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PAS du ROC (Ouvrage d'artillerie)


Fil ouvert par DK_Antoine4 ( 242 ) - Posté le 13/12/2022

Bonjour à tous,

Suite à différentes prises de photos, et à l'inspection des éléments présents dans les 3 pièces qui composent le PC du Pas-du-Roc, je m'interroge.

D'après le plan ci-contre (dispo sur Wiki), la première pièce serait une salle de réunion, la deuxième la chambre du commandant et la dernière le PC.
Si je me fie au plan du Pas-du-Roc présent dans le tome 2 de "Fortifications dans les Alpes du Nord", on retrouve la même disposition.

Pourtant, après être allé dans ces pièces, la première dispose d'un central de tir, et d'un coffre pour des documents, et on observe un emplacement mural pour tableau de renseingement disparu. Pour moi il s'agit du PC / PC Artillerie.

La deuxième pièce est vide mais on voit sur les murs l'emplacement de plusieurs tableaux de renseignements. Pour moi cette pièce correspond au SRA // (ou le PC à proprement parler ?)

La troisième pièce en revanche est plus vide, elle pourrait correspondre à la fameuse "salle de réunion".

En revanche la chambre du commandant n'est pas située dans ce complexe, il s'agit d'une pièce un peu plus en amont avec un carrelage très coloré au sol (sous réserve de confirmation).

Est-ce que quelqu'un saurait m'éclairer la dessus ?

Les photos dans l'ordre :

1. Complexe du PC du Pas-du-Roc sur les plans
2. Pièce 1 avec le central tir
3. Pièce 2 avec des emplacements de tableaux
4. Pièce 3, plutôt vide mais de couleur bleue




Réponse de jolasjm ( 7016 ) - Posté le 13/12/2022
Dernière modification par jolasjm le 13/12/2022.
Bonjour Antoine

Comme souvent, il y a la théorie et la pratique... et la vérité vraie du jour J qui n'est plus la vérité le jour J+1 :-)

La configuration du plan de wiki (et du tome 2 des livres de Dominique Vialard) est très exactement celle qui était prévue sur les plans de construction et d'aménagement initiaux de l'ouvrage. Si j'en crois la série de plans à ma disposition, cette configuration des locaux a été valide jusqu'en 1935. Ils sont donc la transcription d'une vérité à un moment donné, et est confirmée y compris dans les plans d'aménagement des locaux (voir extrait ci-dessous !)

L'histoire change après 1935... à une date qui reste à préciser. On retrouve alors sur les plans la configuration de locaux qui est actuellement visible sur place et que tu décris justement. Dans l'ordre de l'arrière vers l'avant:
- PC d'artillerie
- SRA-SRI
- PCO et PC d'infanterie
- Central.
Il n'y a d'ailleurs pas que la fonction des pièces qui change, mais les cloisons bougent, des portes apparaissent...
Autre vérité donc (voir 2e plan joint), qui a cours jusqu'à aujourd'hui !

Quelle est l'explication de ce changement ?

Revenons aux sources du problème... La ligne Maginot du sud-est souffre d'un budget au départ rikiki comparativement et proportionnellement au nord-est. Les concepteurs d'ouvrages sont contraints de faire des économies, en particulier sur les locaux. Ces ouvrages sont en général sous-dotés dans leur conception initiale en termes de locaux de commandement. Mais la réalité rattrape la théorie et il faut se reposer rapidement la question de doter ces ouvrages de locaux en question à la hauteur des missions de ce type d'ouvrages. Les directions locales (Nice et Grenoble) ont donc reçu la consigne par l'ITTF de se rapprocher le plus possible des préconisations de la notice sur l'organisation des locaux de commandement de février 1933. Celle-ci était initialement orientée nord-est, mais les principes directeurs de cette notice étaient bien sur suffisamment universels pour que cela soit applicable dans l'esprit au sud-est... Cette extension du scope de la notice nord-est est chose officielle deux mois plus tard par l'émission par la STG d'une notice d'organisation des locaux de commandement appliquée au sud-est et directement dérivée de la 1ère notice.

La configuration finale du groupe PC de Pas du Roc est strictement conforme à cette notice particulière, alors que ce qu'on trouve sur les plans de la littérature ne l'est pas et est antérieur à cette notice.

Maintenant, de la théorie (Notice) à la pratique (application de la Notice), il y a une des fourches caudines qui revient perpétuellement : les moyens. La mise en conformité des ouvrages a pris du temps à partir de 1933 et en fonction de l'avancement plus ou moins rapide des chantiers. Cela demandait en outre de la réflexion car il fallait éviter autant que possible de devoir re-percer des locaux additionnels. Tout devait donc se faire par arbitrage, et ce qui faisait les frais de l'affaire était en général les locaux antérieurs les moins importants (là la chambre du commandant et la salle de réunion). Pas du Roc ayant en outre été un des chantiers les plus lents, il était somme toute logique que ces modifications n'apparaissent que tardivement (post 1935 en l'occurrence) surtout que dans un premier temps à l'étape gros-oeuvre il ne s'agissait que de déplacer des cloisons ou ajouter des portes...

