour contraignantes quelles soient - ne donnent droit à aucune indemnité aux propriétaires, alors que les servitudes allemandes de surface deux fois plus étendues autorisent ce genre de compensation. En France il n'est prévu d'indemnité qu'en cas de dépossession ou défaut de jouissance du à des constructions défensives.
La notion de "place de guerre" est elle-même réglementée par la loi. La qualification de place de guerre d'une construction défensive est réglée par des décrets individuels pris en fonction des besoins et classe ces places selon trois classes :
Première classe : places actives, armées, entretenues et/ou améliorées.
Deuxième classe : places mobilisables en cas de conflit, simplement maintenues à minima.
Troisième classe : places ou postes fortifiés conservés dans le domaine militaire, mais sans entretien.