Le sujet de l'éclairage dans la fortification Maginot à fait l’objet de nombreux échanges et de deux instructions officielles.
Si pour l’éclairage normal les choses semblent avoir été cadrées rapidement, nombre de courriers et de rapports sur le sujet de l'éclairage de secours ont été produits jusqu'en janvier 1935, date à laquelle a été rédigée la première instruction officielle le concernant directement suivie d'un additif.
La concrétisation progressive de la construction des ouvrages et la mise en chantier des nouveaux fronts donnèrent lieu à nombre échanges et mises au point d'autant plus que les appareils d'éclairage à utiliser restaient à définir ou à valider.
Cette première instruction fut remplacée le 18 juin 1936 par une seconde instruction portant à la fois sur l’éclairage normal et sur l'éclairage de secours suivie elle aussi d'un additif daté d'avril 1937 concernant les locaux du service de santé des ouvrage.
La lecture de ces échanges et instructions laisse apparaitre un principe qui scinde la problématique de l'éclairage en deux parties distinctes concernant l'une l'éclairage normal et l'autre l'éclairage de secours.
Entre les deux instructions, des modifications et améliorations mineures seront apportées au principe et seule la définition des lampes à utiliser sera adaptée en fonction des besoins réels et de la disponibilité des lampes.
On verra ainsi disparaitre la lampe portable à magnéto qui fut abandonnée après des essais ainsi que la lampe de sureté à huile qui faisait partie de la dotation réglementaire de l'artillerie et dont la mise en place initialement envisagée est finalement prescrite uniquement dans un cas bien particulier.
Il est difficile de chiffrer précisément les dépenses consacrées à l'éclairage normal ou à l'éclairage de secours dans la fortification Maginot mais une indication peut toutefois être donnée sur les couts de l’éclairage de secours tels qu'il était envisagé en 1935, soit avant l'entrée en application de l'instruction définitive réglant ce domaine et sans tenir compte des ouvrages nouveau front
Un courrier de la direction du Génie daté de juin 1935 du fait état d'un budget à prévoir de 485 000 francs pour les lanternes murales à pétrole et à bougies ainsi que d'un budget de 346 930 francs pour les lampes à magnéto de poche et de garde pour les régions fortifiées de Metz et de la Lauter ainsi que les secteurs fortifiés de Savoie, du Dauphiné et des Alpes Maritimes, soit un total de 831 930 francs valeur 1935, soit 74 491 786 euros valeur 2023.
En janvier de l'année suivante, un courrier de l'Inspection Générale du Génie et des Fortifications (IGGF) fait état des besoins en lampes d'éclairage de secours portatives suivants :
Anciens fronts
8 579 (+ 956 ?) lampes de poche à magnéto
347 lampes de garde à magnéto
870 lampes LDM
208 lampes de sureté à huile
Nouveaux fronts:
1 068 lampes de poche à magnéto
(372 pour le nord, 401 pour le SF Montmédy, 295 pour le SF Rohrbach)
34 lampes de garde à magnéto
(15 pour le nord, 10 pour le SF Montmédy, 9 pour le SF Rohrbach)
49 lampes LDM
(10 pour le nord, 27 pour le SF Montmédy, 12 pour le SF Rohrbach)
11 postes de recharge LDM
(5 pour le nord, 3 pour le SF Montmédy, 3 pour le SF Rohrbach)
Ces chiffres sont établis sur la base de la première instruction et sont donnés à titre d'illustration, en particulier pour les lampes de garde à magnéto et les lampes de sureté à huile dont l'usage est abandonné ou remis en cause par la suite et dont on voit déja l'abandon pour la dotation des nouveaux fronts.
L'éclairage normal était assuré par des hublots ou des lampes suspendues. La tension utilisée par les réseaux d'éclairage était de 110V, correspondant à la tension l'usuelle pour cette application à cette époque.
Les puissances utilisées étaient bien plus faibles que celles courantes de nos jours, en exemple 15 watts dans les galeries, 25 ou 40 watts dans les locaux. Rares étaient les lampes plus puissantes bien que des ampoules de 100 W aient été trouvées dans des usines ou des locaux où un fort éclairage ait été nécessaire. Le standard était la lampe à baïonnette à incandescence (B22), certaines ampoules étaient marquées 'Guerre' afin d'éviter le vol.
