Ligne Maginot - Histoire, de 1945 à nos jours



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6 - L'après guerre, de 1945 à nos jours






Le 8 Mai 1945, la ligne Maginot n'est donc plus que l'ombre d'elle-même. Les ouvrages et casemates CORF du Nord de la France, du secteur de Montmédy et celles couvrant le Rhin sont totalement inutilisables. Sur la RFM et la RFL, seules quelques tourelles fonctionnent encore et l'essentiel des armements sous casemate est manquant. Il en est de même du matériel : moteurs électriques, groupes électrogènes, monte-charges, optique,...

Le sud-est, un peu moins mal loti, a quand même subi des ponctions ou des destructions de la part de l'ennemi.



1945-1966 : un début de résurrection

En 1945 la priorité est à la reconstruction du pays et les moyens de la nation, limités, y sont consacrés en priorité. Le sort des fortifications héritées de 1930-40 est donc considéré comme annexe et laissé de côté, d'autant qu'au sortir de la guerre il y a incertitude sur la stratégie nationale dans un contexte qui a drastiquement changé et s'est mondialisé et que la fortification rendue en, partie responsable de l'échec de 40 n'a pas bonne presse.
La nature ayant horreur du vide, le monde civil manifeste rapidement un intérêt pour reprendre les choses - à tout le moins les terrains qui avaient été réquisitionnés avant guerre ou les casernements dont certains sont rapidement aliénés et cédés à des entreprises civiles. La défense nationale demeure cependant prudemment conservatrice sur les éléments de fortification tant qu'une nouvelle stratégie n'est pas définie.

Concrètement, le Génie commence par faire un inventaire complet étalé sur les années 1945 et 1946 des fortifications existantes et commence les réparations des ouvrages avec les moyens du bord. Fin 1947, la plupart des tourelles qui étaient inutilisables fonctionnent à nouveau manuellement et un minimum d'installations électromécaniques est remis en service. Dans ce même intervalle de temps les relations entre ouest et bloc soviétique se sont fortement dégradées, influençant l'orientation de la vision militaire française.
L'ennemi n'est plus l'Allemagne mais devient l'URSS: dans ce contexte la protection des frontières est à imaginer à nouveau... et à coût minima.
La question du Rhin est traitée par le vide du fait de la construction du canal d'Alsace et la rectification des berges du fleuve qui entrainent la disparition d'un grand nombre de casemates. Même chose pour le Nord, au vu de l'état pitoyable des ouvrages. Restent les deux grandes régions fortifiées du Nord-Est et les Alpes.

L'alliance atlantique est signée en Avril 1949 et entraine la création de l'OTAN, son bras armé politico-militaire. Ironiquement, la question du temps à gagner - et donc de la fortification à la frontière - pour permettre aux troupes US d'arriver en Europe en cas d'agression se repose alors dans des termes assez similaires à ceux des débats d'avant-guerre sur la protection de la mobilisation par une fortification permanente. Une évaluation du cout de remise en état de l'essentiel des fortification du N-E ( de Longuyon au Rhin) aboutit cependant en 1950 à un cout global estimé de 1.200 millions de F, hors surcout éventuel de modernisation - inévitable - de l'ensemble.

Les recettes passées sont réappliquées dés aout 1950, avec la création de la CDTM (Commission de Défense du Territoire Métropolitain - Gal LAFFARGUE) et de la CTF (Commission Technique des Fortifications - Gal DROMARD), héritières directes de la CDF et de la CORF ! La CDTM n'existera cependant que quelques mois, ses responsabilités étant transférées à l'EM de la 6° Région. Le 8 Janvier 1951, un budget de 2.000 millions de F (anciens. le franc d'après-guerre vaut un trentième de ce qu'il valait dans les années 30, ce qui relativise l'effort...) est voté pour 1951-52, décision logique dans un contexte général largement défensif eu égard à l'écart de force entre les deux blocs en présence. Ce budget sera complété de 1.700 millions pour 1953-54 puis 1.000 millions pour 1955-56. A ce moment, la ligne Maginot est vue par l'EM français comme une ligne d'arrêt d'un champ de bataille qui se situera en Allemagne. Cette vision n'est cependant pas partagée par l'OTAN qui ne manifeste aucun intérêt marqué pour ces fortifications...
Ce budget est prioritairement affecté à la réfection des secteurs Hochwald-Schoenenbourg, Bitche, Brehain-Molvange et des inondations de la Sarre. Viennent ensuite plusieurs centaines de millions pour la confection d'éléments manquants (pièces d'artillerie, optique, etc) et un reliquat revient aux défenses du Sud-Est.

