Le terme générique de "fortification de campagne" couvre la construction d'organisation du terrain - permanentes ou pas - à l'usage des troupes d'intervalle, souvent construites par la Main d'Oeuvre Militaire . Cette fortification n'est plus spécialisée et doit donc pouvoir être utilisée par les unités mobilisées, qui y installent en cas de besoin leur propre armement en dotation organique, principalement la mitrailleuse Hotchkiss, le FM 24/29 ou les canons antichar légers de 25mm à 47mm.
Durant la période 1930-1940, on peut segmenter cette notion de fortification de campagne en 4 catégories relativement distinctes au sens où elle sont applicables (et appliquées) dans des contextes et des lieux différents :
La fortification légère d'organisation non permanente du terrain
La fortification de campagne légère semi-permanente
La fortification de campagne renforcée semi-permanente
Les grands blockhaus proposés par la STG , qui est la version ultime de la catégorie précédente.
Le choix entre ces différents types de fortification de campagne est très rationnellement et logiquement décrit par l'Inspection Générale du Génie et des Fortifications (IGGF) dans une note aux Armées datée du 1er Septembre 1939. Il se fait en période de tension essentiellement en fonction de la proximité de l'ennemi et du degré d'activité du théâtre d'opération :
Dans le cas où on se situe en contact direct et en situation de combat avec l'adversaire, seule la fortification légère d'organisation non permanente du terrain est à utiliser dans la mesure où il n'est pas question d'exposer des matériels lourds de construction sur des chantiers longs et très identifiables, utilisant essentiellement du personnel spécialisé… Le caractère "non permanent" ou "passager" traduit le fait que ces constructions de circonstances ne font l'objet d'aucun traitement légal avec les propriétaires de terrains sont donc supposés disparaitre avec la fin de conflit.
Dans le cas d'une situation de contact rapproché mais calme, ou de contact raisonnablement éloigné, alors on peut privilégier la fortification semi-permanente légère, qui permet des constructions rapides, préférentiellement par Main d'Œuvre Militaire. Ce sera la finalité essentielle à partir de Septembre 1939 des plans-types de l'Album n°1 de la STG dont on reparlera plus loin, largement utilisés sur les fronts directement en contact avec la frontière allemande. La notion de "semi-permanence" est liée à la nécessité - en temps de paix au moins - d'officialiser l'occupation militaire du lieu par une convention amiable, une location, voire dans les cas extrêmes un achat ou une expropriation du terrain.
En situation d'éloignement pas rapport aux fronts exposés, les deux derniers types de construction (fortification de campagne renforcée ou lourde) sont privilégiés car les chantiers importants peuvent être réalisés, y compris avec de la main d'œuvre civile, sans risque immédiat. Ceci explique logiquement pourquoi ce type de fortification se retrouve essentiellement en Ligne Principale de Défense des fronts relativement éloignés de l'Allemagne ou peu exposés (Nord, Ardennes, Meuse-Montmédy, Sundgau) ou en 2e ligne de défense (chantiers CEZF en Sarre, Basse-Alsace ou Jura, lignes d'arrêt sur les fronts moins exposés tels que le Rhin, etc).
On peut séparer l'effort de construction de fortification de campagne post-disparition de la CORF en trois périodes successives intimement liées aux événements politiques et économiques :
1935-1937 : totale liberté des Régions Militaires, liberté uniquement cadrée par des instructions centrales générales et peu contraignantes.
1937-1939 : reprise en main partielle à totale de la planification des travaux par les organismes centraux ( 4e Direction , STG , …)
1939-1940 : accélération durant la drôle de guerre et transfert de responsabilité vers les armées mobilisées.
La première période est marquée par le pic du choc lié à la crise de 1929 en France, crise qui se traduit par une baisse drastique des dépenses publiques. Elle est aussi marquée par une période de détente internationale relative avec l'Italie permettant de minimiser l'effort dans le Sud-Est. La doctrine militaire du moment est claire depuis le rétablissement de la conscription en Allemagne (Mars 1935), telle qu'exprimée par la ministre MAURIN dans son ordre aux Régions Militaires du 3 Janvier 1935 (13 3/EMA): il faut aller vers une ligne de défense continue de la mer du Nord au Rhin, en commençant par un obstacle, renforcé progressivement par de la fortification, le tout au moindre cout.
Cette période se matérialise par une prise en charge de l'organisation défensive du front par les Régions Militaires sans directives centrales fortes - autre que budgétaires -, ni coordination formelle entre les régions. Cette autonomie régionale, seulement cadrée par quelques directives centrales très générales (1), entraine la génération par cet échelon de ses propres standards de fortification, et la mise en application de tracés de position définis localement, le tout avec plus ou moins de rigueur selon la région militaire. Vu de Paris, le travail peut être considéré disparate en qualité et quantité, mais cette apparence est partiellement trompeuse. A l'échelon régional, la construction et le tracé obéissent à des standards, des plans-types définis par les chefferies du Génie et une planification dont la rigueur est notable. Par ailleurs, le Ministère tentera dés 1936 de diffuser ponctuellement entre les Régions Militaires ce qu'il considère comme des bonnes pratiques relevées par les inspections sur le terrain.
On peut cependant regretter les pertes d'énergie, de temps et de moyens liées au fait que chaque région a été amenée à réinventer la poudre localement. Autre effet négatif considérable : l'absence de standardisation des cuirassements utilisés (trémies de créneaux, cloches, portes…) qui entrainera des retards considérables dans leur production et installation sur place.
Les grandes catégories de plans-types régionaux seront discutées dans la partie sur la fortification de campagne légère.
