Le secteur défensif puis fortifié d'Altkirch (SFAL) couvre un front d'environ 40 kilomètres le long du Rhin et de la frontière Suisse, entre Kembs (exclus) et Winkel à l'Ouest du Glaserberg. Il est encadré au Nord par le SF du Mulhouse , et au sud-ouest par le SD de Montbéliard .
Le profil géographique du secteur est varié. D'Est en Ouest, on trouve la plaine du Rhin avec l'extrémité Sud de la forêt de la Hardt (ou Harth en 1939), la "falaise" marquant le début du Sundgau - extrémité alsacienne du Jura - et une suite de collines montant progressivement vers le massif du Glaserberg, d'une altitude de presque 800 m. La frontière clairement marquée par le cours du Rhin sur la gauche du SF laisse place à une limite relativement virtuelle avec la Suisse, sans barrière naturelle claire.
La mission du secteur consiste essentiellement à interdire la remontée vers Belfort d'une force qui aurait violé la neutralité Suisse ou franchi le Rhin dans la limite des 3 lieues (12 km) non fortifiées devant Bâle prescrite par le traité de Paris de Novembre 1815.
Bien que prévues dans les plans initiaux, aucune construction CORF n'a été réalisée dans ce secteur. Cependant, à partir de 1936 la MOM a entamé la construction de fortifications plus légères pour palier l'absence de ces constructions CORF.
Le cœur du travail de fortification réside dans l'importante ligne de gros blockhaus et casemates d'artillerie STG Mle 1937 sur la bretelle Sierentz-Brochritty qui chemine vers le Glaserberg selon un arc situé précisément à 12 kilomètres de Bâle. Celle-ci est composée de :
- 32 blockhaus d'infanterie, simples ou doubles, pour canon antichar et mitrailleuses.
- 7 casemates d'artillerie pour canons de 75mm en flanquement.
Hors cette ligne continue de blocs massifs, proches en conception des casemates CORF, la MOM multiplie aussi les coupoles type 7° Région Militaire et autres blockhaus entre ces constructions STG. Cette ligne STG est prolongée de 8 kilomètres sur le Glaserberg par une trentaine de blocs et abris tardifs, largement inachevés.
A partir de 1939, apparaissent 17 blocs de type Garchery sur la berge du Rhin et sur le premier tronçon - construit avant guerre - du canal d'Alsace (G66 à G83), ainsi que deux lignes successives (dites "ligne d'arrêt" et "ligne de la falaise") à deux puis 5 kilomètres en arrière des blockhaus de berge.
Plusieurs organisations complémentaires viennent renforcer l'ensemble:
- une bretelle de blocs au plus prés de la frontière Suisse, entre Huningue et Hégenheim.
- Quatre batteries d'artillerie lourde préparées dans la forêt entre Muespach et Bettlach.
- Plusieurs épis ALVF dans la haute vallée de l'Ill, à Carspach, Waldighoffen et Steinsoultz. Leurs cibles prioritaires sont les nœuds de communication et les villes allemandes du haut pays de Bade, ainsi que la nouvelle forteresse d'Istein en construction.
- une amorce de bretelle de protection du canal du Rhône au Rhin entre Dannemarie et le territoire de Belfort, de nature similaire aux défenses d'écluses qu'on peut voir sur les SF de Colmar ou de Mulhouse.
- et l'habituelle infrastructure complète : casernements, routes stratégiques, réseau téléphonique,...
En complément, il faut signaler la présence de nombreuses fortifications allemandes construites pendant la période d'annexion (1870-1918) le long de l'ancienne frontière avec la France (limite Haut-Rhin - Territoire de Belfort). Cette "Grenze Stellung", orientée dans le mauvais sens par rapport aux nouvelles données géopolitiques, n'a probablement pas été réutilisée dans le cadre de la ligne Maginot. Il existe aussi des blockhaus français, notamment le long du cours de la Largue, construits vers la fin de la 1ère guerre mondiale et qui sont eux orientés dans le "bon sens".
En temps de paix, le SF est rattaché à la Région Fortifiée de Belfort, et est commandé par le Colonel adjoint au Général gouverneur de Belfort. Il n'a pas de devise ni d'insigne officiels.
Le secteur a connu une organisation relativement stable durant la période allant de Septembre 1939 au 23 Mai 1940. Dés la mobilisation, il est constitué de deux sous-secteurs attribués au 171° RIF de temps de guerre et au 12° RIF, issu du 171° RIF de temps de paix. Ces régiments sont de type forteresse N-E à deux et trois bataillons respectivement.