Côté technique, la CTF doit prendre en compte les effets d'armes nucléaires, mais aussi l'évolution notable des moyens conventionnels d'attaque comme les bombes lourdes, chars modernes, fusées, etc. Rénover une fortification dont les cloches GFM ont déjà montré leurs faiblesses dés 1940, où les murs arrières sont aisément percés par un char moderne, et où les besoins en ventilation et traitement des gaz ne sont plus les mêmes est un vrai défi. Il en est de même pour l'armement, devenu largement obsolète. On envisage donc de remplacer les pièces de 75mm par du 105mm et les canons antichars de casemate par des 90mm AC. Autant de projets qui resteront sans suites réelles.

Côté terrain les réparations, voire les reconstructions dans le cas de certains blocs dynamités, avancent. Ces travaux s'étendent partiellement aussi aux secteurs Moselle-Est, Crusnes et à une partie des Alpes - considéré pourtant comme éloignée du champ de bataille futur. Les travaux porteront essentiellement sur la réfection des installations électromécaniques, de l'armement sous tourelle et du réseau téléphonique reliant les ouvrages entre eux.

Force est cependant de constater que la tâche est trop importante et les moyens limités alors que le contexte militaire continue d'évoluer rapidement, ôtant toute valeur à la fortification en tant que système défensif. Dés 1957, les crédits tombent à 200 millions de F, signifiant la fin de l'effort. Ceci est officiellement acté en 1960 comme étant la conséquence de la montée en puissance de l'OTAN et de l'accession du pays au statut de force nucléaire. Autant de choses rendant les fortifications largement inutiles...

A partir de 1960 on se contente donc d'entretenir à minima ce qui a été fait, avec possibilité de réactivation éventuelle. Certains ouvrages comme le HOCHWALD, le MONT-AGEL, le SIMSERHOF, le SCHOENENBOURG ou ROCHONVILLERS-MOLVANGE restent un tant soit peu actifs comme stations radar, écoles du Génie ou servent de stockage ou d'abris pour l'OTAN, ces derniers étant utilisés par les troupes US. La menace nucléaire entraine brièvement l'étude de l'utilisation de certaines de ces installations comme abris NBC pour la protection civile mais ces études restent sans suite.

La France sortant de l'OTAN en 1966, s'ouvre alors la période d'abandon et de déchéance.



1966-1974 : l'abandon quasi général

Le démontage de l'armement de certains gros ouvrages débute dés 1964 parallèlement à l'arrêt progressif de l'entretien, sauf dans les Alpes où il se poursuivra dans certains ouvrages jusqu'en 1980-90. Cela sera suivi du déclassement militaire des casemates, abris et observatoires d'intervalle à partir de 1965. La première casemate CORF est vendue fin 1968 et cette vente sera suivie d'une montée en régime rapide de ces adjudications après 1970 qui dureront jusqu'au début des années 80.

Plus de la moitié des petits ouvrages et quelques casemates isolées demeurent militaires, le reste ayant été ainsi cédé à des municipalités ou vendus aux enchères à des entreprises ou des particuliers. Une petite partie des constructions cédées bénéficient de valorisations civiles de divers types : certaines casemates deviennent des soubassements de résidences secondaires, des remises ou des étables alors que d'autres sont simplement laissés à l'abandon une fois que l'euphorie de l'acquisition passée leur propriétaire se rende compte de l'inutilité de l'acquisition faite.

Certains petits ouvrages seront ferraillés dés leur achat par leur nouveau propriétaire avec l'aide d'entreprises spécialisées, ceux ci éspérant tirer le maximum de retour de leur investissement. Les ouvrages de MAUVAIS-BOIS, d' AUMETZ, de DENTING et du MOTTENBERG font les frais de ce traitement et pour certains disparaissent purement et simplement du paysage. Le petit ouvrage de HOBLING subira partiellement le même sort, mais le cout du ferraillage s'avérant plus élevé que les recettes, l'opération ne sera pas menée à son terme et sera la dernière de ce type.

Le cas des gros ouvrage est différent. A la fin des années 90, tous les gros ouvrages (sauf celui du KOBENBUSCH vendu à EdF en 1981 dans le cadre des aménagements de la centrale nucléaire de Cattenom) appartiennent encore à l'armée. Outre le HOCHWALD déjà évoqué, il faut citer le cas particulier des ouvrages de ROCHONVILLERS et MOLVANGE. Ils sont réoccupés par l'armée et transformés respectivement en PC de la 1° Armée et en stockage à partir de 1982. De même, l'ensemble SIMSERHOF-SCHIESSECK est préservé comme témoin pédagogique de la fortification par le Cne Ph. TRUTTMANN et pourra être visité au compte goutte par le public dans les années 70.
Ces ouvrages ayant vocation à rester propriété de l'état défense sont pour certains loués par l'armée, soit à des entreprises, soit à des municipalités ou des particuliers. Ce fut notamment le cas de gros ouvrages qui servirent de champignonnière dans les années 70-80 (MICHELSBERG, GALGENBERG, METRICH...).

