Les matériels radio utilisés dans la ligne Maginot sont de deux catégories différentes. La première regroupe les appareils développés dés 1925 pour les unités en campagne comme les postes ER17 et ER40 qui sont en dotation dans les troupes d’intervalle, la seconde comprenant quant à elle les équipements du type F spécifiquement développés pour l’utilisation dans les ouvrages fortifiés.
Du fait de la problématique des pertes résultant de leur inclusion dans les locaux de la forteresse, l’utilisation des postes prévus pour les troupes de campagne était exclue et l’étude de postes de forte puissance adaptés à la fortification fut lancée dès 1930. Libéré des contraintes inhérentes à l’encombrement et à l’alimentation électrique des postes, le Génie développa quatre appareils de forte puissance dans la gamme F dédiée à la fortification.
Les trois premiers sont un récepteur et deux émetteurs d’une puissance de 50 Watts et 250 Watts, qui , utilisés en paire émetteur-récepteur forment les ensemble ER 50 et ER 250 . Ces appareils fonctionnent à l’émission uniquement en graphie et en graphie et phonie à la réception.
Le quatrième modèle est le poste OTCF qui fonctionne en phonie en ondes très courtes. Il a la particularité de fonctionner sur batterie, ce qui permet son utilisation dans les ouvrages dépourvus d’alimentation électrique
La gamme de longueur d’onde couverte en réception est de 30 à 3 000 mètres et en émission, de 60 à 1000 mètres. Cette gamme extrêmement large permet au matériel radio-télégraphique de la forteresse de pouvoir communiquer avec l’entièreté des matériels utilisés par l'intégralité des niveaux hiérarchiques des troupes affectées aux régions fortifiées (artillerie et infanterie).
De plus, la faculté des récepteurs du type F de travailler aussi bien en graphie qu’en phonie leur permet de recevoir directement les stations de radio civiles.
Ces différents postes de radio sont décrits sur le wiki du site wikimaginot.eu
Le fonctionnement des postes TSF installés dans les gros ouvrages était un fonctionnement d’ensemble devant permettre d’établir des communications avec les postes de commandement , les ouvrages voisins , les observatoires d’artillerie munis de radio , l’aviation lorsque celle ci était chargée d’une mission d’observation au profit de l’artillerie de l’ouvrage ainsi qu’avec les troupes d’intervalle stationnées à l’extérieur.
Dans un même ouvrage, on compte en général un poste émetteur-récepteur inscrit dans le réseau de commandement du sous secteur et quatre postes récepteurs chargés l'un de la réception des messages de l'aviation et les trois autres des communications du commandement et des réseaux d'observation. (1) Chaque récepteur est calé sur une fréquence spécifique à la mission qui lui est attribuée.
Le poste émetteur est chargé, en sus d'assurer la liaison avec le commandement, de la transmission des messages sortants et de l’acquit de réception pour le compte des postes récepteurs.
Chaque poste TSF est relié par une ligne téléphonique au central d’ouvrage , et est en principe affecté à une mission propre (Infanterie , artillerie ou observation ). Dans la pratique, cette affectation ne sera pas un obstacle à une autre utilisation.
en cas de nécessité. Un central téléphonique spécifique appelé Central T.S.F. dont l’importance varie en fonction du nombre de postes de radio équipant l’ouvrage est spécifiquement chargé de maintenir en liaison constante les personnels exploitant les postes de TSF entre eux (2). Ce central est installé à proximité des locaux abritant le poste émetteur de l’ouvrage et chaque poste récepteur y est raccordé par une ligne directe.
Cette organisation permet de recevoir simultanément plusieurs messages entrants sur différentes longueurs d’onde, mais du fait de l’utilisation d’un émetteur unique, interdit l’émission simultanée des messages sortants et nécessite une gestion spécifique pour ces derniers.
Parallèlement à ce réseau téléphonique dédié, un système de télécommande permet de gérer les demandes d’émission provenant des postes récepteurs et de les traiter dans leur ordre d’arrivée.