- Commandement du secteur : Colonel GARD jusqu'au 29 Octobre 1939, puis le Gal Henri-Aimé BOUTIGNON jusqu'au 30 Novembre 1939, puis le Gal GIROL en interim, et enfin le Gal Joseph-Etienne SALVAN du 17 Janvier au 25 Juin 1940.
- Chef d'Etat-Major : Cne LAMBELIN, puis Lt-Col PERRIN Ã partir d'Avril 1940.
- Commandant de l'Artillerie : CE DESHAIES.
- Commandant du Génie : Cne CHEOUX-DAMAS
Le secteur est composé de deux sous-secteurs. Cette structure est identique, à des détails prés, au 3 Septembre 1939 et au 10 Mai 1940.
171° RIF - Sous-Secteur de FRANKEN (ou ALTKIRCH pendant un cours laps de temps)
- Commandement : Lt-Col Marcel CALLAUDAUX puis au 30 Aout 1939, Lt-Col Henri DEMANGE. Le PC régimentaire est à FRANKEN.
- Quartier Magstatt
- Quartier Berentzwiller
- Quartier Neuehaeuser (du nom du hameau qui surplombe Muespach au nord).
Limite Nord : Loechlé-Sierentz-Geispitzen(excl)-Steinbrunn le Ht
Limite Sud-Ouest : cours de l'Ill jusqu'au saillant frontalier de Rodersdorf.
Le 171° RIF comprend aussi un bataillon d'instruction, le XXI/171° RIF, qui est placé en avant de la LPR le long du Rhin.
12° RIF - Sous-Secteur de l'ILL (ou DURMENACH selon les sources)
- Commandement : Lt-Col FRANÇON. Le PC régimentaire est à DURMENACH .
- Quartier Fislis
- Quartier Sondersdorf
- Quartier Ligsdorf (I/76° RRP).
Limite Nord-Est identique à la limite S-O du sous-secteur de FRANKEN.
Limite Sud-Ouest : ligne Pfetterhouse-Grandvillars (excl).
Le 12° RIF est renforcé d'éléments du 76° Régiment Régional de Protection (RRP) et d'effectifs de la 6° Légion GRM le long de la frontière Suisse.
En avant des deux sous-secteurs décrits ci-dessus, le secteur gère deux positions avancées spécifiques à sa géographie particulière :
La Position du Rhin Amont (anciennement Position avancée du Rhin ou Groupement de Sureté Rapprochée de Hésingue).
Cette position comprend toutes les fortifications construites en trois lignes successives entre le Rhin et la position de la Falaise (Sierentz-Hegenheim). Elle est tenue par des éléments de troupes de renforcement du SD/SF et par les XXI/171° RIF, ainsi que le 61° BCP détaché du SD de Montbéliard.
Le Groupement de Sureté Rapprochée de Hagenthal-Leymen
Cette position située dans un saillant de la frontière Suisse est tenu par des troupes GRM, le I/76° RRP, puis par le 9° GRCA de Corps d'Armée et un GRDI de division de renforcement.
Ces positions avancées finissent par être entièrement sous le contrôle des divisions de renforcement.
L'artillerie organique du secteur est composée des III et IV groupes du 159° RAP placé sous le commandement du CE DESHAIES.
- Le III/159° RAP, formé des 4° et 5° batteries administratives, couvre le sous-secteur de Franken. Il est équipé de 3 sections de deux 75mm Mle 1897/33 équipant les casemates d'artillerie STG de Sierentz, 2 batteries de quatre 75mm Mle 1897 de campagne, une batterie de quatre 155mm C St Chamond et enfin une batterie de quatre 155mm L Mle 1877.
- Le IV/159° RAP, formé des 6° et 21° batteries administrative, couvre lui la partie Ouest du sous-secteur de Franken et le sous-secteur de l'ILL. Il est équipé de 4 sections de deux 75mm Mle 1897/33 équipant les casemates d'artillerie STG de Bettlach à Raedersdorf et de deux batteries de quatre 155mm L Mle 1877.
- Génie : 205/1 Cie de Génie
- Train : 239/7 Détachement auto lors de la transformation en SF.
Le Secteur Défensif d'Altkirch dépend initialement sous tous aspects de la RF de Belfort, puis tactiquement du 13° CA à partir du début de changement de responsabilité de la RF en un rôle plus administratif et technique. Au moment de la réorganisation de Mars 1940 et de la dissolution finale de la RF de Belfort, il est transformé en Secteur Fortifié, et rattaché au 44° CAF (dont l'état-major est d'ailleurs issu de celui de la RF de Belfort).
