Le secteur fortifié de la Crusnes (SFCR) couvre la partie la plus à l'Ouest de la Région Fortifiée de Metz (RFM). Ce secteur, bien que faisant partie de la première vague de construction CORF, n'a été construit qu'en 2ème temps, comme prolongation du tronçon Rochonvillers-Anzeling. Il s'étend d'une ligne Allondrelle-Noërs (inclus)-Mangiennes côté Ouest à une ligne Ottange-Rochonvillers-Neufchef côté Est. Il est bordé à gauche par le SF de Montmédy , et à droite par le SF de Thionville .
Bien que faisant partie intégrante de la région fortifiée CORF la plus puissante de la ligne Maginot, la RFM, le caractère tardif de la construction du SFCR, dans un contexte déjà entaché de coupures budgétaires, a largement entamé ce qui était prévu au départ comme pour son symétrique de l'autre côté de la RFM, à savoir le SF de Faulquemont.
D'un point de vue géographique, le SF est établi côté Ouest en arrière de la vallée de la Chiers, alors que la partie Est (droite) est elle située sur le plateau de Villers-la-Montagne - Aumetz, sans grands obstacles naturels et donc favorable à une tentative de percée. La partie gauche couvre la frontière avec la Belgique, alors que la partie droite est située en face du Luxembourg.
Le SFCR est composé, pour ce qui est des travaux CORF (1932-35), de :
- 3 gros ouvrages (FERMONT, LATIREMONT et BREHAIN)
- 4 petits ouvrages (FERME CHAPPY, MAUVAIS BOIS, BOIS du FOUR, et AUMETZ)
- 36 casemates (C1-PUXIEUX à C35-GROS BOIS plus OUEST de BREHAIN)
- 5 observatoires détachés (PUXIEUX, HAUT de l'ANGUILLE, HAUT de la VIGNE, FERME de BOIS du FOUR, RESERVOIR)
- 1 abri (GROS BOIS)
A ceci se rajoutent les organisations logistiques de première urgence (routes, système téléphonique, etc).
Viennent ensuite, construits avant 1940, 47 blocs de type RFM-1935 (19 unités) ou 1936 (28 unités) - codés de Db1 à Db48 - placés entre les organisations CORF. Hors ces gros blocs basés sur des plan-types, on trouve :
- 49 emplacements pour tourelles démontables Mle 1935 - 37 (Dt1 à Dt39 et Dtxxx dans les centaines)
- 7 cuves pour canon de 65mm en position antichar, codés Dc1 à Dc6 + Dc1bis
- 9 boucliers pour canon antichar (Dbo1 à Dbo9)
- 11 observatoires de campagne (Do1 à Do11), dont certains sont construit à la place d'observatoires CORF ajournés en 2ème cycle. Sur ces 11 blocs, 2 ont des cloches Digoin,6 sont composés de carcasses de chars FT17 et 3 ont des guérites.
- une quinzaine d'abris-PC.
Les casernements des troupes de forteresse sont bâtis durant cette période, comme les dépôts et autres éléments logistiques.
Comme ailleurs, la période de la drôle de guerre (Septembre 1939-Mai 1940) verra la multiplication de petits blocs MOM légers placés de façon plus ou moins anarchique dans les intervalles.
Enfin, 5 à 10 kilomètres en arrière de la LPR on trouve des blockhaus de la ligne CEZF. Basée sur de gros blockhaus de type STG Mle 1939 simples ou doubles, cette ligne est à peine entamée lors des hostilités. Quelques blocs sont coulés, mais aucun n'est équipé de ses cuirassements (cloches, type C et trémies).
Début 1940, le Gal CONDE - commandant de la 3° Armée - ordonne la construction d'une ligne en avant de Longwy, en protection de la ville. Cette position, nommée PAL (Position Avancée de Longwy) devait comporter une vingtaine de blocs aux positions prévues par la version "longue" du tracé de la CDF. Seuls 7 blocs seront coulés.
A la mobilisation, le SFCR est commandé par le Col DURAND jusqu'au 15 Septembre 1939. Le Col MISEREY prend sa suite jusqu'à la disparition du SFCR et sa transformation en 42° Corps d'Armée de Forteresse (CAF). Le Gal Désiré Louis SIVOT prend alors le commandement de ce 42° CAF (ex-SFCR) à partir du 18 Mars 1940, suite à la dissolution de la RFM dont il était le commandant. A partir du 27 Mai 1940, le Gal Gaston RENONDEAU lui succède.
