Ligne Maginot - Secteur Défensif du Rhône



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Secteur Défensif du Rhône

(SDR)







Généralités

Le contexte politico-géographique du Secteur Défensif du Rhône est tout à fait particulier.

La fortification de la frontière franco-suisse et franco-italienne dans l'extrême nord des Alpes est dés les travaux de la CDF considérée comme non prioritaire : les traités de Vienne, puis de Paris en 1815 définissent une zone démilitarisée - en principe sous contrôle Suisse, soit un quasi-protectorat de fait ! - couvrant en gros la Haute-Savoie actuelle. Par ailleurs, le massif du Mont-Blanc est naturellement considéré comme une barrière infranchissable à une éventuelle agression italienne. Le zone démilitarisée avait bien été annulée par le traité de Versailles de 1919 sous réserve d'un accord avec la Suisse, mais cet accord bipartite ne verra sa conclusion positive qu'en 1928 après accord sur la zone franche douanière qui allait avec.

Cette situation de neutralité de fait va cependant progressivement évoluer au gré des événements, dont le plus important est l'avènement d'un projet de tunnel sous le Mont-Blanc en 1931. La première référence à cette idée, fugitivement envisagée au 19° siècle, apparaît lors d'un congrès sur les autostrades durant lequel un conseiller supérieur du canton de Genève (Mr Antoine BRON) met en avant le bénéfice que l'ensemble des pays riverains pourraient tirer d'un tel ouvrage. A force de lobbying politico-économique, l'idée fait localement son chemin entrainant la création en 1933 d'un syndicat mixte franco-italien pour la promotion et l'étude dudit projet ainsi que celui de deux autoroutes (Genevois-Dijon et Genève-Chambéry-Lyon), aimablement supporté par les suisses. Les pouvoirs publics et militaires locaux finissent par alerter la défense nationale ainsi que les ministères concernés (Affaires Etrangères, Travaux Publics...) compte tenu des conséquences éventuelles. L'Etat-Major de l'Armée manifeste ainsi officiellement dès 1933 la "désapprobation" que soulève un projet permettant - dans le pire des cas - le contournement de l'ensemble des fortifications de défense des Alpes et une avance rapide vers Lyon. En avril 1934 les grandes lignes du projet sont présentées publiquement à Bonneville et des rencontres sont organisées à Paris avec les parties prenantes. Le Ministère de la Guerre, qui avait réitéré son opposition via le général GRIVEAUD - adjoint du général BELHAGUE - en Avril 1934, mis sous pression des pouvoirs politiques et des ministères de l'Economie, des Affaires Etrangères et des Travaux Publics, se voit finalement contraint d'accorder son aval de principe mi-1934. Il émet cependant les réserves suivantes :
- le tunnel devra être équipé de DMP
- la sortie française devra être défendue par des ouvrages de fortification permanente
- des casernements devront être construit en aval du tunnel, pour accueillir les troupes rendues nécessaires par la nouvelle donne.
... le tout évidemment aux frais du projet et du constructeur du tunnel...

Mi-1935, alors que la détente politique avec l'Italie se confirme et facilite le projet, le comité inter-ministériel en charge du dossier mandate la CORF pour faire une étude succincte du coût que représenterait une défense adéquate du tunnel. La CORF rend son verdict (note 1282/ORF du 19 Décembre 1935 du Gal BELHAGUE) juste avant sa dissolution effective. Le général préconise rien de moins qu'une zone fortifiée puissante en bonne et due forme, embryon d'un secteur fortifié :
- dans le tunnel : 1 blockhaus double avec pont à effacement latéral similaire à ce qui est envisagé à L'ECLUSE
- Deux DMP, un en avant du blockhaus et un à la sortie.
- un barrage rapide actif (type MONTGENEVRE) sur la route en sortie du tunnel, au droit des Bossons, précédé d'un ou deux DMP sur la route.
- deux ouvrages d'artillerie, de part et d'autre de l'Arve au niveau des Bossons, couvrant l'ensemble.
- un observatoire de commandement isolé, au dessus et en arrière des ouvrages.
- une casemate d'artillerie frontale dans le défilé des Houches.
- et enfin des casernements et postes de garde pour l'équivalent d'un bataillon d'infanterie et des éléments d'artillerie.
L'ensemble du projet revient à 50 millions de francs, imprévus compris, pour un budget du tunnel de 200 millions de francs.