La période suivante (1937-39) est la conséquence directe de la succession en quelques mois de l'orientation de la Belgique vers la neutralité, de la remilitarisation de la Rhénanie par l'Allemagne et de la création de l'axe Rome-Berlin. Ceci amène le pouvoir politique français à prendre des décisions de renforcement urgent de la défense des frontières sur des môles défensifs prioritaires, en commençant par le Nord (môles de Condé-Maulde et môle de Monts de Flandre) et le prolongement de la ligne vers le Jura (position du Sundgau). Par Décision Ministérielle du 27 Octobre 1936, le ministre DALADIER mandate l'Inspection Générale du Génie et des Fortifications (IGGF) de définir une forme de fortification adaptée à la donne économique et tactique et de planifier la réalisation avec les régions. Ce standard commun est défini par la STG en Janvier 1937 sous la forme de grands blockhaus, le standard STG Mle 1937, versions simplifiées des casemates CORF. Ces plans-types seront déclinés et adaptés par les 1° et 7° régions. A cette même période, un programme de construction de maisons-fortes et de destructions en profondeur est engagé dans les régions les plus exposées (Ardennes, Lorraine...).
La modicité des moyens mis en œuvre affecte l'ampleur et la rapidité des travaux alors que la situation politique internationale se dégrade toujours davantage. L'annexion de l'Autriche, Munich et l'annexion des Sudètes entrainent fin 1938 une nouvelle réaction de l'Etat-Major : le programme PRETELAT. Il faut construire beaucoup, plus vite, et non plus uniquement dans des môles bien définis mais partout et en profondeur : frontière du Nord, trouées des Ardennes, Meuse, Sarre, Jura… Pas question de le faire avec le standard STG Mle 1937, trop couteux. La STG est donc amenée à redéfinir des plans-types correspondants à cette demande (Standard STG Mle 1939 de Décembre 1938, puis standard STG "Allégé" d'Avril 1939). Ces catalogues généraux connaitront des adaptations locales nombreuses jusqu’en Mai 1940 tout le long de la frontière.
L'entrée en guerre marque une 3e période de construction, d'une nature totalement différente. La construction de fortification de campagne est réalisée par une main-d'œuvre militaire, non spécialisée mais subitement très abondante, dans un contexte potentiel de cohabitation avec une situation de combats en certains endroits puisque le conflit est ouvert. En vertu des principes exposés en section "Définition", force est de basculer vers la fortification non permanente dans les zones très exposées, et de créer un nouveau standard de fortification de campagne légère et simple à mettre en œuvre par la MOM. Dans ce but, la STG produit en Septembre 1939 un album de plans-types de fortification de campagne légère (l'Album n°1) pour armes d'infanterie, prioritairement à l'usage des troupes en position de front actif (frontière allemande).
Après quelques mois d'application des standards STG Mle 1939 et STG Allégé, une nouvelle demande de réduction du cout unitaire des blocs les plus importants amène la STG à émettre un dernier album de plans-types, l'album n°2 dit "de fortification de campagne renforcée" ou FCR , qui restera en vigueur jusqu'en Mai 1940 avec variantes successives et larges adaptations locales. Ces constructions seront réservées aux fronts moins exposés (Nord, Ardennes, Meuse, Rhin, Jura...).
Pour donner de la profondeur à la ligne dans sa globalité bien au-delà des lignes d'arrêt amorcées ici ou là sur base de blocs STG-FCR, le ministère provoque la création de la CEZF dont la mission sera de créer cette seconde ligne de défense 10 à 20 km en arrière de la LPR d'origine. La logique de réduction de cout et de rapidité qui prévaut n'a pas de raisons de s'appliquer aussi rigoureusement à cette deuxième ligne plus éloignée du front, elle sera donc construite selon les standards STG "lourds" du Mle 1939.
Ainsi, en cette période de "drôle de guerre" l'ensemble du front se couvre de chantiers de fortification qui sont représentatifs de tout le spectre possible de la fortification de campagne.
Ces segmentations, tant sur les typologies que sur les périodes caractéristiques, ne sont cependant pas totalement strictes et binaires. Elles sont données là que pour tenter de simplifier un sujet très complexe. Il est cependant intéressant de constater comment l’effort de défense des frontières, partant d’une vision purement stratégique et long-terme matérialisée par la loi Maginot de 1930, s’est progressivement laissé guider au coup par coup et de façon très réactive par les événements extérieurs court-termes à partir de 1935.
En reprenant la typologie définie plus haut, il est possible de décrire les différentes formes de fortification de campagne, qu'elles aient été créées par les commandements locaux (RM et Armées) ou par la STG.
Il s'agit là des constructions de circonstance autorisant l'organisation rapide et ad-hoc du terrain en fonction des fluctuations du front en période de combat. Cette catégorie de fortification de campagne, bien qu'ayant existé de tous temps, a connu un développement et une structuration considérable durant la guerre 1914-1918, spécifiquement durant la période de guerre de position. Les techniques et méthodes sont standardisées et décrites par l'I.O.T. (Instruction sur l'Organisation du Terrain), document de 1917 et 1933 en trois tomes, les deux premiers à l'usage des armées (1917), le troisième (1933) spécifique à l'arme du Génie.
Ce type de fortification de campagne est par définition non permanente car de construction peu pérenne (simples terrassements, protection en bois, ...) ou bien d'un usage de courte durée au gré des fluctuations du front. Elle ne nécessite donc pas de procédure - longue et lourde - d'achat ou de réquisition de terrain d'autant qu'elle est construite essentiellement en temps de guerre déclarée. Le principe de ce type d'organisation est régi par quatre éléments : le flanquement de position, le maintien des vues sur l'environnement d'attaque, la communication et le couvert, et enfin la création d'un obstacle à l'attaque ennemie. Ceci se traduit concrètement par l'intégration des éléments de fortification suivants :
Des postes de tir, permettant d'assurer le flanquement
Des observatoires légers, permettant de surveiller les abords
Des tranchées et abris - de surface ou en caverne
Des lignes d'obstacles anti-personnel ou antichar
Ceux-ci sont la plupart du temps construits sous forme d'épaulements de terre ou plus rarement en assemblages de rondins de bois, ceux-ci éventuellement couverts d'un toit en rondins et d'une couche de terre de quelques dizaine de centimètres. Les plus vastes peuvent accueillir un canon antichar, voir dans les cas extrêmes des pièces plus lourdes. Les emplacements d’armes sont largement ouverts, parfois coffrés par des créneaux en bois, et exceptionnellement équipés de boucliers métalliques amovibles. La protection se limite aux armes légères, ou aux obus de 47mm à 75mm au mieux. Ce type de construction étant dégradable par nature, il est souvent très difficile d'en trouver des traces de nos jours, hors excavations éventuelles.