Chaque bloc ou ensemble de locaux (usine, casernement, M1..) disposait de ses propres circuits d'éclairage et un réseau électrique dit de jalonnement couvrant tout l'ouvrage afin de permettre un éclairage minimal ne couvrant que des points principaux lorsque l'ouvrage était inoccupé.
Les appareils d'éclairage utilisés étaient soit des hublots posés en applique sur les parois, soit de lampes suspendues dotées d'un abat jour.
Les galeries et la plupart des locaux étaient éclairés par des hublots d'éclairage. Ces hublots étaient de forme oblongue, réalisés en fonte et doté d'un verre protégé par une grille.
Les lampes suspendues étaient utilisée dans les grands locaux et au croisement des galeries.
Elles sont de deux types, selon la nature des locaux . Lorsque la lampe est en hauteur, elle est constituée d'un simple verre vissé dans une embase en fonte, lorsque la lampe est accessible et exposée à des coups éventuels, elle est d'un type renforcé avec un grillage protégeant le verre.
Dans les casemates l'éclairage normal est assuré par des lampes de casemate Epervier et Gillet . cette disposition concerne aussi bien les casemates dépourvues de groupes électrogènes que celles qui en sont dotées puisque dans ces dernières, les groupes électrogènes ne tournent que pour assurer la ventilation ou le puisage de l'eau, c'est à dire quelques heures par semaine en temps de veille.
On citera pour mémoire uniquement la lampe de sureté à huile qui est celle adoptée par les services de l'artillerie. L'utilisation de cette lampe dont un usage très large est prévu par la première instruction en temps de guerre se retrouve réduit à sa portion congrue dans le seconde puisqu’il n'est alors plus question que de l'utiliser en temps de paix dans les ouvrages non reliés au secteur et dont l'usine électrique ne fonctionne pas.
Cela a été le cas dans le Sud-Est par exemple où les usines électriques des ouvrages ne tournaient en temps de paix que quelques heures par semaine.
Un cas particulier se posait pour l'éclairage des tables d'opérations du service de santé puisqu'il était exclu d'avoir à remplacer un dispositif d’éclairage normal par un dispositif d’éclairage de secours en cours d’intervention chirurgicale , tant pour des raisons d'asepsie que pour des raisons liées à l’intervention elle-même.
Il était prévu d’éclairer les tables d’opérations au moyen d'un scialytique doté de ses propres batteries d'accumulateur prenant automatiquement le relais en cas de coupure de courant 1
Les tourelles sont éclairées par des hublots blindés2 ou des lampes type marine, à priori selon les fabricants. Ces lampes sont fixées sur le bâti de la tourelle ou les murs du local et alimentées en 110V continus par le tableau électrique de la tourelle.
Les tourelles de mitrailleuse, de mortier et les cloches de mitrailleuses ou d'arme mixte sont éclairées par des hublots étanches blindés.
Les tourelles de 135 (et 75 ????) sont équipées de lampes étanches utilisées dans la marine. Ces lampes ont la forme d'une lampe baladeuse en laiton composée de deux parties, la première étant l'embase du luminaire, la seconde une grille de protection se vissant dans l'embase.
Il est possible qu'un verre ait complété l'ensemble, l'étanchéité étant alors assurée par un joint entre le verre et l'embase3.
La lampe est fixée au mur ou sur le bâti de la tourelle grâce à une pince à vis.
L'éclairage des cloches observatoire devait permettre l'observation sans pour autant éblouir les observateurs et les hublots utilisés sont d'un type particulier. Ils sont composé d'une demi coquille fermée par un couvercle doté d'un large verre opale blanc diffusant la lumière. Aucune protection du verre n'est prévue.
Ce même dispositif équipait les cloches GFM utilisées en tant que cloches conjuguées
L'éclairage de la cloche est alimenté par un variateur placé en partie basse de la cloche (voir photo ci-après).
Les périscopes sont dotés de leur propre système d'éclairage interne destiné à la lecture de leurs instruments et l'éclairage du réticule. Ces système sont détaillés sur les pages des periscopes .
