Trémie type Bizerte (et Alpes)

La question de l'habitabilité des ouvrages d'avant-poste des Alpes construits par la MOM durant les tirs de mitrailleuse Hotchkiss a été incidemment soulevée lors des essais similaires faits en Juillet et Aout 1931 dans une casemate d'exercice à Satory puis à la casemate CORF de KANFEN Est.

Ces tirs à la mitrailleuse Hotchkiss à cadence moyenne de 200 cps/mn sans ventilation forcée s'avérèrent possible sans contamination majeure au monoxyde de carbone dans des conditions optimales de ventilation naturelle de la casemate (toutes portes et trémies ouvertes). Cependant les spécialistes du Génie soulevèrent à cette occasion la question de ce que cela pourrait donner dans des conditions moins favorables de chambres de tir de petite taille avec ventilation naturelle amoindrie, comme cela apparaissait pouvoir être le cas dans les ouvrages d'avant-poste MOM en cours de construction dans les 14° et 15° Régions Militaires (Alpes, respectivement Lyon - SF Savoie et Dauphiné - et Marseille - SF Alpes-Maritimes).

Des essais similaires à ceux de la casemate de KANFEN furent donc réalisés à la demande de l'EMA le 12 Juillet 1932 dans le petit ouvrage d'AP de la COLETTA, dont le gros-œuvre était alors en cours d'achèvement. Ils portent sur la comparaison des teneurs en CO après tirs sans dispositifs, puis avec ventilation à bars, puis avec plaque d'embrasure, carter de mitrailleuse (1) et enfin sac à étuis étanche. Sans surprise, les résultats les meilleurs (absence de pollution détectable) sont obtenus avec plaque, carter et sac étanche.

Le Service des Matériels de la Fortification (SMF) est chargé de développer un cuirassement sur ces bases pour application dans les blockhaus à construire à Bizerte en 1933 et au-delà. Les résultats positifs des essais de principe de COLETTA motivent l'ITTF (Inspection Technique des Travaux de Fortification) à recommander dés Octobre 1932 un tel dispositif "Bizerte" à la 14° Région Militaire car l'avancement modeste du Génie civil le permet. La 15° Région (Alpes Maritimes) préfère suivre sa voie avec une obturation par simple volet car dans leur cas l'avancement du gros-œuvre des avant-postes est tel qu'il faudrait casser les embrasures déjà construites pour les élargir.

Dés Mai 1933, le SMF diffuse les plans de la nouvelle trémie "Bizerte-14° RM" pour avis. Le Génie valide définitivement la décision d'équiper de la sorte les avant-postes de la 14° Région Militaire (DM 4026 2/4-S du 29 Juin 1933). Un prototype complet (trémie / carter) est construit et testé en Septembre 1933 dans l'ouvrage d'avant-poste MOM de LARCHE. Sur cette base, le SMF organise la production de ces trémies pour 1934.

Le Col GAGLIO, Inspecteur de l'ITTF en charge de la 15° RM, inquiet des retards de développement du volet "15° Région" finit par recommander à son tour à la Région d'utiliser la trémie type "Bizerte-14° RM" testée à LARCHE. Cette recommandation ne sera cependant pas suivie des faits, la Région préférant rester - probablement pour des questions de coût - sur sa solution malgré la simplification que constituerait une large standardisation des trémies.

Du côté de la 14° RM, l'équipement prend du retard. Le SMF annonce en Septembre de l'année un report de livraison suite à des essais décevants du support d'arme associé à la rotule de la trémie, ce qui reporte le début d'installation en 1935 du fait de l'altitude et l'enneigement des chantiers. Parallèlement, en Mai 1935 la 15° RM décide de reporter jusqu'à nouvel ordre l'équipement des créneaux des avant-postes de la Région (note 357/F de la DTF Nice). En réalité, la décision de moratoire sur les constructions de fortification sur la frontière des Alpes, prise le 8 Aout 1935 du fait de la détente avec l'Italie, stoppe net l'équipement des ouvrages d'avant-poste. Cet équipement dans les AP de la 14° RM ne sera repris qu'à partir de 1937, avec des trémies… A2R et non plus "Bizerte".

La trémie "Bizerte-14° RM" est conçue en quatre versions à angle de hausse différent.

- 11,11 Grades à + 22,22 Grades (soit -10° à +20°)
- 11,11 Gr à + 11,11 Gr.
- 22,22 Gr à + 22,22 Gr.
- 22,22 Gr à + 11,11 Gr.

L'ouverture en site est invariablement de 50 Gr (soit 45°). Seule la version renforcée de cette même trémie fut produite, avec blindage de la plaque de face de 10 cm, et redans et faces latérales de 5 cm d'épaisseur.

La trémie dispose de joues latérales - inutilisées en fin de compte - qui auraient permis d'installer deux volets d'embrasure à fermeture automatique par leur propre poids après effacement de l'arme. Ce développement là n'a pas été finalisé pour autant qu'on puisse en juger mais sera repris pour la trémie A2R.

La mitrailleuse est encastrée avec son carter dans une rotule quasi-sphérique faisant étanchéité. Le support d'arme est une pièce métallique qui s'encastre sous la trémie. Deux saignées horizontales latérales dans le béton permettent le débattement pour le chargeur rigide de la mitrailleuse.

Outre la Tunisie, l'implantation de ce type de trémie aurait pu toucher en métropole les ouvrages d'avant-poste MOM de la 14° Régions Militaire (SF de Savoie et du Dauphiné). Cela ne sera finalement pas le cas.

Les trémies type A2R (ou C2R, version à 60°) conçues plus tardivement en Janvier 1937 par le SEMG pour les blockhaus STG et MOM de la période 1937-1940 sont une évolution directe de ce concept de trémie "Bizerte-14° RM" relativement novateur et efficace. Il est facile de les confondre car les changements relèvent du détail (axe de rotation vertical inclus dans le cuirassement, renforcement de l'épaisseur des joues).

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