A ceci s'est ajouté dans l'intervalle un projet de deux autoroutes, l'une de Genève à Dijon passant sous les monts du Jura, et l'autre de Genève à Lyon passant par Annecy-Chambéry puis sous le mont de l'Epine (en gros le tracé de l'A43 moderne !). Pour ce qui est de la protection de ces deux rocades d'invasion possibles, la CORF recommande en Juillet 1935 (note 868/ORF) l'équipement de chacun des grands tunnels (Mont du Jura, St Claude et l'Epine) avec un système DMP/blockhaus de défense identique à celui du tunnel de l'Ecluse, l'installation de DMP sur quatre viaducs importants et la construction d'une batterie casematée lourde (75mm et 155mm C) au Malatrait - Mont du Jura au dessus de Crozet - permettant le bombardement des tronçons initiaux en France de ces deux autoroutes. Le tout revient à 7 millions de francs venant se rajouter au reste.

Ces projets n'iront pas plus loin compte-tenu de la dégradation définitive des relations franco-italiennes courant 1936. La question du tunnel du Mt Blanc ne sera reprise qu'en 1949 sous un autre mode.

Un nouveau projet de fortification est proposé en janvier 1937 par la 14° RM, cette fois-ci face à la Suisse d'où le danger peut seul survenir en l'absence de tunnel sous le Mont-Blanc. Il inclut la création d'un ouvrage avec tourelle au Crêt Mourex au dessus de Divonne les Bains (Ain), et 4 ouvrages sur l'autre rive du Léman (Boisy, la Douceur, Epinancher, Les Gêts Est), et enfin un dernier ouvrage à Argentière. Ce projet est rejeté au profit d'une organisation plus légère de bouchons de vallées, à constituer par la MOM à la mobilisation.

Le Gal MITTELHAUSSER, commandant désigné de l'Armée des Alpes, devait avoir en tête ce coup de semonce du tunnel du mont Blanc ainsi que l'étude faite en son temps par le général SERE de RIVIERES montrant la vulnérabilité que crée la passe du Rhône à une agression italo-germanique du fait de la neutralité Suisse quand il proposa dans son projet de 1938 de créer un secteur défensif du RHONE. De création tardive de Juin 1938, officialisée par une instruction, ce secteur s'étend du Col de la Faucille dans le Jura au Nord au le Massif du Mont-Blanc (inclus) au Sud-Est.



Missions et moyens du Secteur Défensif du Rhône

Les mission du secteur, telles que définies par le plan E de 1938, sont les suivantes :

- Dans tous les cas, et comme version de base, couverture du flanc gauche de l'Armée des Alpes et du SF de Savoie.

Ensuite, la mission dépend de la façon dont la neutralité Suisse est respectée.
- Si il n'y a aucun risque d'atteinte à la neutralité Suisse, le secteur est limité à une simple mission de surveillance de la frontière. Seules les troupes organiques du SD (230° DBAF et II/440° RP sont en place et disposées le long de la frontière, principalement entre le lac Léman et le massif du Mt Blanc et sur le corridor de Divonne.
- Si il y a risque ou violation effective de la neutralité Suisse, le secteur est renforcé par une brigade alpine et un ou deux Bataillon de Chasseurs Alpins complémentaires, soit l'équivalent d'une division. Sa mission est d'interdire l'entrée en territoire national, soit par le corridor de Gex-Divonne (hypothèse de violation allemande), soit par le Valais (hypothèse de violation italienne). Cette mission peut être remplie moyennant bombardement des points de passage en Suisse (Valais et Genevois) à partir de la LPR ou de la position frontière. En cas d'accord politique avec la Suisse selon les circonstances, une option offensive est envisagée, avec occupation du Valais entre le Léman et Martigny, et prise de position en avant vers Nyons dans la partie Suisse du corridor de Divonne