Le destin des casemates et des ouvrages depuis cette période est relativement systématique et en dehors des constructions réutilisées, certaines ont été purement et simplement éradiquées pour diverses raisons telles que l'aménagement de routes, canaux, infrastructures, ou simplement l'urbanisation pendant que les autres, purement et simplement abandonnés, finissent par disparaitre dans la végétation et connaissent une forte recrudescence des visites illégales depuis le milieu des années 70 avec l'exploration urbaine ou pour des motivations beaucoup plus mercantiles et moins respectueuses comme le pillage de métaux.

Dans les installations restées militaires, l'armée étant - en tant que propriétaire - responsable en cas d'accident, procède dés la fin des années 90 à d'importantes campagnes de merlonnage des entrées de nombreux ouvrages pour en interdire l'accès mais cela n'aura guère d'efficacité et le pillage des ouvrages ne cessera pas pour autant. Ces constructions offrent aujourd'hui un spectacle désolant et leur visite est risquée.




1974-Aujourd'hui - L'effort de valorisation

L'ouvrage de la FERTE est le premier à être concerné par une association de sauvegarde, dés 1946. Sa visite est ponctuellement possible lors des journées de commémoration de ses défenseurs, en Mai, mais reste une exception notable à cette époque. Le milieu des années 70 marque un changement important pour ce qui subsiste de la fortification. L'intérêt du public pour la ligne Maginot va se développer grâce aux livres de plusieurs auteurs, dont Roger BRUGE et Jean-Yves MARY sont les précurseurs. Cet intérêt naissant va avoir un effet important sur la sauvegarde de ce qui pouvait encore l'être.

C'est en 1973-74 que les premiers petits ouvrages et casemates ouvrent leurs portes aux visites touristiques (BAMBESCH, IMMERHOF, 35/3 MARCKOLSHEIM Sud...). Les années suivantes voient la valorisation des premiers gros ouvrages (FERMONT et HACKENBERG) alors que le SIMSERHOF reste toujours accessible ponctuellement sur demande auprès de l'armée. Dans les années 80 se rajoutent les ouvrages du SCHOENENBOURG, du FOUR à CHAUX et du GALGENBERG, puis dans les années 90 le MICHELSBERG, le BOIS du FOUR, le BOIS de BOUSSE, ROHRBACH et la SALMAGNE. Ceci bien sur sans compter les nombreuses casemates, abris ou observatoires CORF ouverts sur l'initiative d'associations ou de particuliers.

Le sud-est n'est pas en reste de cette tendance. La reprise et l'ouverture de l'ouvrage de St ROCH à Sospel, suivie de celles de St AGNES à Menton, du St GOBAIN en Maurienne, des ouvrages de l'Ubayette, du GONDRAN E à Briançon, et du CAP-MARTIN, AGAISEN, FRESSINEA ou MONTE-GROSSO se succèdent.

L'effort de restauration, de mise en sécurité, d'ouverture et d'entretien des ouvrages visitables est au départ assuré par le milieu associatif avec un petit nombre de bénévoles motivés. Malgré la difficulté de la tache et les couts et investissements humains et financiers nécessaires pour restaurer, entretenir et valoriser un ouvrage, la plupart de ces associations ont su tenir et pour certaines se professionnaliser en créant des emplois.

Il n'en reste pas moins que le renouvellement du bénévolat et l'implication des jeunes générations dans la sauvegarde de ce patrimoine sont essentiels à maintenir l'équilibre associatif et à permettre la sauvegarde de notre patrimoine. C'est grâce à ces associations et à elles seules que 80 ans après sa construction, une partie importante de la ligne Maginot est passée de l'oubli à la valorisation.

Parallèlement aux lieux visitables, de nombreux sites internet permettent depuis une quinzaine d'années, localement ou globalement, de perpétuer ce souvenir et de sensibiliser sur ce qu'il reste de ce patrimoine. Wikimaginot.eu s'inscrit dans cette logique en fédérant un ensemble de passionnés qui ont pour objectif commun de recenser les constructions de la ligne Maginot et de partager la connaissance sur ce sujet.





Rédaction initiale :

Jean-Michel Jolas, Pascal Lambert, Antoine Schoen



Sources :

wikimaginot
Service Historique de la Défense
La ligne Maginot de 1945 à nos jours - M. SERAMOUR.





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