Il convient cependant de noter une spécificité de cette période, l'apparition des postes de tir préfabriqués en béton. Ils sont constitués de plaques standard de béton de quelques centimètres d'épaisseur pouvant s'assembler, se démonter et se manutentionner aisément avec des éléments pesant individuellement moins de 100 kg.
Ces observatoires légers de retranchement vont du petit bloc en rondins avec créneau, à la simple plaque de blindage percée d'une fente d'observation jusqu'aux éléments démontables plus lourds, ne nécessitant pas nécessairement d'infrastructure en béton et dont une partie provient des cartons de la STG créés lors du premier conflit mondial. A ce titre, les modèles les plus courants sont les suivants :
Au-delà de ces modèles anciens, des modèles démontables plus lourds ont été utilisés aussi localement dans un contexte de campagne non permanente, comme des cloches observatoires par éléments STG ou Allard . Rajoutons à cela la réutilisation opportuniste de guérites observatoires allemandes type Escargot récupérées sur les fortifications allemandes modernes d’Alsace et de Moselle.
Les éléments de campagne non permanents de ce type ont presque tous disparu, mais on peut encore trouver des exemples de ce type d'observatoires dans des blocs bétonnés de fortification de campagne semi-permanente légère.
Enfin, il convient de mentionner les observatoires en hauteur, soit installés de façon ad-hoc dans les bâtiments (tours, clochers,...), soit montés en haut de pilones en structures métalliques. Ce dernier modèle est essentiellement réservé aux bois ou forêts.
Les tranchées et abris permettent de fournir une protection au personnel de défense ou d'attaque contre le tir ennemi, soit pour les tir ou les déplacements, soit pour la vie sur place ou le commandement.
Le mode de construction des tranchées (pour le tir) ou sapes (pour le déplacement) a été largement optimisé durant le conflit précédent. Ces techniques sont décrites dans les tomes de l'I.O.T. Si le mode de réalisation des tranchées ne connait pas de modification majeure en 1939 par rapport aux standards de 1917, avec un système de "parallèles" au front et de "boyaux" de liaison entre les parallèles, il n'en est pas de même pour les abris.
Concernant ces derniers, le mode le plus classique de construction en vigueur lors du conflit sera l'abri de surface en tôle "métro" préfabriquée, avec couverture en terre (la couverture en béton ou roc relève de la construction de campagne légère permanente dont il sera question plus loin). Le mode de construction souterrain en profondeur - qui avait les faveurs lors du 1er conflit mondial pour assurer une bonne protection contre l'artillerie lourde de siège et de position - sera nettement moins employé en 1939-40.
Le but de l'obstacle est de ralentir l'ennemi pour l'exposer le plus longtemps possible à découvert au tir des défenseurs. On distingue deux types d'obstacles, les obstacles anti-personnel et les obstacles anti-char , chacun pouvant être soit passif (réseaux de protection, fossés, escarpements, talus de voies ferrées...), soit actif (mines, pièges…). L'obstacle est le plus souvent associé à une position de défense générale qui est définie et préparée dés le temps de paix, tel que cela sera le cas dans la construction de la ligne Maginot. Il n'en demeure pas moins que cet obstacle général relativement linéaire sera complété en temps de guerre par des obstacles plus légers et locaux visant à la protection directe des positions de campagne et au cloisonnement de la position.
Comme explicité plus haut, ce type de fortification a principalement été construit dans la période mi 1935 - fin 1937 puis lors de la "drôle de guerre" entre septembre 1939 et mai 1940. Elle se caractérise globalement par les caractéristiques suivantes :
un degré de protection faible - au mieux égal à la protection n°1 des standards CORF , mais souvent nettement moins… - et une puissance de feu nettement moindre que ce qui se faisait jusqu'alors.
une tendance à une certaine spécialisation de feu, avec séparation des fonctions de tir anti-personnel et de tir antichar. Il y aura des exception à cette tendance cependant.
des cuirassements plus légers, hétérogènes et d'inspiration locale
l'absence ou quasi-absence de locaux et équipements d'occupation permanente ou de confort (chambrées, chauffage, électricité…) du au caractère par définition temporaire de l'occupation de ce type de réalisation.
Après avoir protégé prioritairement quelques axes de pénétration avec des blocs spécifiques courant 1935, la 1° RM (Lille) établit fin 1935 un catalogue très complet composé d'une bonne vingtaine de plans-types d'ouvrages actifs et passifs à l'usage de la défense de la frontière Belge sur son territoire, soit entre Dunkerque et Hirson. Ces blocs ont pour l'essentiel d'entre eux été construits entre mi-1936 et 1937 par de la main d'œuvre civile sur un tracé proche de la frontière assurant la liaison entre les môles fortifiés "Nouveaux Fronts" CORF de Maubeuge et de l'Escaut (ETH) en particulier. Ces types, codés par une lettre ou un groupe de lettres, se caractérisent par :
La capacité, selon le modèle, de résister à deux coups superposés de 105mm pour les plus légers - établis en forêt comme par exemple en forêt de Trélon ou dans le bois des Lanières -, deux de 155mm ou deux coups de 210 mm pour les plus résistants
Un seul créneau par flanquement, dans lequel on peut alterner indifféremment soit un canon antichar de 25mm, soit une mitrailleuses Hotchkiss. Ceci imposera ultérieurement, à partir de 1939, l'utilisation d'un cuirassement de créneau "multifonction", la trémie PAMART-LEMAIGRE auquel ces blocs devront être adaptés.
Une capacité de défense rapprochée arrière par créneaux pour FM
La présence pour certains modèles d'un sous-sol à l'usage d'abri pour la troupe d'occupation, ce qui est un cas rare dans les constructions de cette époque.