Organisation tactique du SD du Rhône - 1938




Les positions à tenir et organiser du point de vue défensif sont au nombre de 4 :

- Une position frontière, entre Meillerie et l'Argentière, permettant de ralentir la progression à partir du Valais et de servir de base départ pour une action en Suisse valaisanne.
- Une position principale de résistance, entre Thonon et le col de Montets et en avant de Divonne.
- Une position d'arrêt utilisant le mont Salève et le cours français de l'Arve et du Giffre
- Une deuxième ligne de défense s'appuyant sur le col de la Faucille, l'Ecluse, le Vuache, les cours des Usses, les Tavernettes, le lac d'Annecy et la Vallée de Faverges-Marlens.


Ce sont en pratique ces positions - avec quelques nuances - qui verront un début de fortification aux points de passage durant la période Septembre 1939-Juin 1940. Seule la 1ère mission sera mise en œuvre, même si le risque d'entrée italienne en Suisse n'est à aucun moment exclu et justifiera la présence d'une division de renforcement en permanence - sauf à la fin... Le SD aura cependant à faire face à une situation totalement imprévue dans les plans de défense : l'arrivée de l'ennemi par la vallée du Rhône...


Mobilisation et drôle de guerre

Le Secteur Défensif est mobilisé à partir du 24 Aout 1939, et son quartier général s'établit à l'hôtel Beau-Rivage entre Annecy et Sévrier. Son commandant à la mobilisation est le Gal MICHAL, et le secteur dépend sur l'essentiel de son existence du 14° CA (Armée des Alpes). Il rapportera néanmoins pendant une courte période (18/08-27/09/1939) au 16° CA (Gal FAGALDE), à un moment où la défense des Alpes était basée sur une organisation à trois corps d'armée (16° CA au nord, sur SD du Rhône et SF de Savoie, 14° CA au centre sur le SF du Dauphiné, et 15° CA au sud sur les Alpes Maritimes). L'inaction italienne et son absence d'entrée en guerre amène l'EMA à déplacer fin septembre 1939 le 16° CA dans le nord de la France, rattachant ainsi le SD du Rhône au 14° CA, qui étend son territoire.

Il est divisé en trois sous-secteurs : Faucille- Fort l'Ecluse , Chablais et Arve

Etant essentiellement positionné face à la Suisse, il ne sera fortifié réellement (mais légèrement...) qu'à partir de la mobilisation. L'objectif était de parer à une éventuelle violation de la neutralité Suisse par les allemands ou les italiens avec contournement des Alpes par le Valais Suisse.

Massif des Alpes - Rhône

Situation tactique du SD du Rhône


Une centaine de blockhaus, pilules et ouvrages souterrains MOM seront ainsi construit entre Aout 1939 et 1940, répartis dans les positions suivantes:

En première ligne :

- Divonne les Bains (importante position d'une quarantaine de blocs dont 20 étaient construits ou en cours de construction)
- Meillerie-Lajoux (17 blocs dont une douzaine achevés)
- Chapelle d'Abondance (8 blocs)
- Vallorcine (un ouvrage et 4 blocs, tous inachevés)
Cette position de première ligne se raccorde au niveau de celle du SF de Savoie au niveau de Beaufortain.


En position de bretelle :

- Position de la basse Dranse (8 blocs dont 6 construits), des Gets (juste entamée) et de l'Arve supérieure à Oex (3 ouvrages caverne et une douzaine de blocs dont sept construits ou en construction)


En seconde ligne,

- protection d'Annecy (position de l'ECLUSE, les 19 blocs de la ligne Groisy-Charvonnex et le barrage de Dingy-la Balme avec 2 ouvrages caverne et 4 blocs).
Cette seconde ligne se raccorde à celle du SF de Savoie au niveau du barrage de l'Arly.