Une description détaillée de ce système est donnée dans le wiki
Le service continu d'un ensemble d'ouvrage composé d'un émetteur ER 250, d'un second émetteur et de ses quatre récepteurs associés nécessitait une équipe de spécialistes radio-télégraphistes composée d'un sous-officier, de trois caporaux et de 16 sapeurs-télégraphistes
Voir le document ci-dessous donnant l'exemple ci dessous du SF de Rohrbach
L'Armée française avait depuis le début marqué une nette méfiance vis-à-vis des communications par radio qu'elle estimait trop vulnérables et facilement interceptables. Elle avait de longue date mis l'accent sur l'usage quasi exclusif du téléphone et n'envisageait la radio que comme un système de communication de remplacement, malgré le rôle incontournable que la télégraphie sans fil (TSF) avait joué dans les deux dernières années du précédent conflit en étant le seul moyen à même de satisfaire les besoins de communication d'une armée en mouvement permanent.
A titre d'illustration de ce désamour marqué pour la radio, le Bureau Recherche Radio installé au Fort d'Ivry ne comptait que 30 chercheurs et 50 ouvriers. Le budget d'étude alloué aux radio communications se montait à seulement 600 000 Frs, soit moins de 10% de la dotation budgétaire totale allouée pour le secteur des radiocommunications qui ne représentait lui même déjà que 0,16 % du budget "Matériels Neufs" couvrant la totalité des approvisionnement et développements de matériels de toutes natures.
Cette doctrine fort discutable s'est traduit par un retard technologique sans pareil par rapport aux autres forces en présence.
L’utilisation pour les appareils de la gamme F de schémas de principe dépassés, les progrès rapides en matière de matériels de radiocommunication n’ayant pas été pris en compte en firent un matériel peu performant pour l’époque.
Les liaisons HF entre le récepteur, l’émetteur, le meuble d’accord et l’antenne elle même étaient réalisées par un conducteur rigide nu monté sur des isolateurs porcelaine. ce type de liaison implique des pertes énormes entre la station et l’antenne en façade alors que l’utilisation du câble coaxial déjà largement répandue dans le monde des radio-amateurs de l'époque aurait pu permettre d’obtenir avec un émetteur de puissance bien moindre des portées très supérieures à celle obtenues à grand peine par les systèmes en place(3).
Il en va de même des antennes qui sont constituées d’un unique brin horizontal placé à courte distance de la façade arrière des blocs et dont la longueur basée celle de la façade n’est pas accordée à celle de la longueur d’émission du poste.
Cette disposition bien que contraire aux règles de l’art s’explique toutefois par la nécessité de défiler les antennes et de les rendre moins vulnérables aux coups ennemis. Elles n'en restaient pas moins le talon d'Achille du système, la plupart d'entre elles ayant eu à souffrir des combats.
Le seul poste faisant exception à cette règle est l’OTCF recourant à une antenne fouet mono-brin utilisée en polarisation verticale.
Quant à l'efficacité du système dans sa globalité, celle ci était pour le moins obérée par la présence d'un seul émetteur pour cinq récepteurs, celui ci n'étant au final pas à même de répondre à toutes les demandes au cas ou la radio devait devenir le dernier moyen de transmission disponible. Il faut aussi noter que l'obligation de coder systématiquement les messages induisait des délais non négligeables liés au cryptage - décryptage de la communication. Cette prescription couplée à l'utilisation de la graphie au lieu de la phonie rendait toute transmission radio-télégraphique trop lente pour des informations qui auraient du être transmises en temps réel telles que celles relatives au réglage des tirs d'artillerie.
Les matériels développés pour la fortification n'ont pas connu d'utilisation ultérieure, l'occupant allemand disposant dés le début du conflit de matériels dépassant largement ceux utilisés dans la fortification. Ce désinterêt facilement compréhensible pour des équipements obsolètes explique en grande partie qu'il n'en existe plus d'exemplaire complet à ce jour