L'utilisation quand c'est nécessaire, d'une cloche d'observation imaginée par la chefferie du Génie de Valenciennes (d'où son nom " cloche Valenciennes ", modèle réduit de la cloche DIGOIN des fortifications de l'époque Séré de Rivières.
La présence d'une réservation pour une ventilation non filtrée à base de ventilateur à bras.
De conception et de construction soignée, ces plans-types 1° RM seront surtout critiqués par le Génie "central" pour leur créneau unique par flanquement, obligeant à des manœuvres d'armes pour passer d'une fonction antichar à une fonction antipersonnelle. Les plans types de cette catégorie peuvent être vus dans la section "typologie" du site ( 1° RM - type A , type B , etc...)
Le lancement des travaux dans la 2° RM coïncide avec la présence à sa tête du général Marie-Armand BARBEYRAC de SAINT-MAURICE qui va avoir la particularité de s'impliquer personnellement et directement dans la conception et la construction des défenses sur son territoire, qui va de la forêt de St Michel au Nord de Hirson jusqu'à Longuyon exclu. Les blockhaus construit en 2° RM à cette époque prendront donc le nom de " blocs BARBEYRAC ".
Cette région se caractérise par la présence des Ardennes à l’Ouest (que le haut Etat-Major considère comme infranchissable...) et les vallées de la Meuse et de la Chiers à l'Est. Front non prioritaire initialement, il va donner lieu sur la ligne principale de résistance à ce qu'il y a sans doute de pire dans la gradation de qualité de la fortification de défense des frontières. Durant la période 1935 - début 1937, la 2° RM va construire le long de son front près de 440 blockhaus (2) dont les plus légers, en maçonnerie de moellons surmontés d'une fine dalle de béton pouvant tout au plus résister à la pluie, seront plus des aimants à obus et des cercueils à défenseurs que des protections d'une réelle utilité. Tout au plus l'Etat-Major reconnait-il à ces blocs un bon défilement en général et leur coût modique.
Construites entre 1937 et 1938, vingt-deux maisons-fortes (MF) type "Ardennes" sont établies sur les axes de pénétration du territoire, proche de la frontière et en avant de la Meuse. Ces constructions se composent d'un fort blockhaus avec armes automatiques et canon antichar de 25mm surmonté d'une maison d'habitation permettant d'accueillir la garnison permanente et les éléments chargés de la gestion des DMP et barrages de route en avant.
Enfin, tout comme en 1° Région Militaire, la 2° RM développera son propre plan-type de cuve légère d'accueil de la tourelle démontable STG Mle 1935-37. Environ 80 constructions de ce type seront réalisées.
La 6° RM supervise en particulier la Région Fortifiée de Metz, qui est l'une des portions les plus puissantes de la ligne Maginot dans sa version initiale, traitée avec largesse par la CORF. Il n'empêche qu'en conformité avec les instructions d'Avril 1935 du général GAMELIN, les services du Génie de la RFM vont se pencher sur la question du renforcement de feu d'infanterie de la ligne défensive et de l'approfondissement de la position, générant de façon centralisée une suite de plans-types locaux applicables de façon générale de Longuyon jusqu'à la Sarre.
Le premier plan-type émis, en Mai 1935, et qui prendra le nom de blockhaus type RFM Mle 1935 , se présente sous la forme d'un bloc à flanquement double pour mitrailleuse de campagne ou petit 37mm AC et éventuellement action antichar par créneau frontal équipé d'un canon de 47mm de marine placé sur affut fixe. Le but est de pouvoir en même temps assurer le flanquement de la ligne de soutien, légèrement en arrière de la position principale, et une action antichar de front pour couvrir des voies de pénétration. L'observation se fait au moyen d'un périscope traversant la dalle et l'équipement est inexistant hors cela.
19 blocs de ce type sont construits en 1935 et début 1936 dans le SF de la CRUSNES, 13 sur THIONVILLE, 14 à BOULAY et enfin 17 dans le SF de FAULQUEMONT. Bien qu'en principe standardisés par un plan-type, ce modèle connaitra de nombreuses variantes, tant en termes de nombre de flanquement, que d'armement réel ou d'existence ou non du créneau AC frontal.
A la même période, le Génie de Thionville conçoit un type de bloc léger frontal pour mitrailleuse, proche dans le principe des blocs BARBEYRAC, et qui seront construits à 16 exemplaires, 12 en 1935 et 4 en 1936, sur le plateau de Marville, qui dépend à cette époque de la 2° RM.
L'instruction du Gal GAMELIN de Novembre 1935 prohibant les créneaux frontaux et insistant sur l'importance du flanquement de la position principale, le Génie de la RFM est amené à abandonner les blocs Mle 1935 et à développer (note 644/S du 16 Mars 1936) un blockhaus RFM Mle 1936 répondant à ces instructions. Ce blockhaus est toujours de type mixte (mitrailleuse et canon de 47mm Marine) mais à flanquement unique et donc à chambres de tir parallèles et échelon refusé pour améliorer le défilement. Là encore l'observation se fait par périscope et l'aménagement hors armement est très réduit (ventilateur à bras, râtelier, crochets pour deux hamacs…). Le modèle 1936 existe en deux niveaux de protection, le Mle 1936 léger qui est capable de résister à deux coups successifs de 105mm (protection inférieure à n°1, piédroits de 1,25 m d'épaisseur) et le Mle 1936 lourd qui peut encaisser deux coups de 155mm (protection n°1 - piédroits de 1,75m - ou légèrement renforcée).