Organisation et unités

Le SDR est, comme pour l'ensemble des secteurs, défendu par des troupes de forteresse et des troupes de renforcement. Le commandement général de secteur est le suivant:

  • Commandant : Gal MARIN puis HARTUNG (1938) et enfin Gal MICHAL à la mobilisation

  • Chef d'Etat-Major : Lt-Col JULLIARD puis Cdt GRANGER (13/05/1940)


  • Infanterie : Col LANOYERIE

  • Artillerie : ?

  • Génie : Cpt DULAC

  • Intendance : Intendant PICHARLES

  • Santé : Médecin-Cdt GIROD


Unités Organiques de Forteresse

Infanterie

- 179° BAF (Bataillon Alpin de Forteresse), Cdt CLERC. PC à Gex
- 189° BAF, Cdt RISSLER, PC à Thonon
- 199° BCHM (Bataillon de Chasseurs de Haute-Montagne), Cdt DUBUS, PC à Argentière

- CRE (Compagnie Régimentaire d'Engins) de la 230° DBAF, , 3 sections de 3 canons de 25mm (une section affectée à chaque BAF), 3 groupes de 2 mortiers de 81mm (deux au 189° BAF et un au 179° BAF)


230° DBAF




Insigne de la 230° DBAF

  • II/ 440° Régiment de Pionniers , Cdt JAQUINOT

  • - 1° Cie à Longeray
    - 2° Cie à Thonon
    - 3° Cie à Annecy
    - 4° Cie au Fayet et Chamonix

    Le II/440° est renforcé par le II/614° Pionniers début Novembre 1939 pour l'hiver de manière à accélérer les travaux.

Artillerie

  • I° Groupe du 164° RAP (Régiment d'Artillerie de Position), Cpt CHILT, composé de 3 batteries


La 5° Bie du 374° RALVF (canons de 194mm TAZ - Cne JELENSPERGER) sera détachée à Annemasse du 3 au 21 Juin.

Génie

  • 214/1 Compagnie du Génie, Cne VINCENT

- 214/81 - Compagnie Télégraphiste
- 214/82 - Compagnie Radio
- 214/83 - Détachement colombophile
Ce détachement du génie sera ensuite transféré au SF de Savoie (Tarentaise). Elle est remplacée par la Cie 156/2 du Génie qui reste jusque début Février. La Cie 66/2 de la 66° DI la relève.


Divers

Pour mémoire, une flottille de 8 vedettes rapides est réquisitionnée au moment de la mobilisation et sont armées. Elles renforcent la défense du littoral du lac Léman.



Unités de Renforcement

Le renforcement du SDR à la mobilisation est assuré par la 2° Brigade de Spahis, renforcée par le GRCA n°20 et la 1° DINA (Division d'Infanterie Nord-Africaine) dont le 5° RTM et le GRDI 51 sont détachés au SD du Rhône et se positionnent sur la frontière suisse.
La 1° DINA est rapidement remplacée par la 64° DI (Division d'Infanterie de Réserve B - Alpine - Gal CARTIER - PC à Seyssel) qui arrive le 28 Septembre 1939 et s'installe début Octobre. Elle détache les unités suivantes au SD du Rhône :
- 86° BCA et la SES du 87° BCA de la 47° DBCA au Nord
- 45° DBCA (93° et 107° BCA) au Sud avec un groupe du 58° RAD et le GRDI 55.

Le SD du Rhône se concentre sur deux sous-secteurs (Chablais-Faucigny et Arve Supérieure). Le 3e sous-secteur (Faucille) est sous responsabilité de la 64° DI dont le reste des unités se positionnent dans la partie nord-ouest du SD d'origine (Gex-Faucille). L'artillerie est renforcée de son côté par des groupes du 114° RAL (du 14° Corps d'Armée).

Le 7 Octobre, la 2° BS est retirée du SD du Rhône. Fin octobre, les unités prennent leur dispositif d'hiver plus bas dans les vallées. Cette situation permet d'accélérer les travaux de 1° ligne (position de la Meillerie) et 2° ligne (Tavernettes) qui sortent de terre à cette occasion. Ces travaux se développent pendant tout l'hiver tant que la température le permet.

