Dernière modification par jolasjm le 01/01/2024.
Bonjour Mme Freling
Merci de votre message. Je vais tenter de répondre à un certain nombre de vos questions et essayer de focaliser votre recherche sur la base des éléments en notre possession.
Tout d'abord un petit point de précision : il n'existe pas de 2° Régiment d'Electromécaniciens. Il y avait par contre un 2° Régiment du Génie, qui avait un bataillon d'électromécaniciens. Le 2° RG a eu un rôle technique important dans le fonctionnement de la ligne Maginot avant-guerre car en charge de toutes les installations techniques des fortifications de façon générale. C'est dans ce 2° RG que votre grand-père a fait son service en 1937 (voir + bas mes commentaires sur son "calendrier du soldat").
Concernant les différentes photos que vous nous avez partagé :
- 1ere photo avec matricule : Cette photo a été prise dans le camp de prisonniers où il a été enfermé. Il s'agit du Stalag IIIA à Lückenwalde au sud de Berlin, où 45.000 soldats français ont été incarcérés à partir de mi-1940. Le matricule sur le panneau est certainement son matricule de prisonnier. A noter que les 45.000 français en question ne logeaient pas tous à Lückenwalde, mais étaient dispersés dans les Arbeitkommandos (camps annexes de travail) dispersés dans la région autour de Berlin. Le Stalag de Lückenwalde était par contre leur camp de rattachement administratif.
- 3e photo : la cohérence des uniformes, le "2" sur les pattes de col, et l'emboutissage en forme de plastron de sapeur sur le casque Adrian est sans ambiguïté. Cette photo a été prise durant son service militaire alors qu'il faisait ses classes au 2° Régiment du Génie. Cela ne pouvait pas être lors de la drôle de guerre, puisque ce régiment a été dissout à la mobilisation pour affecter chacune de ses unités constitutives, soit aux secteurs fortifiés, soit aux unités d'intervalle. Il n'existait donc plus entre septembre 1939 et juin 1940.
- dernière photo : cette photo est probablement prise par un photographe professionnel dans un studio. Cela se faisait de façon pratiquement systématique pour chaque soldat, de sorte à avoir un souvenir. Le prêt d'uniforme par le photographe quand l'uniforme personnel n'était pas assez photogénique était monnaie courante. C'est le cas de votre grand-père puisqu'il porte une vareuse au blason du 128° RIF, unité d'infanterie à laquelle il ne pouvait pas appartenir puisqu'étant un spécialiste électromécanicien du Génie. La chose intéressante néanmoins est que le 128° RIF a été recréé à la mobilisation de septembre 1939, et n'existait donc pas en 1937 lors de son service militaire. Il s'agit donc d'une photo de la période de drôle de guerre. L'autre chose intéressante, c'est que cela permet de situer grosso modo sa localisation à ce moment là : le 128° RIF était l'unité de forteresse qui tenait la ligne Maginot dans la Crusnes, entre les ouvrages de Bréhain et d'Aumetz. Cela collerait pas mal avec la distance de Metz qu'il annonce, car toutes les autres parties de la région fortifiée de Metz sont bien plus proches de la ville que la soixantaine de km annoncés par lui. Là où il reste une incertitude, c'est que dans le secteur fortifié de la Crusnes la partie Bréhain-Aumetz tenue par le 128° est la plus proche de Metz, plutôt à une cinquantaine de kilomètres que 60. Pour atteindre 60 km, c'est plutôt l'autre extrémité de ce secteur qu'il faut viser (Longuyon), avec les ouvrages de Ferme Chappy, Fermont (qui se visite de nos jours en saison), ou Latiremont.
Peut-être y a t-il au dos de sa photo le tampon du studio photo qui a pris ce cliché ? cela permettrait de rétrécir le secteur où il a fait ses armes. On peut en effet imaginer qu'un photographe basé à Longuyon ou Longwy ait pu récupérer un uniforme en surplus du sous-secteur voisin dédié au 128° RIF...
En tous cas, il était clairement dans un ouvrage et non ailleurs dans une casemate, en campagne ou un état-major, car l'ensemble des troupes d'intervalle ont entamé leur repli le 13 juin et ont été capturées bien avant la date du 2 juillet 1940 évoquée, qui est la date d'évacuation sur ordre des ouvrages encore occupés et de transfert de propriété aux Allemands.
- 2e photo : difficile de la dater avec certitude. Les tenues hétéroclites des présents et sans marquage de patte de col pourraient laisser penser à une photo réalisée durant la drôle de guerre, dans un camp extérieur quelconque, soit de sous-secteur soit d'ouvrage. Pour y arriver, il faudrait comparer le bâtiment en arrière plan avec les photos de camps du secteur de la Crusnes. Une recherche rapide dans les photos anciennes de ce secteur m'a orienté vers un bâtiment annexe du camp d'Errouville (cuisine en l'occurrence mais d'autres bâtiments ont ce type d'architecture à colombages et briques). Ce camp desservait l'ouvrage de Bréhain en particulier (ouvrage appartenant encore à l'armée, fermé et non visitable pour le moment bien qu'un groupe de passionnés l'ait récupéré récemment après convention avec l'armée et ait commencé à le remettre en état). Voir zoom sur une photo d'époque ci-dessous.
Le calendrier du soldat : c'est clairement un document reçu lors de son service militaire, confirmant une fois de plus son affectation au 2° Régiment du Génie de Metz. Pour preuve, le nom de son commandant d'unité, le Col Mouflard, qui commandait justement le 2° RG de 1936 à 1938, et le Gal Giraud, qui commandait alors la 6° Région Militaire (Metz) à cette même période. Ceci montre qu'il a réalisé son service au sein du bataillon d'électromécaniciens de ce régiment du Génie.
Pour plus d'infos sur le 2° Régiment du Génie, voir la page ci-dessous :
https://wikimaginot.eu/V70_glossaire_detail.php?id=1000815
Voilà ce qu'il est possible de dire sur la base des éléments fournis. Peut-être en avez vous d'autres qui permettraient d'approfondir la recherche, ou même de simples éléments oraux dont vous pourriez vous souvenir et qui pourraient apporter des éléments additionnels. Même des choses en apparence insignifiantes pourraient malgré tout faire avancer la recherche.
Si vous prévoyez de visiter sa région de guerre, je vous recommande la visite de l'ouvrage de Fermont, non loin de Bréhain, qui a été remis en état depuis les années 70 et est un remarquable musée de la fortification Maginot. Vous y verrez bien plus de choses, qui plus est dans son jus d'époque, que vous ne pourrez jamais voir à Bréhain, qui est vide, vandalisé et pas visitable.
Nous sommes bien sur intéressés par tous documents d'époque permettant d'illustrer nos pages d'encyclopédie sur les unités ou ouvrages. Nous autoriseriez vous de mettre en ligne ces premiers éléments que vous nous partagez ou d'autres que vous pourriez retrouver ?
Cordialement
Jean-Michel Jolas - pour l'association Wikimaginot.