Le point de départ se situe à l'automne 1936. Pour des raisons budgétaires, l'aile Est du SF de BOULAY et tout le SF de FAULQUEMONT ont été privé d'artillerie sous béton ou tourelle lors de la conception par la CORF du secteur Est-Nied. Seules trois casemates pour deux mortiers de 81 mm ont été ajoutées dans les ouvrages d'ANNEXE sud de COUME et LAUDREFANG, lors de l'examen des plans de masse en 1931, pour battre les abords dangereux de la falaise de Bisten-Boucheporn-Longeville-St Avold en attendant un hypothétique 2ème cycle qui s'éloigne avec la dissolution de la CORF fin 1935. L'état-major et la 6° RM sont conscients de la faiblesse de ce front, pourtant exposé, comparativement à ce qui a été fait à l'Ouest de Rochonvillers à la même époque. La 6° RM fait donc la demande à l'EMA d'équiper ce secteur Est-Nied avec des casemates pour canons de 75mm pour assurer une couverture minimale.
Un budget total de 12 millions de francs est accordé au budget 1937 de la 6° RM par DM 3034 3/EMA-P le 16 octobre 1936, avec consigne d'utiliser le modèle STG à une seule pièce - comme dans le SF de MONTMEDY - pour des raisons de défilement et de diminution de vulnérabilité. Moins d'un mois plus tard, la 6° RM propose huit emplacements possibles entre Bovenberg et Lelling, et revient à la charge sur la question du type de construction à prévoir, en insistant pour que certaines de ces casemates soient d'un modèle double utilisant un montage type "casemate de Bourges", pour d'évidentes raisons de puissance et d'efficacité. Cette demande est fortement appuyée par le général BILLOTTE, membre du Conseil Supérieur de la Guerre, convaincu du bien fondé de la demande de la 6° RM, ce qui finit par débloquer la situation : l'EMA autorise le 26 octobre la 6° RM à contacter la place de Verdun pour vérifier la disponibilité de montages type casemate de Bourges. La place de Verdun (général RIVIERE) reçoit cette demande et la réponse tombe une semaine plus tard, le 5 novembre : aucun montage complet de 75 mm Mle 1897 de casemate avec circulaire et traverse n'est disponible en stock, et les matériels incomplets en dépôt sont utilisés pour rééquiper les casemates vides de la place. La place dispose par contre de 30 pièces et montages installés dans les casemates existantes dans les forts.
L'EMA accorde aussi à la 6° RM une dérogation à la règle des casemates simples le 27 novembre 1936 sur les emplacements 1, 2, 3 et 6 (Lelling, STOCKEN, Einseling et OTTONVILLE), avec l'autorisation additionnelle d'engager dès à présent 2,5 millions sur le 12 accordés, tout en évitant de trancher sur le type d'armement à installer. Insatisfait de ce statuquo, le général GIRAUD, commandant la 6° RM, relance le débat le 3 décembre en insistant à nouveau sur la demande d'installation de montages type "casemate de Bourges", et sur les bénéfices à en attendre en terme de :
minimisation de la taille de l'embrasure
minimisation de la taille de la casemate et donc du coût
Mais le général GIRAUD va un cran plus loin… Il demande à l'EMA que dix matériels installés dans des casemates équipées de Verdun soient démontés pour venir équiper les casemates de la RFM dont les travaux vont débuter. De quoi équiper les 4 casemates doubles et deux casemates simples en déshabillant Verdun, considéré comme une place de soutien de moindre importance. Les casemates de Verdun déséquipées seraient rééquipées avec du matériel neuf sur le budget dévolu aux casemates de la RFM à mesure où ces matériels seraient produits. L'EMA se refuse à de telles extrémités si le délai de remise en état des matériels en dépôt à Verdun reste raisonnable et demande à la direction de l'Artillerie de lancer la fabrication séance tenante. Il demande optionnellement d'étudier le recomplètement de 22 matériels incomplets en stock dans l'ensemble des places pour libérer 12 pièces de plus pour la 20° RM (Sarre). Le 15 janvier 1937, l'EMA confirme à la direction de l'Artillerie le lancement de fabrication en vue du recomplètement des pièces stockées en parc à Verdun, Toul et Besançon, à stocker à réception au parc d'artillerie de Bourges.