En conséquence de son départ vers le SF du Dauphiné, la 64° DI est relevée en 02/1940 par des éléments détachés de la 66° DI. En particulier, le 281° RI est détaché au SD du Rhône et ses bataillons replacent les BCA de la 64° DI. Le secteur de la Faucille est repris par la nouvelle division et le 179° BAF lui est rattaché. Cette situation perdure jusqu'au retrait de la 66° DI fin Avril 1940. Le 281° RI et le 114° RAD quittent le secteur, qui reprend la totale responsabilité sur son ban géographique d'origine, de la Faucille au Mt Blanc. A titre de compensation, le GRCA 20 du 14° CA vient renforcer le secteur en remplacement du 281° RI. Il s'en suit une réorganisation du front en conséquence de ces mouvements et de l'attitude de plus en plus menaçante de l'Italie, avec :

- Sous-Secteur Faucigny (gauche) : II/ 440° Pionniers dans un strict rôle de sureté.
- sous-secteur Chablais (centre) : 20° GRCA (Lt-Col COTTIN) dans un strict rôle de sureté.
- Sous-secteur Arve supérieure (droit) : 230° DBAC dans sa totalité, dans un rôle actif. Le 179° BAF quitte son quartier de l'Ecluse et s'installe à la Contamine.


Cette structure restera valide du 26 Avril au 3 Juin. Le 3 Juin, un détachement de Marine en provenance de Toulon et des éléments de la flottille du Rhin arrivent à Thonon pour prendre la responsabilité des vedettes rapides de défense du Léman. Ce même jour, le secteur passe sous responsabilité directe de l'Armée des Alpes pour permettre au 14° CA de se concentrer sur le potentiel conflit ouvert avec l'Italie.
La probabilité du conflit avec l'Italie amène à de nouveaux changements : la 1° Brigade de Spahis (Col BRUNOT) arrive le 6 en renforcement, amenant la réorganisation des sous-secteurs avec création de deux sous-secteurs de 2e ligne. La structure devient la suivante :

En première ligne :
- Sous-Secteur Faucigny (gauche) : 179° BAF, face à la Suisse.
- sous-secteur Chablais (centre) : 20° GRCA, face à la Suisse et au Léman.
- Sous-secteur Arve supérieure (droit) : 199° BCHM, face à l'Italie.
En 2e ligne :
- Sous-secteur Ouest (à l'ouest d'Allonzier la Caille) : EM de la 230° DBAC et troupes diverses.
- Sous-Secteur Est (à l'Est d'Allonzier la Caille) : 1° BS, avec son 5° Régiment de Spahis Marocains à la Roche sur Foron, et son 6° Régiment de Spahis Algériens à Pringy


Le 11 Juin à 0h, la France est en état de guerre avec l'Italie.

Ci-dessous, un résumé de l'organisation du SD du Rhône:


Organisation du SD du Rhône





Historique des combats - Juin 1940

Le secteur défensif n'aura qu'un rôle mineur dans les combats contre l'Italie. Les troupes et l'artillerie positionnée à son extrémité sud intervenant ponctuellement en soutien des combats du Beaufortain (Séloges, etc).

En fait, l'action le plus notable des troupes organiques du secteur sera vers son arrière en action défensive face à l'avancée des troupes allemandes dans la vallée du Rhône et dans le Sud Jura.

Cette menace apparait comme la plus probable dés le 15 Juin 1940, amenant à repenser entièrement le dispositif du secteur. La progression ennemie est tracée par le 2° Bureau du secteur avec l'aide téléphonique des agents des PTT du Jura. C'est ce qui permet de faire jouer au bon moment le 17 Juin les destructions de Mijoux et du col de la Faucille, interdisant l'approche par cette direction et protégeant le détachement avancé du pays de Gex (Divonne). Les premiers coups de feu sont tirés dés le lendemain : la section d'éclaireurs motocyclistes de le 230° DBAF (Lt COSTE), envoyée à Mijoux pour reconnaitre la destruction et l'avancée allemande, échange des coups de feux avec une colonne motorisée ennemie.