L'ensemble de ces structures de rattachement dépendent de la 8° Armée.
Les unités de renforcement sont donc issues successivement de ces différentes structures. Une grande unité aura cependant un rôle prépondérant et quasiment permanent, la 67° DI, qui prendra même durant quelques mois (début Novembre 1939- mi-Mars 1940) le contrôle des deux RIF constitutifs du secteur. Manifestation organisationnelle du lien fort entre la 67° DI et le SD d'Altkirch, c'est le Gal BOUTIGNON, commandant du SD, qui devient commandant de la 67° DI lors de l'arrivée de celle-ci en Alsace courant octobre 1939.
La 67° DI , avec PC à Altkirch, est composée des :
- 211°, 220° et 214° RI. Les deux premiers sont positionnés dans le SD et le troisième affecté à la défense de Belfort.
- Cavalerie : 52° GRDI
- Artillerie : 57° RAMD.
Elle occupe la position avancée du Rhin, et est en appui des deux sous-secteurs jusqu'en Mars 1940. A la création du SF d'Altkirch, elle passe intégralement en position avancée sur les trois lignes de défense entre le Rhin et la Suisse, jusqu'à fin Mai 1940.
Une autre division de renforcement a eu un rôle actif sur le SD/SF, il s'agit de la 13° DI du Gal DESMAZES, avec PC à Hirsingue, qui occupera l'arrière du SF (Carspach-Mulhouse) et la position de la Falaise. Première sur site en Septembre 1939 car mobilisée non loin de là en 7° Région Militaire, la 13° DI quitte le secteur pour la Somme le 20 Mai 1940.
Citons enfin la 31° DI, qui stationne dans le secteur à l'Ouest de Ferette jusqu'à son départ pour la Lorraine en Février 1940.
La question de la fortification de la trouée de Belfort est envisagée dés les travaux de la Commission de Défense du Territoire (1922-23). Sans surprise compte tenu du passé historique, la Haute-Alsace est identifiée comme l'une des 4 grandes voies possibles d'invasion à protéger. Dans son rapport final en 1923, la CDT préconise donc la création là d'une "Région Fortifiée de Belfort", à l'instar des deux autres RF envisagées : Metz et la Lauter.
La Commission de Défense des Frontières (CDF) reprend très exactement ce concept en 1926 et son rapport final de Novembre 1926 prévoit, en 3e priorité derrière Metz et la Lauter, une première position à 25 kilomètre à l'Est de Belfort avec des ouvrages au Nord du canal du Rhône au Rhin et au Sud deux ouvrages séparés de "fortins". Une deuxième ligne, à 12 kilomètres de Belfort, est à construire à la mobilisation. A ceci se rajoute la transformation en forts de barrage des forts Séré de Rivières de Giromagny, Mt Bart et Lachaux. Le cours du Rhin n'est plus défendu à moins de 12 kilomètres de Bâle en respect du Traité de Paris de 1815. Dans le débat animé qui s'en suit entre la CDF, le Conseil Supérieur de la Guerre et le Mal Pétain, celui-ci vient visiter la future zone fortifiée, avec un séjour sur Belfort du 18 au 21 Juillet 1927. A l'inverse d'autres endroits, la Région Fortifiée de Haute-Alsace n'appelle pas de commentaires majeurs de sa part.
La CORF commence fin 1927 les études de détail. Dés Mars 1928, il est entériné que la Région Fortifiée de Haute-Alsace est reportée en 2° Urgence, donc après le 2e cycle de la première urgence, ce qui revient à la reporter aux calendes... Ce report aux calendes est aggravé ensuite par les difficultés financières rencontrées lors de la réalisation des deux premiers cycles.