A l’inverse du Mle 1935, le Mle 1936 sera construit - à quelques rares exceptions - de façon strictement conforme au plan-type. Cette même note du Génie RFM de Mars 1936 officialise :
un plan-type dérivé directement de la "coupole 7° Région" (voir plus loin) transformable à terme en bloc pour tourelle démontable Mle 1935 par suppression de la coupole,
un blockhaus pour cloche Pamart qui sera construit à 6 exemplaires avec des cloches de récupération -,
un type d'abri pour observatoires qui sera mis en œuvre avec la dénomination de "central d'observation",
un type d'observatoire à cloche type Héronfontaine …
son propre type de bloc pour tourelle démontable 1935-37,
différents modèles de boucliers pour armes antichar ou mitrailleuse qui seront construits avec le code à préfixe Abo, Bbo,..., Mbo selon le secteur.
des plateformes pour canon antichar de 47mm ou de 65mm sur crinoline
La 20° Région couvre initialement la frontière de la Nied Allemande jusqu’à la limite sud du Bas-Rhin moins le canton de Marckolsheim (à la 7° RM). Pour comprendre la structure des travaux de fortification post-1935 de cette région il est nécessaire d’avoir en tête son découpage territorial en chefferies du Génie car, à l’inverse des autres régions, la 20° RM va laisser une forte autonomie à ses chefferies sans plans-types communs à la région connus. C’est ce qui fait la grande complexité du paysage de la fortification de campagne dans cette Région Militaire, situation encore complexifiée par la séparation en deux de la 20° Région en Juin 1938, celle-ci conservant la partie Ouest de l’ancienne région et la nouvelle 10° Région Militaire s’installant à Strasbourg et couvrant dorénavant de Bitche jusqu’à Marckolsheim.
Après dissolution de la CORF, le Génie de la Région Militaire est séparé en trois Directions (Nancy, Saverne et Strasbourg), la direction de Nancy couvrant la chefferie de Sarrebourg (partie Ouest de la Sarre), celle de Saverne couvrant les chefferies de Bitche (Est Sarre jusque Lembach) et Haguenau (de Lembach à une ligne Brumath-Bischwiller-Dalhunden, soit la limite SF Haguenau et Bas-Rhin). La Direction de Strasbourg ne couvre qu’une seule chefferie, celle de Strasbourg, qui gère le territoire du SF du Bas-Rhin, de la ligne précédemment citée à la limite nord du canton de Marckolsheim. Le territoire de la chefferie de Bitche étant très vaste, il est finalement séparé en deux en Juillet 1938 concomitamment avec la création de la 10° RM : Bitche Ouest, couvrant l’Est de la Sarre jusqu’au Simserhof (20° RM), et Bitche Est couvrant du Simserhof à l’Est de Lembach – limite du SF des Vosges (10° RM). Dernier changement, la chefferie de Bitche Ouest sera logiquement transférée à la direction de Nancy début 1939 et renommée « Sarrebourg Est », lorsque le découpage précis de la 10° RM sera connu, celle de Sarrebourg devenant « Sarrebourg Ouest ».
Chefferie de Sarrebourg/Bitche Ouest
Le ban de la chefferie de Sarrebourg – de la Nied Allemande jusqu’à Wittring - est marqué par la création des inondations défensives en 1932-33, bien avant le lancement des programmes de fortification de campagne. La peur d’influencer défavorablement le référendum de rattachement de la Sarre prévu pour janvier 1935 interdit l’EMA de construire des fortifications en nombre dans ce secteur, au moins jusqu’à l’été 1935. La seule exception constitue la construction de 10 blockhaus de défense des digues et barrages d’inondation (6 sur Hosterbach-Moderbach et 4 sur la Sarre) en 1934-35, selon un plan-type standard utilisant des composants CORF (portes blindées, goulottes à grenades et trémies FM CORF, …).
Les choses changent avec le résultat négatif pour la France de ce référendum, puis le rétablissement en Allemagne de la conscription en Mars 1935. Mais le vrai choc viendra de l’occupation armée de la Rhénanie en Mars 1936. Désormais l’armée allemande est aux portes de la Sarre. Le rattrapage du retard de couverture de la Sarre au-delà des inondations défensives - déjà opérationnelles - devient donc très prioritaire en 20° RM, avec dans un premier temps la construction d’un obstacle continu entre les inondations, couvert par quelques blockhaus isolés entre celles-ci. Les premiers blocs construits sont de type disparate en fonction du terrain, mais conformes aux consignes du général GAMELIN et aux idées du général CONDÉ, commandant de Région à ce moment : il s’agit de petits blocs flanquants pour arme d’infanterie, avec créneaux FM sur le pourtour pour permettre une défense tous azimuts.
La première phase de construction 1935 à 1937 reste limitée, à :
des maisons-fortes de frontière d’un plan-type là encore spécifique à la chefferie de Sarrebourg , au nombre de 11 entre Carling et Sarreguemines, qui seront complétés par 2 autres construites après 1937
8 bouchons ou points d’appui d’avant-poste, quelques kilomètres en avant de la LPR,
une centaine de blockhaus légers tels que décrits plus haut (résistance au 77mm généralement, et au 105 pour quelques-uns), pour mitrailleuse et FM et rarement pour canon AC, en arrière de l’obstacle antichar continu (inondations, ruisseaux aménagés et rails) de ligne principale de résistance.
25 blockhaus du même type sur la 2e ligne de défense entre Guessling et Sarralbe par Grostenquin, Francaltroff et le cours de l’Albe. Cette amorce de 2e ligne se substitue à la 2e urgence des inondations défensives qui ne verra que très partiellement le jour et constituera ensuite le tracé du tronçon de la ligne CEZF de la Sarre.
et enfin la création dés 1936 de casemates STG pour un canon de 75mm en renforcement de la zone Barst-Bining.
On constatera une faible présence de blocs en béton pour tourelles démontables Mle 1935-37 sur le ban de des deux chefferies Ouest (Sarrebourg et Bitche Ouest), hors le cas très particulier du blockhaus spécial équipé de deux TD à Holving – inspiré d’un plan-type RFM - et construit en 1939.