Voilà le fin mot de l'histoire. La conséquence de celle-ci est qu'il faut se méfier comme de la peste des plans d'ouvrages qu'on trouve dans les archives ou dans les fonds personnels, car selon la date ils peuvent changer... Le Génie avait aussi la mauvaise habitude de reprendre de vieux plans sans les mettre nécessairement au gout du jour, quand l'info qui était mise en évidence par le plan ne concernait pas la zone modifiée. C'est ainsi que la plupart des plans qui circulent de nos jours sur le Lavoir sont erronés sur la zone usine/stockages d'eau et de gasoil, zone qui a subi des modifications tardives non reprises dans les documents généraux du Génie, mais qu'on retrouve très bien dans le jeu des plans de détail et de construction. Et souviens-toi aussi de notre débat passé sur le groupe PC du Janus.

Pour être complet sur le sujet : là on parle des PC centraux d'ouvrages, mais la question sur le sud-est s'est aussi posée pour les PC de blocs. Initialement, il n'y en avait pas de prévu... Tu vas me dire que pour un bloc juste armé d'un FM et d'une cloche, il n'est pas vraiment utile d'en prévoir, et c'est indéniable. Par contre certains blocs "sud-est" sont d'une ampleur et d'une criticité tactique telle que ce manque de PC a fait aussi l'objet de décisions - plus tardives celles-là - pour remédier au problème en réaffectant des locaux. Ces modifications ont été faites tardivement en 1938-39 car la priorité était naturellement la mise en conformité des PC centraux avant de passer à ceux de blocs...

Sans doute te souviens-tu de ta visite au Janus et de la présence de deux PC de blocs aux B2 et B3. Ceux-ci ont été installés en fin de parcours dans les locaux initialement destinés à... recevoir les caisses vides !... C'est pourquoi on trouve dans chacun de ces PC une citerne d'eau en sous-sol qui n'est rien d'autre que la réservation initiale - systématiquement placées dans les locaux de caisses vides dans la 14° RM - pour les systèmes d'extinction automatique des feux de M1-M2, qui n'ont bien sûr pas été installés ! Comme cela, les officiers de PC pouvaient prendre des bains de pied gratos dans l'eau fraiche...

Merci en tous cas d'avoir soulevé la question, car elle permet incidemment de toucher du doigt des notions importantes.

Bien à toi
Jean-Michel




Réponse de alainH ( 421 ) - Posté le 13/12/2022
Dernière modification par alainH le 13/12/2022.
Bonjour Jean Mi, bonjour Antoine,
En complément à l'exposé de Jean Mi, effectivement tous les PC des ouvrages du Nord Est ont été modifiés (même ceux des PO comme kerfent, etc.). C'est suite aux expériences de fonctionnement de l'artillerie, expériences faites essentiellement à Soetrich (+ Molvange). Sous la direction du Général Menjaud (cdt l'artillerie de la RF Metz).
Je n'ai plus la date de ces expériences en tête, mais pourrais la rechercher si cela intéresse des membres de notre communauté. Donc, ces expériences ont conduit à avoir des lignes teléphoniques spécialisées directes avec la création d'un SRA par ouvrage et de Postes de tir. L'infanterie a suivit le mouvement en créant son propre SRI.
En finalité, les PC ont été transformés après 1935 comme l'a acrit Jean Mi, je pense en 1937 au plus tôt, mais vraisembablement en 1938.
Les PC des ouvrages du Sud Est ont également été transformés selon les mêmes principes. D'ailleurs un officier de grande valeur (colonel de Sainte Croix, ex commandant de Soetrich et du Hacken) avait été spécialement muté dans le SFAM (en sus de l'organisation de l'équipage par quarts, etc.).

Mais, il ne faut pas perdre de vue que les installations intérieures des PC des ouvrages du Sud-Est, telles que nous les voyons maintenant, sont celles de la SCAF (sous-commission d'artillerie de forteresse) qui avait fait un très gros boulot pour les ouvrages alpins, travail très en avance par rapport aux ouvrages d'Alsace-Lorraine.
Bien à vous
alainH


Réponse de DK_Antoine4 ( 242 ) - Posté le 13/12/2022

Bonjour Jean Michel,

Merci beaucoup pour ces précisions !



Bonjour @Alain, pour la SCAF, on parle donc des années 1950 ?


Réponse de jolasjm ( 7016 ) - Posté le 13/12/2022
Dernière modification par jolasjm le 13/12/2022.
Bonjour Alain

Merci de ce complément, intéressant car il apporte encore un autre angle à la réflexion, plus orienté organisationnel et équipements, en particulier de transmissions. il est vrai que dans le sud-est l'équipement pratique des PC (téléphonie, etc) a été extrêmement tardif. Il était encore en cours en mi-1939 !.

