Après le retour à la France de l’Alsace-Lorraine en 1919 se pose la question des infrastructures de production et de distribution de l'electricité dans les territoires "reconquis". La mise en place des moyens de distribution et de production d'électricité ayant eu lieu pendant la période allemande, l'alimentation de la région Alsacienne est tout naturellemnt trés dépendante de l'Allemagne et d'usines situées à proximié de la frontiére ou en Suisse. Ces moyens sont aux mains d'une multitude d'entités distinctes de droit privé (allemand) oeuvrant sans réelle politique commune et couvrant bien souvent des secteurs géographiques limités.
Les considérations géopolitiques, économiques et les besoins grandissants de l'outil industriel rendent indispensable un réseau de production et de distribution interconnecté et unifié.
Le retournement du réseau de distribution électrique et son développement étaient hors de portée de la plupart des acteurs de ce secteur en Alsace Moselle, que ce soit pour des raisons économiques ou de couverture territoriale, et cela laissait la place à la Société Alsacienne et Lorraine d'élECtricité (SALEC) qui créé spécialement à cette occasion.
Mise sur pied en 1919 par par les principaux producteurs et distributeurs d'énergie de la région (Electricité de Strasbourg, Forces Motrices du Haut-Rhin, Station Electrique de Millery, La Houve, Ville de Metz, etc.) avec des capitaux alsaciens (Banque d'Alsace et de Lorraine, Société Générale Alsacienne de Banque, Banque Staehling Valentin, Comptoir d'Escompte de Mulhouse, Société Alsacienne de Crédit industriel et commercial) en collaboration avec de puissants industriels du domaine comme la Société Alsacienne de constructions Mécaniques ( SACM à Belfort) et la Thomson-Houston (1), la SALEC absorba dans les années qui suivirent la majeure partie des sociétés de production et de distribution d'électricité en Alsace Moselle, à l'exception des grands acteurs de ce domaine comme Electricité de Strasbourg et le Compagnie Lorraine d'Electricité (CLE) qui conservèrent leurs prérogatives sur leur zones géographiques.
Dans le même temps, son capital initial de un million passe à 11.750.000 en 1921 puis à 3o millions sous forme d'obligations au début de 1922.
Fin 1922, la SALEC qui dispose de deux centrales thermiques à Marckolsheim et à Millery, de quatre petites centrales hydro-électriques à Sélestat, Moulin-la-Chapelle, Ehnwihr et Millery absorbe l'usine électrique et le réseau de distribution des mines de La Houve.
En 1923, la SALEC et de ses filiales fourniront aux consommateurs plus 80 millions de kilowatts-heure. Son réseau de distribution est alors est constitué de 46o kilomètres de lignes à haute tension (4o.ooo et 65. 000 volts), de 1.25o kilomètres de réseaux à moyenne tension (10.000 et 18.000 volts) ainsi que d'un réseau étendu de lignes a basse tension, permettant l'alimentation alors de plus de 3oo communes.
À la veille de la deuxième guerre mondiale, la société dessert 107 226 abonnés, répartis dans 751 communes (2).
On lui doit la création d'une partie de l'interconnection électrique en Alsace Moselle (lignes Landres - Creutzwald, Creutzwald-Chambrey, Creutzwald Chatenois) ainsi que des équipements militaires comme l'interconnexion 65KV Creutzwald-Amanvillers-Landres-Fontoy, le poste de transformation militaire bétonné de Goetzenbruck et les lignes alimentant depuis ce dernier les ouvrages du Simserhof, du Schiesseck de l'Otterbiel et du Grand Hohekirckel...
Ces travaux impliquant des investissements financiers conséquents, la SALEC bénéficiait du soutien technique et financier d’Électricité de Strasbourg, des Forces motrices du Haut-Rhin, de la station électrique de Millery (ancienne société d'électricitédu Rupt de Mad), des Mines de la Houve et de l'usine d'électricité de la ville de Metz avec qui elle s'associera en 1931 pour créer le Consortium Electrique du Nord Est (CENE) qui financera une grande partie des travaux civils et militaires réalisés.
Aprés guerre, la SALEC reconstituera dans le cadre des dommages de guerre le réseau de distribution et les sites de production qu'elle géréra jusqu'à la nationalisation du réseau de transport et des moyens de production d'electricité et de gaz par l'état français suite à la promulgation de la loi du 8 avril 1946 qui donna naissance à EDF.
Seule l'Usine d'Electricité de Metz (UEM) ainsi que quelques régies de distribution communale de moindre envergure resteront indépendantes, les autres composantes de la SALEC intégreront EDF progressivement dans les années qui suivirent.
Archives départementales de Metz (fond SALEC 97 J),
l'électrification rurale - Arnaud Berthonnet,
wikimaginot.eu ,
BNF - Gallica (Le temps, 28 juillet 1924)
Pascal Lambert