- Chef d'Etat-Major : Chef de Bataillon COLLIN jusqu'au 16 Mars 1940, puis Lt-Col ROEDERER (ou ROEDER selon les sources).
- Commandant de l'Infanterie : Col MISEREY (16 Mars 1940- 3 Avril 1940) puis Col de FLEURIAU (3 Avril 1940 - 23 Juin 1940)
- Commandant de l'Artillerie : Gal de brigade Maurice HANLY (16 Mars 1940 - 23 Juin 1940)
- Commandant du Génie : Col THOUENON (16 Mars 1940 - 23 Juin 1940)
Le SFCR puis le 42° CAF est composé de 4 puis 3 sous-secteurs après l'affectation du Sous-secteur de Marville au SF de Montmédy le 17 Décembre 1939. On trouve d'Ouest en Est les unités suivantes:
- Sous-secteur d'ARRANCY : 149° RIF (Régiment d'Infanterie de Forteresse - Lt-Col BEAUPUIS) à 3 bataillons
- Sous-secteur de MORFONTAINE : 139° RIF (Lt-Col RITTER) à 3 bataillons
- Sous-secteur d'AUMETZ : 128° RIF (Lt-Col ROULIN) à 3 bataillons
Côté Artillerie, on trouve :
- Le I/ 152° RAP (Régiment d'Artillerie de Position - CE SCHONER) : deux batteries de 155 mm L Mle 1877 de Bange et deux batteries de 155 mm C Mle 1917 Schneider
- Les 21°, 22°, et 23° batteries d'ouvrage du 152° RAP, armant les gros ouvrages du secteur.
- Le 46° RAMF (Régiment d'Artillerie Mobile de Forteresse - Col MERLE) : 2 groupes de 3 batteries de 75mm Mle 1897/1933 TTT (Tout-Terrain Tracté) et un groupe de 3 batteries de 155mm C Mle 1917.
- Le 42° Parc d'artillerie de CAF et quelques unités diverses.
Enfin, les unités de soutien sont les suivantes :
Génie : 142° Bataillon du Génie de Forteresse
- 142/1 et 142/2 compagnies de sapeurs mineurs
- 142/81, 142/82 et 142/83 compagnies (respectivement télégraphie, radio et colombophile)
- 142° Compagnie d'ouvrages
- 3° CADM Compagnie Auxiliaire de Destructions Minières
- Train : 342/6 compagnie auto
- Intendance : 442/6 groupe d'exploitation divisionnaire
- Santé : 442° Groupe Sanitaire
Le PC de secteur est localisé à Briey.
Comme ailleurs, les unités de renforcement ont varié en fonction des mouvements de troupes et réorganisations de front. Au 10 Mai 1940, la couverture de renforcement était sous la responsabilité du 24° CA de la 3° Armée pour le sous-secteur d'ARRANCY, et par les grandes unités associées au 42° CAF pour les deux autres sous-secteurs. D'ouest en est, on trouve donc :
Sous-secteur d'Arrancy : La 51° DI (Gal de brigade Paul Wilhem BOELL), et le I/143° RALH, appartenant au 24° CA. Cette division est arrivée du SF de l'Escaut en décembre 1939 lors de l'insertion du BEF et occupe ce sous-secteur depuis.
Sous-secteur de Morfontaine : la 58° DI (Gal Henri Gilbert PERRAUD) et le II/143° RALH, appartenant au 42° CAF
Sous-secteur d'Aumetz : 20° DI (Gal de brigade René Jean CORBE) qui vient juste de relever la 36° DI, placée en réserve du GQG en arrière de la 2° Armée.
Ces unités de renforcement ne laissent qu'une partie de leur éléments en position sur la LPR. Le reste est soit au repos/entrainement à l'arrière, soit en position avancée, en particulier dans la PAL.
