Les piquets OLLIVIER, du nom de leur inventeur, sont des mines antichar improvisées créées en combinant une charge explosive avec un allumeur déclenché par la pression ou la torsion générée par un engin en déplacement.
Cette mine pouvait être camouflée en piquets dans les réseaux antipersonnel en fil de fer barbelé, cachée dans des buissons épais ou des haies, ou encore enfouie dans les routes avec seul le piquet dépassant de la chaussée.
Avant poste de Pont-Saint-Louis,
La barrière est doublée par une rangée de piquets Ollivier placés dans des réservations au niveau de la chaussée
La base de l'allumeur était vissée dans l'ogive d’un obus périmé et l'autre extrémité de l'allumeur était équipée d'un piquet creux métallique ou un piquet en bois sur lequel un appui ou une pression supérieure à 52 Kg déclenchait la rupture du mécanisme et l’allumage de la charge avec un retard de 3/4 de seconde permettant de ne faire exploser la charge sous le véhicule qui avançait. Deux types de retard étaient prévus, long et court. Lors de l'établissement des rangées de piquets, les dispositifs à retard long et court étaient alternés. Il fallait entre 570 et 1140 piquets pour équiper un kilomètre de barrage selon la configuration de celui-ci (un rang ou deux en quinconce) et son environnement.
Allumeur spécifique pour piquet Ollivier.
Le pas de vis destiné à la mise en place sur l'obus est visible à l'avant plan
Le piquet creux s'assemblait sur l'allumeur grâce à un système de baïonnette bien visible sur ces deux photos
Les charges explosives utilisées, initialement constituées d'obus 90 mm à charge explosive de 9oo g et de 95 mm à charge de 2,5 kg, ont ensuite le plus souvent été des obus réformés de 120 mm mle 1914 à charge explosive de 4,2 kg au lieu de la charge explosive de 3,5Kg initialement prévue.
Ce dispositif a été conçu en 1933-34, et fait l'objet d'une Notice Provisoire en décrivant les détails et la mise en œuvre le 25 Mai 1934 (DM n° 697 3/4-S). Hors une livraison initiale prototype de 4.000 unités avec obus de 90 mm qui fut stockée au dépôt du Génie du BOIS de LORRAINE, les livraisons industrielles de piquets OLLIVIER ne commencent qu'à l'automne 1935. Les commandes de ce type de dispositif se montent à :
15.000 piquets avec fusées et obus au titre de 1935 (+ les 4.000 antérieurs), soit 19.000.
20.000 piquets avec fusées et obus déclassés au titre d'un additif aux crédits d'engagement du Génie sur 1936, suivis d'une seconde commande de 13.500 unités, soit 33.500 au total.
14.000 piquets avec fusées et boites de rangement, tous avec obus allongés de 120mm (charge 4 kg), au titre de l'exercice budgétaire 1937, commandés en Février, auxquels se rajoutent 16.650 autres piquets et obus en Mars 1937 pour un montant de 1,832 millions de francs (110 frs le piquet). Ces derniers piquets seront livrés préférentiellement dans le Nord (10.000 à la 1ere Région) et la Haute Alsace (6500 à la 7e Région à Sierentz, Sundhouse, Blodelsheim et Marckolsheim).
Aussi bizarre que cela puisse paraitre, à cette date le sud-est n'avait jamais manifesté aucun besoin, et donc n'avait jamais vu la couleur du 1er piquet OLLIVIER. Cette anomalie sera rectifiée à l'initiative de l'EMA qui fera mettre de côté 4.780 piquets complets pour les 14° et 15° RM au titre des approvisionnements 1939.
14.280 piquets avec fusées et boites de rangement, tous avec obus allongés de 120mm, au titre de l'exercice budgétaire 1938, à livrer en 1939 et incluant les 4.780 du sud-est.
7.000 piquets avec fusées et boites de rangement, au titre de l'exercice budgétaire 1939 (livraison 1940). 7000 obus de 120mm sont réquisitionnés en juin 1939 pour équiper les 7000 piquets.