A partir du 18 Juin au soir, les 179° BAF et 189° BAF sont déplacés vers l'Ouest et le Sud pour occuper (avec le II/ 440° Pionniers et le II/141° Régiment Régional) une ligne le long du Rhône allant du fort de l'Ecluse à Génissiat, Seyssel et Serrières, et le secteur passe aux ordres directs du 2° Groupe d'Armée dont le PC s'est établi à Bourgoin puis Valence. La liaison à gauche de cette nouvelle ligne de défense se fait à Champagnieux avec le Groupement CARTIER. Le GRCA 20 et la 1° BS sont retirés du secteur dans la nuit pour aller renforcer les défenses de la vallée du Rhône. Le 199° BCHM reste seul placé face à l'Est. La structure du secteur est ajustée à cette nouvelle donne, avec deux sous-secteurs : Rhône et Arve.

Le 19 Juin à 22h, les défenseurs font sauter les ponts de Rhône de Bellegarde et Seyssel (1), qui sont approchés par les troupes allemandes descendant du Nord. Entre le 21 et 24 Juin 1940, les bataillons résisteront vaillamment contre les allemands de la 13° Inf.Div. en les bloquant à Bellegarde et au fort de l'Ecluse, tout en ralentissant leur avance autour de Culoz et de la vallée du Fier.

Le 20 Juin, le PC de secteur est transféré à Sévrier (Hotel de la Puya). Le 21 au soir, les allemands arrivent à Culoz.

Combats du SD du Rhône - Juin 1940




- Le 22 Juin, la constitution d'une position d'arrêt face à l'Ouest entre Oex, les Aravis et Marlens est ordonnée, à tenir avec le 199° BCHM et le II/614° Pionniers, créant un nouveau "sous-secteur des Aravis". Les autres destructions sur le Rhône jouent le 22 Juin au petit matin, sauf le pont de la Loi à Culoz et le pont de Pyrimont qui ne peuvent être détruit (pétards de mélinite des DMP défectueux). Malheureusement, la batterie du 5/374° RALVF qui tenait cette zone sous son feu a juste été retirée la veille... La destruction du pont de Pyrimont peut être reprise, qui explose à 10h, mais pas celle du pont de la Loi à Culoz malgré plusieurs nouvelles tentatives sous le feu de l'ennemi. Le groupement de défense des ponts de Culoz est hétéroclite, avec des troupes régionales extirpées des dépôts et une compagnie du 189° BAF. L'inquiétude sur la tenue de ces éléments avait même poussé le CB JOULIÉ (chef d'EM de la 230° DBAC) à prendre personnellement le commandement de ce quartier. A 11h, les allemands prennent pied sur la rive gauche du Rhône par le pont route, appuyés par l'artillerie et des blindés. Au même moment d'autres éléments tentent le passage par le pont-rail, laissé intact sur ordre, en utilisant les wagons déraillés pour leur protection. Les défenseurs du pont-route sont capturés ou repoussés par l'ennemi, qui peut passer en force et tourner les défenses du pont-rail.
Les allemands établissent en conséquence en début d'après-midi une tête de pont sur la rive Est à Culoz qu'ils poussent ensuite sur Ruffieux (atteint à 15h), puis Serrières et Chindrieux au nord du lac du Bourget, atteint dans la soirée. De leur côté, la 2° compagnie du 189° BAF (Lt CARREL) qui couvrait le pont-rail est menacée sur ses arrières, fractionnée et repoussée au sud vers Chanaz. La progression est difficilement contenue par le reste du groupement du CB JOULIÉ (1 Cie du 147° RR et deux du 28° RTT) qui tient le verrou de Chindrieux, entre la falaise et le lac du Bourget, par contre toutes les autres tentatives de passage du Rhône, à Seyssel et plus au nord, sont repoussées. Dans la soirée, le Gal MICHAL ordonne l'envoi de toutes ses réserves vers la poche allemande de Culoz. L'EM du GA n°2 lui promet l'envoi dés le 23 au matin du 93° BCA, en réserve de corps.
Plus au nord, dans le quartier du 179° BAF, les choses sont mieux sous contrôle. Plusieurs tentatives à Seyssel, Bellegarde et de nombreux bombardements sont effectuées, sans succès. Les premières reconnaissances ennemies prennent contact avec le fort de l'Ecluse et sont là aussi repoussées par le feu.

