Après une enfance sans histoire, il est appelé sous les drapeaux dans le cadre de son service militaire le 10 novembre 1927. Il est incorporé au 3 ème régiment de zouaves de Constantine. En mars 1928, il est promu au grade de caporal puis de sergent à la fin de la même année.
A cette même période, une vive altercation éclate entre Maurice et ses parents qui préféreraient le voir poursuivre une carrière prometteuse en entrant comme commis de banque à la caisse d'épargne de Montmédy. Il se tourne alors vers la carrière des armes et se réengage le 18 janvier 1929.
Le jeune sergent est affecté à la 5 compagnie du 26° régiment d'infanterie de Nancy. De nature sportive, il établira un record de Lorraine du 800 mètres3.
A la mobilisation de septembre, il prend le commandement de la casemate double de Thonne-le-Thil, D'un caractère bien trempé, il est apprécié pour son franc parler et sait s'imposer et se faire respecter par son travail auprès de ses hommes. Les entraînements et les exercices rythment ainsi les premiers mois de la drôle de guerre.
Début Janvier 1940, l'audit d'inspection du commandant Paisy (décidé en haut lieu par le Général Huntziger) relève une très bonne tenue de la casemate et note avec des éloges le jeune officier de 32 ans. La poursuite de sa carrière est placée sous les meilleurs auspices.
Le 20 février 1940, Bourguignon accède à de nouvelles responsabilités en intégrant le petit ouvrage de La ferté en lieu et place du lieutenant Roger Guiard avec qui il va permuter son poste. Sa prise de fonction intervient le 10 mars 1940, pendant 10 jours il va côtoyer Guiard pour recevoir une formation accélérée sur les rouages du petit ouvrage et son fonctionnement, le 20 mars a lieu la passation et son installation définitive au bloc 1 en tant que commandant.
Les mois qui suivent permettent une prise en main de l'équipage et sa réorganisation. Bourguignon doit cumuler son poste avec celui de commandant du bloc 1. L'arrivée du printemps est bien accueillie et laisse penser à un avenir radieux pour la carrière du lieutenant qui aspire à de plus haute fonction, La ferté n'étant qu'une étape dans sa progression, le passage dans le petit ouvrage ne devant être que temporaire.
Le 10 mai 1940, l'invasion du territoire national va changer le destin de Maurice Bourguignon. Si dans les premiers jours la seule activité militaire ennemie se résume à des attaques aériennes, elles vont être très vite supplantées par l'arrivée sur le chemin qui coupe la colline sur laquelle est implanté La Ferté de nombreux réfugiés Belges, Luxembourgeois et bientôt français.
A l'intérieur du béton les préparatifs vont bon train, il faut finaliser la mise en place des moyens de défense.
Le 14 mai au soir, Bourguignon fait procéder par l'adjudant Sailly à la vérification des réseaux téléphoniques extérieurs et principalement la chambre de coupure N°1 qui est le cordon ombilical des communications de l'ouvrage.
Le 15 mai en cours de matinée, Bourguignon fait procéder aux premiers tirs de guerre par la tourelle pour deux armes mixtes sur des éléments Allemands qui ce sont approchés du village de Villy.
Les 16 et 17 mai, Bourguignon ne peut assister qu'impuissant et ce malgré ses tirs de mitrailleuse à la prise des collines 226 et 311. Ces positions qui défendaient le flanc ouest de l'ouvrage sont maintenant l'origine d’infiltrations de patrouilles jusque devant les réseaux, elles forcent les armes automatiques de l'ouvrage à intervenir.
Le 17 mai, voit également la situation tactique empirer fortement lorsque vers midi, les circuits téléphoniques passant par la chambre de coupure N°24 sont détruits par les coloniaux qui occupent les intervalles. La seule liaison possible est dorénavant le poste radio. Le signal est brouillé par les Allemands ; Bourguignon peine à communiquer avec ses supérieurs directs et ne peut recevoir d'ordres de ceux-ci.