Pendant que ces rebondissements décisionnels se déroulent, les études de conception et d'implantation sur le terrain avancent. Le 5 février 1937, le général BILLOTTE informe l'EMA que la 6° RM envisage de modifier l'emplacement de trois des huit casemates prévues : la casemate n° 1 de Lelling - jugée trop exposée - est déplacée au Nord de Téting, juste en arrière de l'ouvrage, la casemate n° 3 de l'Einselingerberg est déplacée à la lisière sud du bois de Bambesch pour lui donner du champ et pour l'éloigner de la LPR, et la n° 5 de Niedervisse est repositionnée au Johannisbannberg. A cette occasion, le général informe l'EMA de ce que ce n'est plus 10 mais 12 pièces de 75mm sur affut de casemate qui sont nécessaires, le nombre de casemates à construire en première urgence passant de 5 à 6... toutes doubles (n° 1, 2, 3, 5, 6, 7). Les 10 premiers matériels sont à fournir "dès maintenant" (sic) et les deux additionnels "dès que possible".
Le plan de déploiement prévoit donc 8 casemates, dont 6 à construire en première urgence. Le 23 mars 1937, la Notice sur l'organisation des casemates de 75 mm RFM est émise par le Génie de la 6° RM, définissant ainsi le plan-type des constructions, dont les trois premières sont mises en chantier (n° 1, 3 et 6) le 15 avril pour livraison entre l'été et fin 1937. Ce plan-type fait suite à un premier jet sans cloche GFM mais avec une tourelle démontable STG à la place, daté 2 mars 1937 (1).
La casemate pour canons de 75mm sur affut de casemate bénéficie d'une protection 2, plus faible que la protection des blocs d'artillerie de la CORF, mais largement supérieure aux autres constructions de campagne de l'époque. Elle possède des dimensions hors tout d'environ 30 mètres par 10 mètres.
L'armement standard consiste en deux canons de 75 mm Mle 1897 sur affut de casemate du modèle utilisé dans les casemates de Bourges des forts Séré de Rivières modernisés au début du 20° siècle. Le champ de tir horizontal est de 54° (60 grades), et la hausse maximale de 15°, permettant une portée pratique maximale d'un peu plus de 7 kilomètres.
Compte tenu de l'équipement relativement sophistiqué de la casemate et de son armement spécialisé, l'équipage est nécessairement issu des troupes de forteresse (RAP et Génie), par opposition avec les blockhaus légers pour canon antichar.
La ventilation est assurée par un ventilateur à bras/électrique type T, à l'étage dans la version 1937, au sous-sol dans la version 1938. Ces deux versions ne disposent pas de filtration, ce qui sera le cas par contre de la version 1939 construite à la HIGNY, avec ventilateur type C1 et C2. Logiquement, les versions 1937-38 n'ont pas de portes étanches alors que la version 1939 en a une, en addition de la porte blindée.
La casemate permet le logement de son équipage. Dans la version initiale de 1937, les hommes sont couchés sur 11 lits rabattables dans les chambres de tir et le local avant la cloche GFM. La version 1938 prévoit toujours 9 lits rabattables dans les chambres de tir, mais y ajoute au sous-sol une chambrée de 9 hommes à lits fixes et une pour l'officier. La version 1939 conserve ce principe en changeant cependant la répartition : 6 couchages dans les chambres de tir et 12+1 au sous-sol.
Il n'est pas prévu de cuisine, mais une petite réserve de vivres et un réservoir d'eau potable de 1000 l.
Une seule latrine est disponible dans le modèle 1939. Les versions antérieures n'en ont pas.
Un birail (1937) ou monorail (1938), au plafond entre les deux pièces, permet la manutention du matériel lourd et des munitions.
La casemate inclut 3 réservoirs de 200 l de gasoil pour le moteur du groupe électrogène, ainsi qu'une bache de refroidissement de 1000 l d'eau. L'eau est amenée par un puits au sous-sol.
Elles sont équipées d'un PC de tir et d'un petit local téléphonique.