- Le 23 Juin, la poussée allemande se matérialise à partir de la tête de pont vers d'une part Aix les Bains au Sud, et vers Albens au sud-est par le col de Sapenay. Les combats s'y développent ainsi qu'à Grésine aux approches Nord d'Aix les Bains, où le détachement JOULIÉ s'est établi et a été renforcé par deux compagnies de marche de dépôts et quelques 75mm. Les allemands restent au contact du Rhône sur les autres positions, entre Belley et St Genix au sud, et Seyssel et Bellegarde-Fort l'Ecluse au Nord.
La progression des allemands à partir de la tête de pont de Culoz vers le nord est bloquée par le point d'appui de Chateaufort et la destruction des ponts sur le Fier. Conformément aux discussions d'avant-guerre, les ingénieurs de la SNR ouvrent les vannes du barrage de Génissiat pour augmenter le débit du Rhône en aval et rendre le passage plus difficile.
Dans l'après-midi, le détachement JOULIÉ fléchit à Grésine, partiellement tourné par l'ennemi et ne disposant que de trois pièces de 75mm en support (dont une rapidement détruite) et se replie. Devant la situation difficile, et le risque de voir la défense du passage vers Chambéry s'effondrer, le Gal MICHAL ordonne au 93° BCA, en train d'arriver sur Chambéry en renforcement du secteur, de se reporter vers Viviers du Lac pour recueillir les restes du détachement JOULIÉ qui se replient en désordre. Aix-les-Bains tombe dans la soirée, les défenseurs tentant de se rétablir à Viviers au nord de Chambéry.
Les passages de Chambotte et du col de Sapenay résistent cependant bien à la poussée allemande. Ces deux verrous sont tenus par trois compagnies du III/141° RR et de dépôts commandées par le Cne MERMET et se battent pied à pied pour ralentir la progression allemande vers Albens et le Chéran.
Dans la soirée, les troupes encore sur le Rhône sont autorisées à se replier vers la position d'arrêt du sous-secteur des Aravis et les monts du Chat et de Chartreuse pour y établir une nouvelle ligne de défense plus courte et plus puissante. Elles laissent sur place des éléments de retardement. Le 179° BAF - sauf la 3° Cie (Cne FAVRE) qui reste en retardement au fort de l'Ecluse - se transporte vers les Contamines et le col du Bonhomme, face aux troupes italiennes, le 199° BCHM occupe la position et le col des Aravis, et le 189° BAF se concentre à Marlens pour faire barrage sur la route d'Ugine et d'Albertville. Le repli des troupes régionales et du 440° Pionniers vers ce "réduit" sert à ralentir l'avance allemande.

Dans la nuit du 23 au 24 Juin, le repositionnement se passe en bon ordre. Les troupes défendant Albens se replient sur Alby puis à l'Est du Chéran.

- Le 24 Juin au petit matin, les ponts de Rumilly et Alby sur le Chéran sont détruits. Le PC du Secteur, toujours à Sévrier, est replié sur Marthod, entre Albertville et Ugine, car Annecy est maintenant exposé. A 9h, les allemands entrent dans Albens et envoient des reconnaissances vers Rumilly et Alby.
A 14h30 Rumilly tombe et le Chéran est franchi à gué par des éléments d'infanterie et un char. Les défenseurs se replient vers Sales et la crête de Marcellaz. La perte de Rumilly est un coup dur, car elle ouvre la porte d'Annecy qui n'est plus défendu et permet le contournement des défenses d'Alby et du Chéran. L'ordre de repli vers le réduit des Aravis est donné à 15h. Les éléments sur le Chéran doivent se rendre vers Marlens, et ceux encore sur le Rhône entre Bellegarde et Seyssel doivent se replier dans la nuit sur une ligne Frangy-St Julien en Genevoix.