Ils se connectent par le biais d'un cordon spécifique à une prise disposée dans la cloche et alimentée par un bloc d'alimentation spécifique. Cette alimentation délivre la tension de 4,5 volts nécessaire pour l'équipement optique et est compose d'une batterie au cadmium nickel , d'un transformateur et d'un redresseur.
Ce boitier alimenté par le réseau d'éclairage du bloc permet d'assurer la continuité de l'alimentation du périscope en cas de coupure du réseau électrique.
Cf supra - Ces hublots sont les mêmes que ceux utilisés pour les tourelles
L'éclairage des champs de tir des armes d'infanterie est assuré par le projecteur blindé Eve et Noizet qui est décrit sur cette page 1000159
Dans l'attente de leur déploiement, des projecteurs extérieurs provisoires avaient été mis en place, certains l'étant encore en juin 1940
Des projecteurs étaient prévus pour permettre la communication optique entre différents correspondants. Un projecteur a été utilisé pour des créneaux optiques et un projecteur destiné aux cloches GFM permettant la communication optiques était projeté. Ce projecteur est décrit sur cette page
Afin de pouvoir réaliser un éclairage de circonstance ou d'illuminer un endroit de manière temporaire, il était fait usage lampes baladeuses se raccordant sur les prises du réseau électrique.
En cas de défaillance de l'éclairage électrique, les ouvrages et abris de la fortification CORF étaient dotés de dispositifs d'éclairage de secours.
Ces dispositifs sont classés en deux catégories:
L'éclairage de secours immédiat:
Cet éclairage permettait de fournir immédiatement un éclairage minimal en cas de coupure de l’éclairage normal. Il était principalement assuré par les lampes de poche Bretton
L'éclairage de secours d'intensité normale
Cet éclairage était constitué par l'ensemble des lampes de secours fixes ou mobiles permettant de rétablir un niveau d’éclairement permettant à la troupe d'assurer le service de l'ouvrage dans des conditions normales. Cet éclairage était fourni par des lampes à pétrole ou à bougie ainsi que par des lampes électriques LDM.
Dans les galeries et les locaux, l'éclairage de secours est assuré par des lampes de forme triangulaires. Ces lampes sont décrites sur cette page
L'usage de flamme nue étant proscrit dans les magasins à munition ou aux artifices, il était fait usage de lampes anti déflagrantes LDM. Ces lampes aussi utilisées dans les usines électriques sont décrites sur cette page
Pour assurer la continuité de exploitation des moyens d'artillerie en cas de disparition de l'éclairage normal, les locaux des blocs d'artillerie étaient dotés des dispositifs d'éclairage de secours communs aux locaux de l'ouvrage et les moyens d’éclairage de secours spécifiques à l'armement relevaient eux des services de l'artillerie.
Ces dispositifs sont des dispositifs à bougie et on en retrouve de deux types différents, l'un destiné à l'éclairage général des tourelles , le second à un éclairage ponctuel des organes de pointage.
L'éclairage de secours des tourelles était assuré par des lampes à bougie fabriquées par Epervier Gillet ou par Ouvrard et Villars. Ces lampes sont détaillées sur cette page
L'éclairage de secours des indicateurs de pointage des tourelles et des cloches pour jumelage de mitrailleuses ou arme mixte est fourni par des lampes ponctuelle fabriquées par Ouvrard et Villars.
Ces lampes sont détaillées sur cette page
La lampe de poche à magnéto Bretton est le moyen prévu pour l’éclairage de secours immédiat dans tous les ouvrages, qu'ils soient dotés ou non d’éclairage normal électrique. Elle trouve aussi un second usage au quotidien en complétant l'éclairage normal des zones sombres en cas de nécessité.
Cette lampe est détaillée sur cette page
1 - Cf. modificatif n°2 à la notice du 5 février 1934 relative à l'aménagement des infirmeries dans les ouvrages de la fortification.
2 - Par blindé, il faut ici entendre 'matériel renforcé' et non pas une allusion à un quelconque blindage type armement. C'est un terme usuel à l'époque pour qualifier le matériel électrique renforcé.
3 - De mémoire, à la fin des années 1970, les lampes de l'ouvrage d'artillerie de Soetrich étaient encore dotées pour certaines de leurs verres
Pascal Lambert
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