La 2e phase de construction, de 1938 à 1940 se traduira par la multiplication des blocs d'intervalle de divers types, allant des grands blockhaus STG du programme PRETELAT jusqu'à la génération spontanée de blocs légers de tous types à partir de la mobilisation, dont les plus sérieux sont dérivés de l'Album n°1 de la STG. Un effort notable est consenti sur le plateau de Rohrbach, considéré comme une voie d'invasion privilégiée et non protégée par les inondations. Dans ce secteur de 12 kilomètres de large entre Sarre et Vosges, la densité de blocs légers deviendra tout à fait considérable et d'une profondeur peu commune ailleurs, s'étalant de bouchons d'avant-poste 2 à 3 km en avant de la LPR et des lignes d'arrêt successives jusqu'à 5 à 6 km en arrière de cette même LPR.
Chefferie Bitche Est
Ce secteur correspond aux Vosges. Les Vosges ayant été pour l'essentiel considérées que comme une zone de destructions, un peu à l'instar des Ardennes, les constructions post-1935 entre les môles CORF de Bitche et Lembach sont consituées uniquement de :
9 Maisons fortes de conception locale et 7 bouchons défensifs sur les axes routiers de pénétration. Ces constructions légères (Pon inférieure à la n°1) ont pour mission essentielle de contrôler les dispositifs de mine permanents (DMP) constituant les destructions et d'assurer une action retardatrice.
Sur la ligne principale de résistance, environ 150 blockhaus légers très caractéristiques sont construit entre 1935 et 1938, se présentant sous forme polygonale avec plusieurs créneaux pour FM ou mitrailleuse. Leur protection est faible (30 à 50cm de béton). A ceci se rajoute une cinquantaine d'emplacements de tir ouverts, quelques observatoires bétonnés sur les sommets, et de rares abris/PC.
Des maisons fortes à la frontière même, au nombre de 14. Elles sont là encore de conception locale, différentes de celles des secteurs adjacents.
Une grosse dizaine de points d'appui d'avant-poste en avant de la ligne principale équipée par la CORF.
Sur la LPR et en profondeur une grosse quarantaine de blockhaus et surtout près de 200 emplacements de tir pour canons AC, mitrailleuse ou FM, en grande partie dans la forêt de Haguenau. Les plus caractéristiques et courants sont :
- les "tourelles de Haguenau", qui sont une déclinaison renforcée et améliorée des "tourelles type 7° Région Militaire" dont on parlera plus loin.
- les postes bétonnés ouverts pour arme automatique (Mit ou FM).
La construction d'une trentaine de blockhaus et autant d'emplacements bétonnés légers prioritairement dans la zone du port de Strasbourg et dans les intervalles de la ligne de villages, puis ensuite sur les hauteurs de la ceinture fortifiée ex-allemande de la ville au Nord et au Nord-Ouest. Certains de ces blocs sont d'ailleurs simplement intégrés aux constructions ex-allemandes.
La conception et l'établissement en arrière de la LPR de 12 gros abris/PC actifs, tout à fait spécifiques à cette chefferie. Ces blocs sont d'un design soigné.
La création de points d'appui tous les kilomètres ou deux sur la berge. Ces "avant-postes" sont constitués en principe d'une paire de petits blocs jumelés flanquant le fleuve dans les intervalles des môles CORF de berge. Quatorze de ces AP de berge sont établis au Sud de Strasbourg jusqu'à Rhinau. Ils sont l'équivalent local des blocs Garchery qui seront construit un peu antérieurement sur la rive du Rhin en 7° Région Militaire.
L'établissement sur les digues d'inondation et de hautes eaux d'une ligne quasi-continue de blocs légers pour mitrailleuses, typique là aussi de la chefferie de Strasbourg et nommés "blockhaus de digue". Certains de ces blocs ont leur entrée placée à l'arrière de la digue et reliée à la partie active par une courte galerie. Ceci constitue la nouvelle LPR.
L'installation de bouchons défensifs de retardement sur les pénétrantes les plus importantes entre la berge et les digues. Ces bouchons intermédiaires peuvent par ailleurs assurer le flanquement dans la forêt des bras morts du Rhin les plus importants.
La 7° Région militaire se développe du nord de Marckolsheim jusqu’au sud du Jura. Elle se compose de deux parties bien distinctes. La partie Nord est couverte dés 1931 par des casemates CORF, d’abord sur le Rhin, puis dans la plaine d’Alsace. La partie Sud (Région Fortifiée de Belfort et Jura) est en revanche exempte de toutes constructions défensives modernes jusqu’en 1935. L’effort MOM de la 7° Région va être dans un premier temps (1935-1936) de donner de la profondeur aux organisations CORF de la plaine du Rhin. La montée de dangers politiques et les doutes sur l’effet dissuasif de la neutralité Suisse vont ensuite (1937-1940) pousser l’état-major et la région à protéger sa partie Sud, entre Mulhouse et Pontarlier.
Le plan-type emblématique de la 7° Région Militaire est la coupole pour mitrailleuse ou canon de 47mm. Elle est développée par le Génie de Mulhouse et sera implantée en grand nombre en arrière de la ligne des villages construite par la CORF, pour constituer une ligne d’arrêt sur le canal du Rhône au Rhin, autour de Belfort et pour couvrir les grands massifs forestiers de Haute Alsace (Kastenwald, Hardt, …). Un bon nombre de ces « coupoles » dans la plaine du Rhin sont construites par le 152° RI, régiment en place en Haute-Alsace.
L’accès se fait par une ou deux entrées en descente, reliées par galerie à la chambre de tir sous coupole. Dans la version « mitrailleuse » celle-ci repose par son trépied standard dans une signée circulaire autour de la chambre de tir, le version « 47 mm » disposant d’un simple socle chandelier pour recevoir le tube du canon. La protection est légère, très inférieure à 1 (toiture de 40 à 60 cm, mur de façade de 1,00 m à 1,20 m, murs de galerie de 50 cm) et ne pouvant résister qu’à un coup isolé de 77mm ou de 105mm.
Une version avec coupole amovible, prévue en principe sans coiffe pour accueillir une tourelle démontable pour mitrailleuse Mle 1935, mais sur laquelle on pouvait poser la coupole – en orientant le créneau à façon – pour protéger une mitrailleuse Hotchkiss. On peut douter du degré de solidité du dispositif lors d’une explosion à proximité…
Une version « conforme » à la coupole standard 7° Région en Septembre 1939, mais dont on ne connait pas d’application en 6° RM.