Cette situation ubuesque va perdurer pendant près de 18h00 et fortement compliquer la défense du PO.
Le 18 au petit matin, la chenillette de ravitaillement du 155 ème RIF saute sur une mine le long du chemin d'accès au bloc 1, Bourguignon avisé de l'incident interpellera avec humour le chauffeur groggy en ces termes
« Vous voyez bien qu'elles fonctionnent nos mines !! »
Après cette ultime note de détente, la lourde porte d'acier va se refermer et personne ne reverra vivant le lieutenant Bourguignon. Début d'après-midi du 18 mai 1940, suite à la destruction de la cloche FM N° 8, Bourguignon autorise l'utilisation de la tourelle pour deux armes mixtes à des fins d'observation directes sous la supervision du sous-lieutenant Thouément avec les conséquences que l'on connaît.
En début de soirée, Bourguignon qui se tient à son poste de commandement prend connaissance de la destruction du bloc Thouément et l'évacuation de son personnel vers la galerie de liaison. Il prend la décision de réoccuper la caponnière d'entrée du bloc 2 par l'envoi de volontaires.
Pour l'heure, il fait procéder à la mise en place d'un barrage de caisses de vivre devant limiter l'intrusion de fumées pourtant en quantité minime dans la galerie de liaison. Sa pensée à cette heure est que la destruction du bloc ouest est imputable au bombardement qui sévit depuis près de 2 jours en alternant des phases brutales et des périodes de quasi repos.
Vers 1h00 du matin le 19 mai, le scénario que l'on croyait unique vient de se déclencher de nouveau sur et dans le bloc 1, les hommes sont forcés de venir se réfugier dans le niveau inférieur auprès de leurs camarades.
Bourguignon voyant la dégradation constante et importante de la situation va chercher pendant plusieurs heures à sauver ses hommes en multipliant les coups de téléphone auprès de ses supérieurs.
L’incompréhension de ceux-ci sur la dangerosité des événements scellera le sort de la garnison.
Le jeune lieutenant cherchera une dernière fois à 5h00 du matin à joindre l'ouvrage du Chesnois pour communiquer ses adieux et ses dernières pensées au capitaine Aubert, ami de longue date et ancien supérieur hiérarchique de Bourguignon.
Bourguignon s'enfermera ensuite dans sa chambre, brûlera plusieurs documents importants qu'il ne souhaitait pas voir tomber entre des mains ennemies puis succombera dans les mêmes circonstances que ses camarades.
Les autorités militaires française ayant eu vent de la tragédie de l'ouvrage de La ferté prirent conscience de l'impact de cette chute, aussi voulurent ils faire de Bourguignon un héro.
Le lieutenant Maurice Bourguignon sera cité à l'ordre de l'armée (croix de guerre avec palme) et se verra élever au rang de chevalier de la Légion d'Honneur5.
Bien que décédé, la carrière administrative du lieutenant Bourguignon n'en suit pas moins son petit bonhomme de chemin dans les rouages de l'administration militaire, aidée en cela par la situation particulière dans le pays. La machinerie complexe de l'administration militaire s'est mise en branle, malgré les événements de mai-juin 1940.
Le décret de nomination définitif au grade de capitaine est inscrit au journal officiel le 25 juin 1940, soit 1 mois après son décès.
Le corps de Bourguignon ne sera sorti de son cercueil de béton que le 11 juin 1940. Faisant partie des derniers inhumés, il sera déposé avec respect par les hommes de la compagnie disciplinaire de la 16 ème Armée Allemande dans une toile de bâche et enterré à part derrière le bloc 2.
Ce sont des fouilles effectuées les 10 et 11 juillet 1973 qui permettront de découvrir son corps et celui de 16 de ses camarades. Une cérémonie sera organisée le 15 juillet pour procéder à une nouvelle inhumation dans la petite nécropole de Villy où il repose toujours aujourd'hui.
David HARMAND