Le tracé de la Région Fortifiée de Metz (RFM) est discuté au sein de la CDF dés 1926. Dans son rapport final du 6 Novembre 1926, ce tracé dans la partie Ouest de la RFM prévoit de pousser la ligne continue de fortification puissante jusqu'au moins Longuyon, de manière à couvrir correctement le bassin industriel de Briey. Consciente de l'importance pour le pays des installations industrielles de Longwy, ce premier tracé privilégie une option "Nord", au plus près de la frontière et en avant de la ville de Longwy et de ses aciéries. Cependant PETAIN lui-même, après être allé sur le terrain pour juger des propositions de la CDF, récuse mi-1927 ce tracé côté Crusnes pour les raisons suivantes :
- Trop près de la frontière
- Trop proche des installations industrielles et de la ville pour en assurer une protection réelle de l'artillerie adverse
- Continuité de feu perturbée par de nombreux vallons créant des angles et zones mortes.
Son opinion est qu'en cas de conflit, les forces françaises doivent se porter au Luxembourg pour créer une zone tampon de protection, éventuellement derrière une fortification légère construite à ce moment là. La zone fortifiée ne serait alors plus qu'une seconde position, à bâtir en arrière. Sur la base de cette opinion, il demande à la Commission de réviser ce tracé et de l'implanter sur le plateau en arrière de la Chiers et de Longwy (tracé "Sud"), ce qui résulte dans un second projet présenté et accepté en Août 1927. Le débat en reste là, car en Décembre 1927, le ministre PAINLEVE ordonne le placement en 2° Cycle de tout ce qui se trouve à l'Ouest de ROCHONVILLERS. Cette décision est actée et confirmée dans le 2° rapport de la CDF en Mars 1928: la RFM s'étendra de la Nied à une ligne Rochonvillers-Angevillers.
La loi de finance du 14 Janvier 1930 (dite loi MAGINOT du nom du nouveau ministre de la guerre à peine nommé) débloque les fonds pour la construction de la RFM. Mais dans l'intervalle, la pression politique et industrielle est telle que la CORF (Gal BELHAGUE) se repose dés fin 1929 la question de l'extension de la partie Ouest de cette RFM, et remet sur le tapis le tracé "Nord" qui est proposé le 24 Juin 1930 dans une logique de protection par l'artillerie de forteresse des industries luxembourgeoises. Assez rapidement le Gal GUILLAUMAT finit par conclure que ce tracé Nord crée un saillant complexe en avant de Longwy et propose la variante passant au Sud de la ville par le bois de Latiremont, approuvée finalement par le Mal PETAIN en Aout.
Le premier projet du 8 Août 1930, amélioré le 22 Août prévoit 5 ensembles (RAFOUR, FERMONT, LATIREMONT, BOIS du FOUR et Crusnes (BREHAIN), 2 PO (MAUVAIS BOIS et AUMETZ) et une petite vingtaine de casemates, 23 abris dont 2 en 1° cycle et 15 observatoires dont 10 en 1° cycle. La réalité budgétaire rattrape ce grand projet qui coute 700 MF pour 400 MF alloués. La CORF propose alors la mise en 2° cycle de l'ouvrage du RAFOUR, des blocs d'action frontale des 4 ensembles restants, des fossés, des entrées et blocs d'artillerie des PO et l'ajournement de plusieurs casemates, d'un abri et de 5 des 10 observatoires. A contrario, la casemate double de FERME CHAPPY est transformée en PO à deux blocs, compensant ainsi l'affaiblissement de l'extrémité Ouest du SF. Ce projet est approuvé et mis en execution dés le 30 Septembre (DM n°1940 3/11-1).
Dés 1931 l'inflation des prix, à budget constant, impose de nouveaux reports en 2° cycle. Le plus important est l'élimination de l'ensemble des blocs du BOIS du FOUR, hormis le bloc d'infanterie avant. Par ailleurs, des économies sont faites sur les dessous des ouvrages restants. Bis repetita en 1932, avec le report en 2° cycle des casemates de la CHAUDRONNERIE et de FOND d'HAVANGE. Cette dernière sera cependant construite. Est reporté aussi en 2° cycle l'ensemble des voies de 0,60m d'approvisionnement des ouvrages du SF, qui cependant conservent leurs entrées type A pour voie ferrée.
Le Secteur Fortifié de la Crusnes est créé en 1934, peu de temps avant que les ouvrages ne soient transférés aux unités de fortification. L'ensemble de la RFM est couvert par le 168° RI recréé pour l'occasion, régiment d'infanterie qui se convertit progressivement en régiment de forteresse à 6 bataillons. Le 25 Aout 1935, le 168° RI est dédoublé, entrainant la création du 168° RIF à 3 bataillons, nommé régiment de la Moselle, à l'Est de la RFM et du 149° RIF à 3 bataillons, nommé régiment de la Crusnes, à l'Ouest.