6.500 piquets avec fusées et boites de rangement, tous avec obus allongés de 120mm, au titre de l'exercice budgétaire 1940. Pour l'ensemble de ces commandes, il était prévu une répartition moitié-moitié du type de fusée (allumeur long ou court).
Le nombre total de piquets OLLIVIER commandés par l'armée à partir de 1935 reste donc proportionnellement faible (environ 115.000 unités), soit de quoi équiper entre cent et deux cent kilomètres de front continu, réservant l'utilisation de ces obstacles actifs à des zones exposées du front ou en avant d'ouvrages importants.
Plus grave, un déficit majeur de livraison des fusées/allumeurs spécifiques - identifié dés 1938 - rendit une part importante de ces stocks totalement inutilisables en l'état jusque tard en 1939... Des rapports assez précis de stocks permettent de dire que mi-1939 ce ne sont pas moins de 17.500 piquets et obus qui avaient été livrés à la RF de Metz, mais seulement 8.110 allumeurs, rendant ainsi plus de la moitié de ces piquets "Ollivier" sans utilité. La situation était encore pire en 1° RM, où aucun allumeur n'avait été livré en mars 1938 pour les 15.500 piquets et obus déjà stockés là ! La situation ne fut corrigée que très tardivement.
Il est à noter que les piquets commandés en temps de paix n'étaient pas destinés à être installés d'emblée dans le sol, pour d'évidentes raisons de sécurité et de risque de détérioration de l'obus et de l'allumeur et bien sur de surveillance. La question du stockage se posa néanmoins rapidement à mesure que les livraisons augmentaient... Initialement, en 1935-1936, les premières livraisons furent stockées dans des dépôts du Génie des régions frontières. Cette politique de simple stockage en dépôt du Génie fut cependant remis en cause comme conséquence de la montée des tensions internationales et du risque d'attaque surprise. A partir de 1937-1938, l'Etat-Major de l'Armée demanda aux Régions Militaires d'étudier les stockage des piquets (et des mines en parallèle) au plus proche de leur zone d'utilisation en des endroits gardés en permanence :
Soit dans les dépôts avancés des camps de sûreté.
Soit directement dans des niches dans les petits casernements de garde des ouvrages ou groupes de casemates, voire près des organes occupés en permanence.
La 1° RM alla même jusqu'à demander le stockage directement
dans les casemates, ce qui fut refusé pour d'évidentes raisons. Mais la meilleure façon de se préparer était encore d'installer au moins les obus directement dans le sol dés le temps de paix.
Suite à des essais effectués à la Pyrotechnie de Bourges fin 1937, l'EMA fit donc développer avant l'été 1938 une
enveloppe (étui) de protection de l'obus en tôle, remplie d'un hydrofuge à base de brai (goudron) de houille, permettant d'installer à demeure ces obus "Ollivier" dans le sol sans crainte de détérioration par l'humidité ou des feux de broussaille et permettant de gagner un temps précieux de mise en place (seul l'allumeur et le piquet étaient alors à ajouter). Pour limiter les risques, les plans prévoyaient une installation "à priori" limitée aux avants d'ouvrages occupés, permettant une surveillance appropriée. Les Régions Militaires furent invitées à définir les zones à équiper dés le temps de paix.
Coupe de l'étui métallique de protection des obus OLLIVIER placés dés le temps de paix
Concernant ces étuis métalliques spéciaux de protection, leur fabrication à hauteur de 39.735 exemplaires (soit de quoi enterrer un tiers de la dotation totale d'obus de piquets) est approuvée le 28 septembre 1938 par l'EMA. Une note de l'EMA (2481 10/EMA) datée du 15 Mai 1939 précise à la 6° Région Militaire que ceux-ci sont en fabrication et que les livraisons sont prévues à compter de Juillet à raison de 8000 par mois. On ne sait si ces livraisons ont effectivement eu lieu, ni si ces étuis ont été utilisés : la question peut se poser car aucune de ces enveloppes n'a jamais été retrouvée.
Enfin, une version un peu améliorée du piquet OLLIVIER en termes de sécurité de mise en œuvre fut proposée aux armées à partir d'Avril 1939 (note 5116 2/4-S du Génie) qui sera couverte par une notice STG spécifique en Septembre suivant.
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