Les deux régions militaires des Alpes sont intéressantes par la grande différence d’approche relative à la fortification de campagne comparée avec le Nord-Est. L’armée des Alpes et les régions concernées ont dés le départ opposé une certaine résistance à l’hégémonie de la CDF et de la CORF, allant jusqu’à des divergences de vues fondamentales sur la forme que devait prendre la défense des frontières. Si la CORF, soutenue par les instances centrales de l’Armée, eut finalement gain de cause dans le principe pour ce qui est des construction sur la ligne principale de résistance, les Alpins réussirent à imposer des approches et concepts hérités de leur irremplaçable connaissance du terrain et de ses spécificités défensives, qu’ils appliquèrent avec une relative liberté sur les avant-postes construits à la frontière même. Cette double approche parallèle permit de créer une position en profondeur bien avant que cela ne devienne d’actualité dans le Nord-Est.
A la disparition de la CORF en fin 1935 les régions du Sud-Est eurent à reprendre à leur compte la continuité des travaux CORF, pour certains largement inachevés. L’essentiel des moyens alloués par le ministère allant à cette priorité-là , il ne restait que très peu de fonds et de main d’œuvre pour développer le même effort de fortification de campagne que dans le Nord-Est. Force fut donc d’aller vers des solutions à très bas coût et ciblées, là encore développées de façon purement locale mais parfaitement adaptées à la géographie. Rajoutons à cela la détente politique avec l’Italie entre 1935 et 1937 qui stoppa virtuellement tout travail de construction sur cette frontière-là .
Un autre trait caractéristique de la défense alpine est la large réutilisation et le réaménagement des fortifications de générations passées comme les forts de la période Séré de Rivières (Vulmix, Replaton…) ou antérieurs (Fort de Tournoux – Batterie XII, L’Esseillon,…). Ces forts, pour dépassés qu’ils soient dans l’absolu, pouvaient encore servir à moindre frais face à une frontière dont le tracé n’avait pas été modifié depuis le 19e siècle.
La 14° Région Militaire couvre la frontière des Alpes du sud du Jura (Divonne-Gex) jusqu’au Sud du col de la Bonette. Les trois secteurs défensifs et fortifiés (SD Rhône, SF Savoie et Dauphiné) disposés sur le ban de la Région ne sont fortifiés par la CORF – pour les deux derniers – qu’à partir de 1931. Ces fortifications se limiteront aux grandes vallées ou passage alpins et leurs travaux dureront jusqu’en 1940. La coordination technique des constructions est menée par les DTF (Directions des Travaux de Fortification) de Lyon, Grenoble et Gap, avec chefferies respectivement à Lyon, à Chambéry et Briançon et à Gap.
Au même moment que la construction des ouvrages CORF par la main-d’œuvre civile, la MOM construit 12 avant-postes sur la frontière, se présentant sous la forme de petits ouvrages souterrains reliant plusieurs blocs de combat pour mitrailleuse ou FM à une ou plusieurs issues et un observatoire. Leur position en altitude les mettant hors de portée de l’artillerie lourde ou des gaz, leur protection est en général faible et leur ventilation limitée à un ventilateur à bras sans filtres. Par contre leur équipement intérieur (latrines, cuisine, citernes, casernement, central téléphonique…) est tout à fait remarquable pour de la construction de campagne.
La 15° RM couvre la frontière de la haute Tinée à la Corse incluse. Ses travaux du Génie sont gérés par une seule Direction (Nice) qui supervise deux chefferies (Nice et Bastia). Tout comme en 14° Région, la période 1929-1935 est principalement caractérisée par la construction des ouvrages et organisations CORF et celle des avant-postes de la MOM en parallèle. Ces derniers sont au nombre de 15 et diffèrent de ceux de la 14° Région par la réalisation d’une 2e phase tardive de renforcement par des postes de combats légers en 1934-35. Ceux-ci sont faits de petits blocs béton pour FM/mitrailleuse et des emplacements ouverts – souvent en pierre sèche – pour mortier ou tromblon VB.
Pour aider les armées qui s’installent le long de la frontière, la STG produit à la déclaration de la guerre une notice de construction de blockhaus légers de fortification de campagne et une seconde notice relative à la confection du béton à l’usage des troupes de campagne. Ces notices sont accompagnées d’un album de plans-types contenant plusieurs modèles de blocs spécialisés :
Le STG – Type 1 et 1bis : blockhaus simple flanquant pour mitrailleuse Hotchkiss. Le type 1bis se différencie du type 1 par une protection légèrement supérieure (résiste à un coup isolé de 155mm – piédroits de 1,20m et dalle de 1,00m - contre un coup isolé de 105mm – piédroits de 0,85m et dalle de 0,60m). Ces type 1 et 1bis sont présentés en 2 variantes, l’une avec emplacement pour deux places couchées, et l’autre sans.
Le STG – Type 2 : blockhaus similaire au type 1, mais pour canon antichar de 25mm SA Hotchkiss. Le type 2 a le même degré de protection que le type 1bis (coup isolé de 155mm) et propose les mêmes variantes.
Le STG – Type 3 : Observatoire d’infanterie en protection similaire au type 1bis
Le STG – Type 4 : Abri passif pour personnel, en tôle métro renforcée de béton
Le STG – Type 5 : Abri bétonné pour personnel et canon de 25mm. Protection type 1bis.
L’ensemble de l’œuvre en matière de fortification de campagne des Régions Militaires sur la période 1935-1937 est inspecté et analysé par l’Inspection Général du Génie et des Fortifications au premier trimestre 1938. Le constat est clair : le manque général de protection, d’habitabilité, de cuirassements, de ventilation sont autant de points de préoccupation. Un certain nombre d’études et d’améliorations vont être réalisées entre 1938 et 1940 :
Développement par la STG d’un système de dalle d’éclatement fait de plaques de béton à assembler par anneaux d’acier de façon superposée sur les dalles des blockhaus jugés trop faibles. Ceci devait permettre de gagner une gamme de calibre de résistance. Cette idée n’est pas nouvelle et a déjà été explicitée dans l’IOT n°2 en 1917. L’étude sera lancée à l’été 1939.