Les travaux avancent ainsi sur les crédits gérés par la CORF jusqu'à fin 1935, date de réception des travaux et transfert aux militaires. En 1935-36, les changements géopolitiques majeurs (retour de la Sarre à l'Allemagne, neutralité Belge, ...) relancent la construction de fortification, mais sur une base différente. Pour limiter les coûts, l'armée construit elle-même par le biais de la Main d'Oeuvre Militaire (MOM) des constructions allégées basées sur des plans type régionaux. Sur la RFM, le Génie crée plusieurs versions successives de blockhaus qui seront codés par leur année de conception : RFM-35, RFM-36, RFM-37. Ces blocs sont coulés pour combler et renforcer les intervalles de la LPR bâtie par la CORF. Durant la même période sont établis quelques observatoires MOM additionnels, ainsi que les infrastructures militaires classiques : camps de sureté (4 construits et un - caserne Lamy - repris), casernements légers (12 construits), routes stratégiques, réseau téléphonique, alimentation électrique par l'arrière (poste protégé de XIVRY-CIRCOURT),etc...
Le 20 Mai 1938 le Gal GIRAUD, commandant de la RFM, ordonne le déplacement de la limite ouest du SFCR de quelques centaines de mètres vers l'ouest pour englober la zone de Noërs considérant que celle-ci est tactiquement dépendante de Longuyon. Ceci se traduit par le transfert des blocs Mb1 à Mb7 (sauf Mb6) et de 3 tourelles démontables (Mt1 à Mt3) qui deviennent respectivement Db43 à Db48 et Dt37 à Dt39. Un observatoire MOM change aussi de statut: Mo1 devient Do11.
Au moment de la mobilisation, le SF de la Crusnes, subordonné jusqu'alors à la 6° Région Militaire, passe sous contrôle de la 3° Armée qui se positionne de Longuyon à Faulquemont. Il comporte 4 sous-secteurs, tenus par les RIF issus des bataillons du 149° RIF du temps de paix. A l'occasion de l'offensive avortée de la Sarre (7 Sept. - 17 Oct. 1939), la 3° Armée ripe sur sa droite, et le SFCR passe temporairement sous contrôle de la 2° Armée.
La période de "Drôle de guerre" voit l'accélération des constructions. Les unités de forteresse et d'intervalle coulent des dizaines de blocs, dont de nombreux resteront inachevés. Ces constructions, de plan type encore simplifié par rapport aux blocs RFM, se multiplient entre les éléments déjà construits de la LPR, mais aussi sur une seconde ligne située au niveau des villages et camps, 1 kilomètre en arrière de la LPR de manière à donner de la profondeur à la ligne. Une dernière ligne de défense est établie au niveau du val de Crusnes et de Nanhol, à base de simples boucliers pour canons antichar ou de cuves pour canons de 65mm de marine. Les dernières constructions entreprises fin 1939 et au printemps 1940 le sont sous l'égide de la CEZF (Commission d'Etude de Zones Fortifiées). Elle est chargée par l'EM d'établir une nouvelle ligne de défense 10 à 20 kilomètres en arrière de la LPR, en s'articulant sur une ligne de gros blockhaus STG avec cuirassements, de conception assez soignée. Sur la vingtaine de blocs prévus, seuls 4 sont coulés et quelques autres entamés. La 3° Armée entame aussi la construction de quelques blockhaus sur l'ancien "tracé Nord" initialement envisagé, notamment autour de Longwy (7 blocs).
Le 17 Décembre 1939, le sous-secteur de Marville, tenu par le 132° RIF, est transféré au SF de Montmédy (2° Armée) à l'occasion de la réorganisation du front nécessitée par l'insertion des 7° Armée et du BEF dans le Nord.
Le 18 Mars 1940 la RF de Metz est dissoute, et son EM est réemployé pour créer le 42° Corps d'Armée de Forteresse (CAF), qui couvre le SFCR et une partie des unités de renforcement (20° et 58° DI).
10 Mai 1940 : la 16° Armee allemande rentre à 4h30 au Luxembourg et en Belgique. Les unités mobiles de la 3° Armée avancent à leur tour au Luxembourg (3° DLC et 1° Brigade de Spahis).
Dissolution SF Crusnes ?
3 messages, le dernier est de molvange le 31/05/2019