La date des expériences dont tu parles m'intéresse en effet - mais ce n'est pas une urgence - car les notions de PCO, PCA, PCI, SRA et de SRI sont déjà parfaitement décrites de façon macroscopique dans les notices sur les organisations des PC de février 1933 (nord-est) et avril 1933 (sud-est), ainsi que leurs éventuels besoins de proximité, voire de colocation quand on manque de place comme dans le sud-est. Si ces préconisations des documents de 1933 se sont avérées trop étriquées dans le nord-est, elles ont en pratique été suffisantes dans le sud-est (au bémol des PC d'artillerie de blocs dont j'ai parlé + haut, car l'idée initiale de faire remplir ce rôle de gestion des pièces des blocs par le PC d'artillerie central était parfaitement irréaliste).

On a dans cette question deux choses bien différentes : quels sont les locaux et la surface en m2 à prévoir et où (et çà c'est figé en 1933) et ensuite une fois qu'on a les locaux et leur grande finalité, comment les équiper, les organiser et les faire fonctionner, et cela a été un travail ultérieur de la CEPARF (Commission d'Etudes Pratiques d'Artillerie de RF), dirigée à l'époque par le Gal Menjaud (qui a plus traité ces questions comme chef de la CEPARF que comme chef de l'artillerie de la RFM).

Le regroupement de locaux (et leurs finalités) tels qu'on peut le voir à Pas du Roc, mais aussi dans d'autres ouvrages du sud-est dont le travail a été lent, est conforme à ces spécifications de 1933. Le décalage dans le temps du génie civil des chantiers de construction des Alpes par rapport à ceux du nord-est a fait que ces locaux de PC ont largement été construits d'emblée conformément à ces préconisations de 1933 - même si les plans de projet initiaux disaient différemment. Ils n'ont pour nombre d'ouvrages pas eu à être modifiés à postériori comme dans le nord-est - sauf dans le sud du SFAM qui était plus avancé - car en 1933 une bonne partie d'entre eux en étaient encore au stade des fouilles ou de la maçonnerie de galeries, sans que les cloisonnements et affectations de locaux ne soient définitifs. J'ai des éléments concernant la RFL qui montrent que la question de la réaffectation et réorganisation des locaux a été de mise en pratique dés tout début 1936 (note de Condé en tant que chef de la 20° RM) dans le nord-est.

La question complémentaire des moyens, transmissions et organisations est en effet postérieure. L'équipement intérieur de ces locaux, notamment vis à vis des transmissions et de l'organisation du travail, a fait l'objet de réflexions approfondies de la CEPARF sous le leadership de Menjaud consécutivement à ces deux notices de simple construction. Ces réflexions et expérimentations se sont déroulées de 1933 à 1936, aboutissant à des documents finaux de cadrage et d'équipement en 1937-38 comme tu le précises en effet.

Je pense que le début formel de cette réflexion est acté par la note de propositions de la CEPARF sur l'organisation du commandement de l'artillerie d'ouvrage, du Gal Menjaud à la CORF datée d'Aout 1933, qui pourrait être un prémice à cette question d'organisation globale de fonctionnement et de moyens où il expose ses idées (et celles de la RFM). On sent dans son verbatim d'ailleurs toute la prudence qu'il a à essayer de faire passer ses idées à d'autres régions que la sienne sans froisser les susceptibilités locales, et considère d'emblée à cette date le sud-est comme "hors périmètre" de sa réflexion (ce qui évoluera ultérieurement puisqu'un représentant "sud-est" est intégré à la CEPARF, comme le chef d'escadron Ducru, issu du 157° RAP et de la sous-commission des Alpes en 1935, et assurera le lien entre ces travaux CEPARF et les réflexions régionales).

Concernant l'équipement en transmissions des PC d'artillerie et leur mode de fonctionnement organisationnel, c'est un sujet sur lequel la CEPARF a rendu ses conclusions en mi-1935 (Note Menjaud du 1er juin 1935) suite à des essais d'occupation en RFM, mais aussi des essais pratiques de tir d'artillerie de RF au camp de Bitche. Le sujet est encore affiné lors de la réunion de la CEPARF de décembre 1935 qui regarde plus spécialement le lien avec l'observation et l'impact que cela a sur le SRA est ses besoins en transmissions. Cela donne lieu à l'émission de directives relatives à l'organisation de l'artillerie de RF et de modificatifs à l'instruction sur les transmissions de RF en 1936-37.

Je n'ai pas fini de décrypter les arcanes de cette question, qui est particulièrement complexe et se situe dans un contexte général de guerres des clans entre régions (et chefs de régions !) et de protection des prés carrés des différentes armes... Le fait est qu'initialement il y a eu une forme sérieuse de flottement car j'ai vu des notes issues à la même époque des RF, des directions, des organismes comme la CEPARF et de l'EMA qui n'étaient pas des plus alignées sur qui fait quoi est qui commande qui ! Cela s'est aplani ensuite...

Cela ferait une belle page sur le site ! Volontaires recherchés ;-)

Bonne soirée
Jean-Michel



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