Développement d’un système de coffrages métalliques standards réutilisables. Ces coffrages seront développés durant l’hiver 1939-40 pour les plans-types STG de l’album n°1. Ils doivent permettre une construction plus rapide (gain de temps sur le montage/démontage des coffrages bois).
Développement d’un carter léger pour mitrailleuse Hotchkiss permettant de canaliser les gaz de tir vers l’extérieur pour minimiser l’enfumage des chambres de tir non ventilées.
Mise en place d’une ventilation à bras dans chaque bloc pour mitrailleuse ou canon AC de taille significative. Cette évolution a longtemps été combattue par le 4° Direction (Génie) qui finira par admettre cette nécessité début 1939.
Développement à partir de 1937 de cuirassements standards pour les créneaux de blockhaus permettant, moyennant modification minime du bloc, de protéger les tireurs et l’arme. Si certains cuirassements développés plus tôt (trémie Pamart-Lemaigre en juillet 1939) ou très simples comme les trémies « Condé » purent être installés en nombre, les cuirassements tardifs (A2R, C2R, D8, etc.) sortiront trop tard de production pour arriver sur le terrain.
Les événements de 1936 poussent le ministère à reprendre la main sur les développements des régions militaires en matière de fortification, en commençant par prescrire le renforcement avec des blockhaus standards de haute qualité les zones jugées à ce moment là prioritaires, à savoir deux môles dans le Nord de la France (Maulde et les Monts) ainsi que la Haute-Alsace. L’effort à consentir dans le Nord vise à préparer la déclaration de neutralité de la Belgique, tandis que les fortifications du Sundgau visent à forcer l’ennemi à violer la neutralité Suisse pour contourner le territoire de Belfort, et donc à faire éventuellement basculer le pays du côté de la France. Si les môles du Nord de la France ne posent pas de problèmes particuliers, celui du Sundgau est contraint par les règles issues du congrès de Vienne et du traité de Paris de 1815 : aucune fortification n’est autorisée à l’intérieur d’un cercle de 12 km de Bale, obligeant le Génie à proposer un tracé en arc de cercle à cette distance de la ville.
Ce plan-type de Janvier 1937 (STG Mle 1937) sera suivi par une série d’autres catalogues entre 1938 et 1940, allant ultimement dans le sens de la simplification et de l’allégement en parallèle de la généralisation de l’implantation de ces blocs.
Section à venir
La « Notice provisoire descriptive d’un blockhaus double pour canon AC de campagne et mitrailleuse Hotchkiss » du 26 Janvier 1937 jette les bases de la série des grands blockhaus d’infanterie de la STG. Bien que construit en protection 2 et équipé d’une cloche GFM type B, ce type de construction ne possède pas de sous-sol, pas de ventilation ni d’énergie électrique. Le personnel loge avec des moyens de fortune dans les chambres de tir. Ce modèle est cependant prévu pour être marginalement améliorable ultérieurement en fonction des moyens. Il peut accueillir indifféremment des pièces de 25mm SA Mle 1934 ou de 47mm biflèches Mle 1937, voire dans certains cas le canon de 47mm de Marine sur affut crinoline.
La gamme STG modèle 1937 n’est pas exempte de critiques à l’usage : évolutivité faible, absence de cloisons séparatives entre les chambres de tir opposées, équipement de vie minimaliste, … Ce qui peut être considéré comme un brouillon, un premier jet émis dans l’urgence, va faire l’objet en contrepoint du lancement du programme PRETELAT du 19 Décembre 1938 de renforcement des positions frontières d’une mise à jour majeure. Cette nouvelle notice est émise quelques jours après le programme PRETELAT, le 29 Décembre 1938 et donne naissance au plans-types STG Mle 1939 pour canons AC et mitrailleuses. Elle annule purement et simplement la notice Mle 1937 et présente les similitudes et différences suivantes avec la version antérieure :
Même degré de protection (CORF n°2), et maintien de la cloche GFM type B.
Ajout d’un sous-sol partiel pour accueillir les équipements techniques à prévoir… pour certains plus tard (groupe électrogène, …)
Ajout de cloisons séparatives entre les chambres de tir opposées.
Officialisation d’une version à flanquement simple.
Ventilation à bras filtrée prévue d’emblée.
La cloche GFM type B standard est remplacée par une « cloche guetteur par éléments » - qui prendra ultérieurement le nom de cloche type C -. Durant le temps nécessaire à la fourniture de ce nouveau cuirassement, l’observation sera assurée par périscope de dalle à ménager dans le bouchon de béton amovible sensé venir obturer provisoirement le puits de cloche.
Le champ de tir des créneaux sera limité à 45°
Le créneau pour arme antichar, adapté aussi bien pour le 25mm SA que pour le 47mm Mle 1937, sera relevé de plus de 50 cm par ajout d’un radier surélevé dans les chambres de tir correspondantes. Cette dernière recommandation ne sera pas appliquée.
Après quelques mois de réflexion, la première passe de simplification des blocs STG Mle 1939 est proposée par le Gal GRIVEAUD en Mars 1939 et se caractérise par les deux changements majeurs suivants :
Passage de la protection 2 à la protection 1 (piédroits de 1,75 m et dalle de 1,50 m, capable de résister à deux coups de 160mm au même point).
Suppression de la cloche GFM type B au profit d’un simple périscope type V
Le standard STG-FCR est la version la plus légère et simple de la série des blockhaus lourds développés par la STG depuis 1936, et en constitue l’évolution ultime, appliquée à partir de fin 1939. L’étude détaillée de ce catalogue standard, étendu à 16 plans-types, et de ses évolutions est accessible ici .
Jean-Michel Jolas - 12/2019
Observation sur le billet
3 messages, le dernier est de SCHOEN le 03/12/2019