Au moment de l'entrée en vigueur de l'armistice, le 25 à 0h35, les nouvelles positions de la ligne d'arrêt sont en cours d'aménagement. La ligne maximale atteinte par les allemands est Chateaufort sur le Fier, Rumilly, Alby, Albens, Aix. La situation est néanmoins difficile car les troupes régionales et de pionniers en mission de retardement sont sérieusement bousculées, en plein repli et pas équipées ni moralement préparées pour résister à des troupes allemandes d'active. Néanmoins, on peut penser que si les combats s'étaient poursuivis, la donne aurait changé face au réduit des Aravis, défendu en terrain favorable par trois BAF et un bataillon de pionniers quasiment intacts, correctement appuyés par des éléments d'artillerie.

A cet instant, le fort de l'Ecluse tient toujours face aux allemands après avoir repoussé leurs tentatives de passage depuis le 22 Juin. Ses défenseurs restent sur place après armistice conformément à la règle de station sur la position tenue au moment de l'armistice. Ils interdisent le 2 Juillet le passage de troupes allemandes qui veulent aller vers Genève et occuper la zone frontière. L'affaire remonte jusqu'aux états-majors des deux camps... Cette attitude leur vaudra sans doute le statut de "résistant" et une mention spéciale lors des discussions de la commission d'armistice du 2 Juillet. Sur ordre de celle-ci signé du Gal HUNTZIGER (2) ils sont capturés le 3 Juillet en présence d'un représentant français de la commission d'armistice, puis internés malgré le fait que le fort n'ait jamais été encerclé, couvrant le repli des défenseurs du Rhône... Ceci entraina des protestations véhémentes de l'encadrement supérieur du Secteur Défensif, du 14° CA (Gal BEYNET) et de l'Armée des Alpes (Gal OLRY), mais en pure perte (3).

L'ensemble des combats a couté 6 tués, 31 blessés et 273 disparus (prisonniers pour l'essentiel) aux troupes d'infanterie organiques du secteur du Rhône (les 3 BAF/BCHM, le III/141° Régiment Régional et les pionniers du 440° et II/614° Pionniers). A cela il faut rajouter les 91 prisonniers du fort l'Ecluse et le tué et les 140 "disparus" du 28° RTT.

Le SD du Rhône est finalement dissout le 15 Juillet 1940.


Notes :
(1) : étrangement, le GA n°2 interdira la destruction des points de voies ferrées, mais leur simple "obturation" par déraillement de wagons, ce qui n'empêchera pas les infiltrations d'infanterie. Ainsi le 22 Juin le pont-rail de Culoz sera utilisé par l'ennemi pour infiltrer les arrières des défenseurs du pont de la Loi qui n'avait pas sauté.
(2) Comme pour le traitement du cas des troupes Maginot du Nord-Est, il est probable que la partie française de la commission ait été "trompée" sur l'effectif réel stationnant au fort de l'Ecluse. L'ordre de reddition de HUNTZIGER mentionne en effet 1 officier et 40 hommes alors qu'en réalité c'est une compagnie pratiquement complète qui défend le passage...
(3) La demande de citation des défenseurs du fort est rejetée dans un premier temps. En Octobre 1940 et suite à relance du Gal OLRY, le Gal HUNTZIGER - comprenant finalement son erreur - fera personnellement citer les défenseurs du fort, et leur chef le Cne FAVRE, à l'ordre de l'Armée.



Rédaction :

Jean-Michel Jolas 04/2016, complété en 06/2019 et 09/2020



Sources :

SHD - archives du SD Rhône - cartons 33N134 à 149
voir bibliographie, Sites internet Mémoire-des-alpins.com





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