La communication optique n'est pas une invention de la ligne Maginot. Son utilisation, qui remonte aussi loin que l'antiquité, était déjà largement répandue et érigée en système de liaison à part entière dans la fortification Séré de Rivières entre 1870 et 1914. Les communications optiques sont les seules possibles sur longue distance entre les forts et places fortifiées à une époque où le télégraphe morse peut être coupé en cas d'investissement de place, le téléphone est balbutiant et la radio reste à inventer.
Les forts Séré de Rivières disposaient pour la plupart d'un poste optique avec une ou plusieurs directions utilisant initialement une lampe à pétrole, puis un système d'héliostat - dispositif permettant de concentrer la lumière solaire tout en suivant suivre le déplacement du soleil. Plus tardivement vers la fin du 19° siècle, les héliostats furent remplacés dans les forts modernisés par des lampes à acétylène ou oxy-acétylène, et enfin à partir de 1898 par des lampes électriques alimentées par groupe électrogène du fort. L'optique pouvait être de taille importante (miroir-lentille allant jusqu'à 60 cm de diamètre) pour une portée pouvant atteindre plus de 100 km dans de bonnes conditions météo (60-70 km en pratique).
A l'apogée du système l'ensemble des places pouvaient communiquer entre elles par ce moyen de Dunkerque à Nice et Toulon, au moyen éventuel de postes intermédiaires permettant d'assurer des liaisons longue distance à partir de points hauts. Certains de ces postes optiques isolés sont encore visibles de nos jours en haut de sommets. Ce moyen avait cependant le défaut d'être lent et dépendant des conditions extérieures.
Les communications optiques sont à nouveau envisagées pour la fortification future après la guerre de 1914-18. Cependant la montée en puissance du téléphone et des moyens radio et le caractère parfois aléatoire de la communication optique font que celle-ci est abandonnée pour le Nord-Est, probablement assez tôt vers 1927 dés les premières réunions de la CORF.
Le concept est cependant maintenu dans le Sud-Est du fait des conditions plus favorables et prédictibles de ce mode de communication en zone montagneuse. L'EM le limite toutefois à un rôle de doublure du réseau téléphonique et à des liaisons de très courte distance entre ouvrages mitoyens, à l'exclusion de toute connexion longue distance. Cette utilisation à courte portée permettait au passage l'utilisation d'appareils lumineux de petite taille.
L'émission et la réception des signaux morse se faisaient au travers d'un créneau spécifique ou à partir d'un créneau de cloche GFM. Le créneau spécifique est le mode préféré pour ne pas surcharger encore l'utilisation des cloches GFM, mais ce second mode était utilisable lorsque le créneau optique ne pouvait être implanté, ou aurait trop affaibli une paroi critique de bloc. On trouve un exemple de ce dispositif mixte entre le St GOBAIN (créneau) et le St ANTOINE (cloche) dans le SF de SAVOIE. Le cas à privilégier était malgré cela le lien aller-retour au travers de deux créneaux optiques coaxiaux.
Le matériel optique envisagé au départ est de grande taille : on envisage des appareils de 24, ce qui n'est pas nécessaire pour les distances en jeu. La DMTM spécifie l'usage de l'appareil portable de signalisation optique de 10 Mle 1908 (24 kg), posé dans une niche en bout de créneau. Cet appareil de campagne est très simple d'usage et, bien que prévu au départ pour fonctionner au pétrole ou à l'acétylène, peut être alimenté électriquement par le 110 V de l'ouvrage moyennant insertion d'un transformateur abaisseur et une ampoule électrique (2).
Il s'avère cependant lourd et relativement malcommode pour des angles de site importants. Il est donc remplacé ultérieurement par un appareillage plus moderne, plus léger (12 kg) et électrique aussi, développé en même temps que la fortification: l'appareil de 10 Mle 1928 ou 1929, ce dernier ne se différentiant du précédent que par des détails. Ces appareils utilisent une magnéto à manivelle ou peuvent être éventuellement reliés au réseau via le même type de transformateur que celui utilisé pour le modèle 1908. Parallèlement, le développement d'un appareil spécifique de forteresse est lancé.
Les retards et ajournements budgétaires successifs font qu'en 1935 la fin du développement de cet appareil est ajourné et qu'aucun des créneaux optiques prévus n'est équipé d'appareil de signalisation Mle 1928/29. La CORF, lors de son travail de clôture de mission avant dissolution en Octobre 1935, relève ce manque mis en évidence lors des inspections de l'été. Elle demande à la STG de développer un support spécifique pour le créneau et aux Directions de Génie de reprendre le suivi de cette question après sa dissolution (3).
Un appareil de signalisation spécifique pour créneau de cloches GFM était en développement en 1932 et fait l'objet d'un projet de notice technique par la STG en Février 1933. Sa livraison effective reste à confirmer, mais une note du Gal FROSSARD (ITTF) préconise l'utilisation d'un tel système dans les éventuels créneaux d'observation du Sud-Est, dérivés du créneau FM, moyennant le développement d'une fourche d'adaptation. Il est d'ailleurs possible qu'au moins l'un des créneaux d'observation du bloc 2 du JANUS, ou celui du B5 de ROCHE la CROIX aient été convertis de cette manière en créneau de communication optique. En tous cas un ensemble de notes de fin 1937 dans le cadre du développement des lunettes de casemates d'infanterie le laisserait penser (4).
Avec l'amélioration des communications conventionnelles par radio à partir de fin 1933 et le déploiement du réseau OTCF dans le Sud-Est, un certain nombre de ces créneaux optiques furent neutralisés, certains pour permettre le passage d'une antenne OTCF (cas au SAPEY par exemple).
On connaît aussi l'exemple d'au moins un cas de neutralisation complète de dispositif optique, à l'observatoire Est du MONT-AGEL, à la demande du général HUBERT (5), chef du secrétariat de la CORF, pour permettre le comblement des deux saignées dans le rocher du sommet nécessitées pour permettre le lien optique avec l'observatoire du MONT-GROS et l'ouvrage de ROQUEBRUNE. Ces deux tranchées permettaient un repérage aérien trop facile de l'observatoire. Elles furent donc comblées au profit de liaisons OTCF.
Les témoignages d'utilisation effective de ce mode de communication en 1939-40 sont très rares.