La question de la RF de Haute-Alsace se repose lors de la conception des nouveaux fronts en 1934. Un nouveau projet de fortifications CORF est considéré, relativement ambitieux avec quatre gros ouvrages à Stetten, Trois-Maisons, Ranspach-le-Haut, et Glaserberg et quatre PO (Uffheim, Helfrantzkirch, Bettlach, Oltingue) et 68 casemates. Il est à nouveau abandonné compte tenu de la moindre priorité de ce front et du coût encouru. L'évolution de la situation internationale, avec la déclaration de neutralité Belge et le retour de la Sarre à l'Allemagne amène cependant à se reposer la question des points faibles ou susceptibles de voir leur neutralité violée. La question du prolongement de la ligne jusqu'au Jura est donc envisagée en 1936, avec cette fois-ci décision formelle de construire une ligne de 32 blockhaus et 7 casemates d'artillerie STG le long d'un arc (dit "position circulaire") respectant les termes du traité de 1815 et reprenant presque exactement la ligne envisagée en 1934. C'est à cette même période 1936-37 que sont construites quatre grandes batteries d'artillerie lourde et huit batteries de 155mm préparées dans la forêt de l'Eichwald.
Enfin, dans le cadre du programme Pretelat complémentaire du 19 Décembre 1938, des fonds sont alloués pour prolonger cette ligne STG par la construction d'un môle défensif important sur le Glaserberg. Début 1939, ce sont des crédits qui sont alloués pour la construction de blocs Garchery sur la rive du Rhin jusqu'à Saint-Louis, premier coup de canif sérieux dans les termes du traité de Paris puisque amenant la fortification jusqu'aux portes de Bâle.
La mobilisation et la "drôle de guerre" vont entrainer la multiplication des lignes fortifiées MOM, surtout parallèlement au Rhin entre le cours du fleuve et la Falaise, ou le long de la frontière entre Saint-Louis et Hégenheim (Bretelle d'Hegenheim).
- 21 Aout - 2 Septembre 1939 : la mobilisation progressive des troupes de forteresse est effectuée sans anicroches. La 6° Cie de la 8° Légion GRM couvre avec les 4°, 5° et 6° compagnies du I/76° RRP (Régiment Régional de Protection) la Position du Rhin Amont - P.Rh.A. -, les points de passage frontaliers et avant-postes. Le secteur défensif, dont le PC est à cet instant à ALTKIRCH, reste partie de la Région Fortifiée de BELFORT, qui passe de son côté de la 7° Région Militaire à la 8° Armée.
- Septembre - Octobre 1939 : la 13° DI se place en renforcement du SF, étant la plus proche, entrainant le retrait progressif des troupes de gardes frontières et de protection. Trois régiments de Pionniers (408°, 418°, 428° RP) de Belfort participent à la construction accélérée de blockhaus d'intervalle en profondeur selon trois lignes successives (1) dans la P.Rh.A. et entre les casemates STG. La responsabilité des secteurs fortifiés est transférée au 13° CA de la 8° Armée.
- 29 Octobre 1939 : introduction de la 67° DI nouvellement arrivée dans le secteur. Cet événement entraine la réorganisation du SD d'Altkirch tel que connu jusque là . Le 171° RIF du SD d'Altkirch est tactiquement rattaché à la 67° DI qui prend aussi à sa charge la position de la Falaise alors que le 12° RIF reste rattaché au SD. Le reste de la P.Rh.A. repasse sous contrôle tactique de la RF de Belfort. Le PC du Secteur Défensif est transféré à Bisel.
- 20 au 27 Novembre 1939 : nouvelle réorganisation visant à simplifier le mikado créé par la précédente. On regroupe ainsi l'ensemble des défenses du sous-secteur de Franken et de la P.Rh.A. sous la 67° DI. La RF retrouve un rôle strictement technico-administratif.
- Début Janvier à 15 Mars 1940 : la RF de Belfort est progressivement transformée en 44° CAF indépendant pour libérer le 13° CA dans l'hypothèse du plan H (entrée en Suisse). Le PC du SD revient à Altkirch.
- 16 Mars 1940 : la RFB est dissoute effectivement et transformée en 44° CAF. Le Secteur d'Altkirch est reconstitué en tant qu'élément tactique cohérent et devient Secteur Fortifié à part entière. Les choses vont rester en l'état jusqu'au 23 Mai.
- 12-13 Avril 1940 : les troupes du SF repoussent dans la nuit une tentative de coup de main allemande sur l'ile de Kembs. A 1h50 du matin, un groupe d'une dizaine d'hommes traverse le Rhin et attaque un poste français à la pointe nord de l'ile de Kembs-Loechlé. Un sergent est tué, il y a plusieurs blessés. Les allemands font trois prisonniers. Le repli du groupe est perturbé par des sentinelles françaises mais il parvient cependant à regagner la rive allemande au prix d'un tué. Les prisonniers français sont libérés lors du repli.
Jean-Michel Jolas
Secteur d'Altkirch (Défensif puis Fortifié) et GU de renforcement
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